Chapitre 19: Comme deux atomes intriqués

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Le cœur de Violette battait la chamade. Là, à quelques mètres d'elle, de l'autre côté du rideau se trouvaient les plus grands scientifiques de cette époque. Même si Einstein s'était éteint deux décennies plus tôt, son héritage était encore bien présent et de nombreux de ses anciens collègues allaient assister à cette soutenance. Qu'allaient-ils penser, eux qui suivaient les pas d'un tel génie ? Allaient-ils se moquer d'elle ? Serait-elle vu comme prétentieuse de se croire capable d'égaler l'homme qui avait révolutionné la physique ? Ou bien seraient-ils heureux et fiers de constater que leur savoir avait été transmis à la nouvelle génération ?

La Française secoua la tête pour évacuer toutes ces pensées inutiles qui n'allaient que la gêner. Elle devait rester concentrée sur son sujet et donner tout ce qu'elle avait. Cette intervention était sa seule chance de briller, non pas au milieu de simples étudiants, mais face à la communauté scientifique toute entière.

« Allez, ma grande, c'est le moment de leur montrer à tous que, toi aussi, tu peux te faire une place parmi eux. Masamune, Flore, Édouard, Ryoko et Hanae comptent sur toi. Tu n'as pas le droit de les décevoir », pensa-t-elle pour s'automotiver.

Après avoir inspiré et expiré longuement pour calmer son rythme cardiaque qui commençait à s'emballer dangereusement, Violette se tourna vers son binôme. Soichiro, assis dans un coin, semblait serein, à première vue. Il se contentait de relire une dernière fois ses notes en silence, l'air concentré. Toutefois, la jeune femme savait que les apparences étaient trompeuses. Le président n'avait jamais été très scolaire. Il préférait recourir à l'intuition et à l'expérience plutôt que se perdre en théories et calculs interminables. C'est pourquoi le simple fait de le voir réviser trahissait son anxiété.

— C'est du grand n'importe quoi, grommela-t-il. J'ai passé ma semaine à courir après le téléphone mobile. Je découvre à peine notre nouvelle présentation, et tu m'obliges à t'accompagner sur scène. Tu tiens tant que ça à saboter ta performance, gamine ?

— On a élaboré cette théorie ensemble, et on la présentera ensemble, vieux ronchon, que ça te plaise ou non, rétorqua son amie.

— Et on échouera ensemble. Excellente idée digne d'Édouard. Tu as peut-être le génie nécessaire pour improviser sur un sujet pareil, mais pas moi. Vraiment, tu devrais y aller seu...

Ce fut le mot de trop. Violette arracha le dossier des mains de Soichiro et le déchira d'un seul coup, sous le regard interdit de l'étudiant.

— Qu'est-ce qui te prend ? s'étrangla-t-il. Tu tiens tant que ça à...

La blonde attrapa son camarade par le col et la força à la regarder droit dans les yeux.

— Tout se passera bien. Ça fait plus de huit mois qu'on travaille sur ce projet. C'est toi qui m'as tout appris pour que je puisse m'y plonger à mon tour. Si j'ai pu comprendre ton domaine de recherches et m'y intéresser, c'est parce que tu as su me transmettre ta passion. Tu ne m'as pas simplement montré des équations ennuyeuses et vides de sens. Tu m'as parlé avec ton cœur. Alors, aujourd'hui encore, ouvre ton cœur à notre auditoire. Montre aux plus grands de ce monde ce que tu m'as montré à ce moment-là. Si tu le fais, je peux t'assurer que ce sera un succès garanti.

Soichiro baissa le regard et serra le poing, tremblant.

— Nous allons être jugés par des physiciens reconnus mondialement pour leurs travaux. Ils ont travaillé aux côtés d'Einstein, Planck et Bohr. Leurs attentes sont bien plus hautes que tout ce qu'on peut leur offrir. Comment fais-tu pour ne pas être terrifiée à cette idée ?

Un sourire timide fendit les lèvres écarlates de Violette.

— Évidemment que j'ai peur, qu'est-ce que tu crois. J'ai l'impression que mon cœur va s'arrêter de battre à tout moment. Si je m'écoutais, je m'enfuirais et me cacherais dans la cabane jusqu'à ce que ça soit terminé. Mais c'est une étape par laquelle même Einstein a dû passer. Lui aussi devait être anxieux lorsqu'il a présenté sa théorie de la relativité générale. Alors je me dis que, s'il avait renoncé par peur d'être ridicule ou de se tromper sur toute la ligne, nous ne serions pas là à l'heure qu'il est.

Comme deux atomes intriquésWhere stories live. Discover now