Chapitre 18: Un nouveau départ

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Violette attendit le moment fatidique, mais rien ne vint. Timidement, elle entrouvrit une paupière pour découvrir que la balle d'acier s'était figée dans les airs, bloquée par un écran de lumière.

— Je commence à en avoir assez d'entendre autant d'inepties à la seconde, grommela une voix masculine.

Tous les regards se tournèrent dans la même direction. Pendant que Musashi était distraite, Édouard en avait profité pour s'approcher furtivement du prisonnier et le détacher. Désormais, Soichiro était libre de ses mouvements et avait récupéré son amulette. À ses côtés se tenait une grande guerrière aux cheveux d'argents, dont le sceptre était braqué en direction de la cheffe des Inagawa.

— La seule erreur qui a été commise ici, c'est lorsque je ne vous ai pas tuée, il y a dix ans, Musashi Inagawa. Cela nous aurait évité bien des complications, continua le président en massant ses poignets endoloris. Quelle importance que Violette soit d'ascendance royale ? Ça ne change rien à notre quotidien, déjà bien assez absurde comme ça. Pour moi, elle reste simplement une gamine assez stupide pour traîner avec des dégénérés comme nous, ainsi que la personne avec qui je dois passer ma soutenance dans quelques heures à peine. Et surtout, une amie qui m'a beaucoup apporté depuis son arrivée au Japon.

Violette dut prendre sur elle pour contenir les larmes qui lui montaient aux yeux tandis qu'une joie intense se répandait dans tout son corps. Sans le savoir, Soichiro venait de prononcer les mots que l'adolescente avait rêvé d'entendre toute sa vie.

— Exact ! Comme le dit notre président, tu es avant tout une agente népalaise, femme aux cheveux de paille ! renchérit Édouard, fidèle à lui-même.

— Vous tous... Je... Je ne sais pas quoi dire..., murmura la dauphine, la gorge nouée par l'émotion. Enfin si... Mer...

— Eh ! C'est quoi tout ce raffut ici ? Madame Musashi, tout va bien ?

Le groupe se figea. Dans le couloir, des dizaines de yakuzas armés jusqu'aux dents accouraient en direction du bureau de leur patronne. La diversion de l'explosion au rez-de-chaussée avait détourné l'attention des gardes moins longtemps que prévu. Au moins, ils avaient réussi à libérer Soichiro. Violette considérait déjà cette mission comme accomplie.

Afin d'assurer leur retraite, la Française attrapa Musashi par le col de son costume. Avec la force surhumaine que lui procurait le Kvantiki à l'intérieur de sa bague, elle l'envoya valser contre ses hommes comme une boule de bowling. Interdits, les criminels s'arrêtèrent net, affolé à l'idée que leur cheffe ait pu être blessée.

— Maintenant ! ordonna la cadette au reste du club.

Sans se faire prier davantage, les étudiants contournèrent les mafieux et s'enfuirent à toutes jambes par les escaliers à l'opposé du bâtiment.

— Une minute ! s'étrangla Soichiro dans sa course. Je croyais que vous étiez venus avec la police !

— Juste du bluff ! lui répondit Flore en haussant les épaules. On s'est introduit grâce au pass de Ryoko. Tu pensais vraiment qu'on nous aurait écoutés si on avait accusé une personne aussi influente sans preuve ?

— Mais vous êtes complètement malades ! Ne me dites pas que vous avez encore suivi un plan d'Édouard !

— J'aurais bien aimé, mais pas cette fois-ci. C'est celui de notre agente népalaise ! rétorqua l'intéressé.

La blonde, à la tête du cortège, rougit et accéléra le pas. D'abord sans voix, Soichiro fut pris d'un fou rire incontrôlable jusqu'à en avoir les larmes aux yeux.

Provoquer une explosion à l'extérieur pour détourner l'attention, faire croire à Musashi qui la police les encerclait, puis prendre la fuite, en voilà un plan de mauvais film d'espionnage. En temps normal, Violette n'aurait jamais approuvé une telle idée, et s'y serait même fermement opposée. Néanmoins, cette fois-ci, c'était elle qui l'avait élaboré et avait convaincu les autres de la suivre dans sa folie. Cette pensée arracha un sourire à l'héritière.

Derrière eux, les étudiants pouvaient entendre les vociférations de leurs poursuivants. Toutefois, ils réussirent à franchir les portes du bâtiment sans se faire attraper. Au pied de la tour, une voiture les attendait. Ryoko Seiu à la place du chauffeur fit signe à ses élèves de monter, puis le véhicule démarra au quart de tour et fonça à travers les rues de Tokyo.

— Il vous manque vraiment un grain, tous les cinq, grommela l'homme. J'espérais que tu serais un peu plus raisonnable que ces idiots, Violette. Tu me déçois.

— Que voulez-vous, professeur ? Leur bêtise a dû déteindre sur moi ! Et puis, j'avais besoin de ça, je crois. J'ai toujours vécu renfermée sur moi, à l'abri dans le cocon protecteur qu'était mon château. Même s'il me préservait du danger, il m'empêchait également d'évacuer ma tristesse et mes regrets qui s'accumulaient en moi. Si j'y étais restée plus longtemps, j'aurais certainement implosé. Mais, maintenant, je sais enfin quelle direction je veux prendre.

— Et quelle est-elle, ma chère élève ?

— Je veux rattraper le temps perdu et profiter de mon séjour au Japon pour expérimenter tout ce que j'ai raté en France ! Partir en voyage avec mes amis, veiller tard le soir pour étudier avec eux, les entraîner dans mes folies... Autant de choses banales que j'ai découvertes ces dernières semaines. En huit mois ici, je ne me suis jamais sentie aussi vivante qu'aujourd'hui ! Évidemment, je n'abandonnerai pas mon rêve d'entrer dans l'histoire et continuerai à travailler dur pour atteindre cet objectif. Mais, je ne m'empêcherai plus de faire ce dont j'ai envie !

— Tu ne cesseras jamais de m'étonner, mon enfant, s'amusa l'enseignant. Comme quoi, même un adulte comme moi a encore beaucoup à apprendre de la jeunesse.

— Je suis désolée, les amis. J'aurais tant aimé vous dire la vérité à mon sujet plus tôt, s'excusa la Française. J'espère que vous ne m'en voulez pas trop...

— Pour être honnête, je suis admiratif de toi, gamine, lui répondit Soichiro. Je sais ce que ça fait d'être issu d'une famille à laquelle on ne veut pas appartenir. Il n'y a personne au monde que je méprise plus que mon propre père. Contrairement à moi, tu as été capable de prendre un nouveau départ et ne pas te laisser écraser par la pression. Je pense que je peux parler au nom de tout le club. Nous sommes vraiment chanceux d'avoir rencontré un phénomène comme toi. Tu es arrivée dans nos vies du jour au lendemain et tu as transformé ce club stupide en un lieu unique. J'espère que tu ne quitteras pas E.T.. H.E.R avant la fin de nos études.

— Je ne m'avancerai pas sur ce point-là, rétorqua Violette, un éclat de malice brillant dans ses yeux d'émeraude. Pour moi, vous êtes toujours des dangers publics. Il vous manque une case à tous et on devrait vous interdire de toucher à n'importe quelle substance chimique.

— Et c'est pour ça que tu fais officiellement partie des nôtres, maintenant, compléta Flore avec un sourire rayonnant.

— Peut-être bien. Pour l'heure, on a une soutenance à faire ! Alors, professeur, passez la cinquième et direction Rikoukei, notre maison !

Oui. Violette Pendragon d'Orléans, la fille parfaite et sans émotion était restée en France, dans le château froid et vide dans lequel elle avait grandi, seule. Ici, il n'y avait que Violette Leblanc, une simple étudiante comme les autres dans le département de physique quantique de Rikoukei.

Qu'importe ce que les autres avaient pu dire sur elle dans son dos. Qu'importe si elle avait été rejetée de tous pour un nom qu'elle n'avait jamais demandé à porter. Qu'importe si ses parents ne lui avaient accordé que trois ans pour réaliser ses rêves. Qu'importe si elle devait devenir folle aux côtés d'Édouard, Flore, Masamune et Soichiro. Enfin, la Mozart des sciences avait trouvé sa place dans ce monde, là, sur l'île artificielle d'Odaiba, à l'université Rikoukei, à dix-mille kilomètres de chez elle, dans un cabanon de jardin en ruines.

« Merci pour tout, les amis. J'ai une dette envers vous que je ne pourrai jamais rembourser. C'est pourquoi je vous promets de rester avec vous aussi longtemps que possible. Vous avez ma parole. » 

Comme deux atomes intriquésWhere stories live. Discover now