Chapitre 22: Souvenir de jeunesse

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Violette observait la cour du lycée d'un œil distrait à travers les immenses baies vitrées de la salle de classe vide. En bas, tous les autres élèves s'étaient rassemblés autour du terrain de football pour regarder la finale du tournoi interclasse. Ils étaient si bruyants que leurs mugissements remontaient jusqu'au cinquième étage, alors que les fenêtres étaient fermées.

La dauphine n'avait jamais compris l'engouement des gens pour ce sport. Après tout, lorsqu'un chien court après une balle, personne n'exulte de joie. Alors, pourquoi en était-il autrement avec vingt-deux sportifs suants ? Aucun d'entre eux n'allait changer la face du monde. Ce jeu n'était qu'un divertissement comme un autre. Et, malheureusement pour elle, ce concept n'existait pas dans le vocabulaire de la princesse de Bretagne.

C'est pourquoi, lassée du spectacle après moins de deux minutes, la lycéenne se replongea dans ses révisions. Elle avait beau n'être qu'en seconde, elle se préparait déjà pour le baccalauréat, et, surtout, pour les études supérieures. Être première de la promotion ne lui suffisait pas. Elle avait besoin de viser beaucoup plus haut. Elle voulait, comme n'importe qui, rencontrer un obstacle insurmontable qui la forcerait à se remettre en question et à douter d'elle-même. Sans succès jusqu'à présent. Les annales des années précédentes étaient d'une facilité déconcertante. Et il en allait de même pour le sujet de physique de maths spé qu'elle avait sous les yeux à ce moment-là.

Soudain, un bruit de pas tira la jeune fille de ses pensées. Elle leva légèrement le regard en direction de l'entrée. Là, quatre autres élèves se tenaient dans l'entrebâillement de la porte. Violette grimaça intérieurement lorsqu'elle les reconnut et replongea aussitôt le nez dans ses livres.

Une main s'abattit sur la page qu'elle était en train de lire.

— Regardez-moi ça ? Quelle tristesse, ici ! Miss héritière n'a tellement pas d'ami qu'elle est obligée de réviser toute seule le jour de la finale ! ricana l'une des intruses au maquillage si prononcé qu'elle semblait sortir de la morgue.

La future scientifique ne releva pas.

— Tu te crois tellement supérieure à nous que tu nous ignores, avec tes grands airs de duchesse, Violette ?

— Je suis comtesse, pas duchesse, répondit calmement la blonde, nullement impressionnée.

— Oh, désolée, je ne voulais pas froisser mademoiselle la comtesse de Paris ! Et tu vas faire quoi, donc ? Nous guillotiner ? Ah, non, j'oubliais, la guillotine a changé de camp !

Les trois autres filles éclatèrent de rire en même temps comme une bande de hyènes. Même si, pour Violette, les comparer à ces animaux était une insulte à l'intelligence de ces prédateurs.

— Que veux-tu encore, Marie-Henriette ? soupira l'héritière, qui avait l'impression de perdre son temps.

— Que tu dégages d'ici. On n'a pas besoin d'une bobo dans ton genre dans ce lycée. Retourne au couvent comme tes ancêtres, et finis comme eux, ça nous fera des vacances !

— D'un, si tu raisonnes ainsi, tu devrais toi-même t'exclure du lycée. Et, de deux, est-ce que celle qui se prend pour une reine a peur qu'une princesse vienne lui voler sa couronne ? Si c'est cela le problème, ne t'inquiète pas, je te laisse la place d'idiote en cheffe.

Un claquement résonna dans la salle de classe. Une douleur vive se répandit sur la joue de Violette et sa peau se para d'une teinte écarlate.

— Ne t'étonne pas que personne ne t'adresse la parole ! fulmina la dénommée Marie-Henriette. Tu es vraiment la personne la plus détestable qui existe ! Reste dans tes bouquins et marie-toi avec, de toute façon, tu ne trouveras personne d'autre !

Comme deux atomes intriquésWhere stories live. Discover now