Chapitre 33: Comme deux âmes intriquées

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Dans le ciel, le tonnerre grondait. Une violente pluie s'abattait sur l'île, ralentissant les mouvements des deux étudiants. Leurs chaussures s'enfonçaient dans la boue à chacun de leurs pas, leurs cheveux trempés obstruaient leur vision et leurs vêtements lourds gênaient leur progression. Mais Soichiro refusait de faiblir. Il devait mettre sa cadette en sécurité à tout prix dans le seul endroit où personne n'oserait la chercher, une demeure yakuzas, celle d'Hakaze, se trouvant à l'autre bout de l'île artificielle.

Après plusieurs minutes de course effrénée, Violette trébucha sur une racine à la lisière de la forêt et lâcha la main de son ami. À bout de souffle, elle s'arrêta quelques secondes pour reprendre des forces. Son cœur tambourinait dans sa poitrine. Non pas à cause du sprint qu'elle venait de faire, mais parce qu'elle ne comprenait pas le geste de Soichiro. Elle était à la fois soulagée d'avoir échappé, de manière temporaire, à ses obligations, et terrorisée à face aux problèmes que cela allait créer.

— On doit se dépêcher gamine. Ces types ne vont pas tarder à nous rattraper. Je ne pense pas qu'Édouard et les autres les retiendront très longtemps.

— Pourquoi ? haleta-t-elle. Pourquoi avoir fait ça pour moi ? C'était stupide, irréfléchi, irresponsable, inconsidéré, irrationnel, illogique, et dangereux. Y a-t-il seulement une raison à cela ? Tu es conscient que fuir ne résoudra en rien ce problème, Soichiro. Alors, pourquoi as-tu agi ainsi ?

— Tu le sais aussi bien que moi. Parce que tu n'as pas à partir si tu ne le veux pas.

— Ça fait des mois que je répète que je vais quitter le club. Je ne vois pas pourquoi tu es surpris lorsque je le fais enfin..., murmura Violette.

— Et si tu arrêtais de mentir, de temps en temps ?

L'héritière rit légèrement.

— Tu me connais trop bien pour te faire avoir, on dirait. J'imagine que c'est ça que signifie « être ami ». Je te suis vraiment reconnaissante de t'inquiéter pour moi de la sorte, mais tout ira bien. Cette année passée en votre compagnie était merveilleuse, mais ce n'était que des vacances pour moi. J'aurais dû me douter que mon père ne me laisserait pas filer aussi facilement. Après tout, nous sommes tous des menteurs dans la famille.

— Tu n'as aucun devoir de lui obéir. Suis-moi, et on te cachera le temps que les choses se calment. On peut même te déclarer morte et tu pourras commencer une nouvelle vie sous une autre identité ! Ou bien, tu peux...

Violette secoua la tête négativement, sans cesser de sourire. Soichiro s'arrêta net et serra les dents.

— Tu sais, vieux ronchon, en venant, j'avais un rêve. Je voulais recommencer à zéro. Cependant, je n'aurais jamais imaginé vivre autant de bons moments à vos côtés. Notre voyage à Kamikawa était le premier durant lequel j'ai vraiment pu me détendre. Les feux d'artifice sur le toit de l'observatoire pour mon anniversaire étaient inoubliables. Je me souviens encore de la couleur de chacune des fleurs dans l'ordre exact de leur apparition. Même si, sur le moment, j'étais terrifiée, notre assaut chez les yakuzas a été amusant. Jamais plus je ne vivrai une telle aventure digne d'un film d'action, je pense. Notre thèse était la finalisation de tous les espoirs que j'avais placés en cette nouvelle vie, et certainement l'événement le plus heureux de ma courte existence. Vous étiez des dangers ambulants, et plusieurs fois j'ai eu envie de vous tuer, mais vous avez su m'accueillir parmi vous et avez accepté mon mauvais caractère sans broncher.

— Arrête de parler au passé, gamine. Tout ça n'est pas fini. Il nous suffit de faire quelques mètres encore, et tu seras en sécurité ! On pourra continuer cette discussion une fois chez Hakaze !

Comme deux atomes intriquésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant