Son Souffle Mortel - Tome 2 {Yoonmin}

• Chapitre 12 •

Chapitre 12
_comprimés nocturnes_

Yoongi avait fait son lit pour la nuit. Il attendait, assis sur son petit matelas, seul dans la chambre. Le stress faisait battre son cœur.

Jimin. Jimin. Jimin.

Ce nom tournait dans sa tête, petite chansonnette addictive qu’il n’arrivait pas à oublier. Lui et Jimin allait dormir dans la même chambre pour la première fois depuis des longs mois d’insomnies et de souffrances. La salle de bain était devenue silencieusement, l’aveugle allait revenir d’une minute à l’autre mais il n’était pas prêt. Ses doigts jouaient nerveusement avec les lacets de son sweat tournesol. Il se demandait de quoi ils allaient bien pouvoir parler avant de s'endormir, fatigués. Seulement, il n'eut pas besoin de se poser longtemps la question que Jimin entrait déjà dans la chambre, habillé de son pyjama, une serviette sur ses cheveux trempés. Les jambes de Yoongi s'étaient levées d'elles même pour sortir rapidement de la pièce, étouffante de ses angoisses. « Je vais faire pipi.» avait choisi son esprit comme excuse alors qu'il courait s'enfermer dans le bureau de son père. Le dos contre la porte, il reprit son souffle. Il pouvait entendre d'une oreille le film que ses parents regardaient à la télé et Jimin refermer la porte en se demandant sans doute quelle mouche l'avait piqué.

Yoongi essaya comme il put d'oublier tous ces sons autour de lui alors qu'il se décollait de la porte. Il repensait à tout ce qui était arrivé aujourd’hui. C’était irréel, si irréel qu’il dû se pincer pour être sûr de ne pas rêver. Il était si heureux de le revoir et pourtant cela lui déchirait le cœur. Il voulait être proche mais loin de lui. Son esprit l’embrouillait de sentiments contradictoires : le rejeter, le charmer, s’éloigner, se rapprocher, peut-être même l’embrasser ou le jeter dehors. Il était perdu. Comme le réflexe d’un petit enfant cherchant sûreté et calme, il se glissa sous le bureau de Namjoon. Protégé par cette cabane, il essaya de se calmer, en vain. C’était fou, incroyable, inimaginable. Jimin était dans sa chambre, ils s’étaient parlé dans la journée, ils avaient ri ensemble comme si leur ru

pture, leur histoire d’amour n’avait jamais existé.

Le garçon enfouit son visage dans ses bras. C’était trop dur de le revoir, il n’y arrivait pas. Peut-être devrait-il dormir avec le chat dans le salon sur ce canapé neuf que Seokjin chérissait comme la prunelle de ses yeux. Ou bien rester ici, dans sa petite cabane de fortune. Oui, c’était bien, il ne sortirait pas de ce bureau, il ne retournerait pas dans sa chambre. Yoongi se glissa un peu plus contre le mur pour se décaler de cette chose qui s’enfonçait dans sa côte mais ce fut pire. Il se retourna. Qu’est-ce qui le gênait ainsi ? Il alluma la lampe torche de son téléphone pour regarder. C’était une petite boîte en carton, le scotch qui la scellait, éventré. Il fronça les sourcils. C’était les affaires de son père mais quelle étrange idée de la mettre ici. Prudemment il l’ouvrit. Il n’avait pas le droit, il sentait, il venait de violer la vie privée de Namjoon mais qu’importe, son contenu l’attirait irrésistiblement. Il en sortit une boîte de médicament. En fait, le carton en était rempli de moitié, des petites boîtes de calmants encore pleines. Qu'est-ce que c'était ça ? Une réserve d'écureuil ? Yoongi fronça les sourcils, pourquoi diable son père avait-il besoin d'autant de médicaments ?

Le jeune homme s’était encore plus recroquevillé sous le bureau, la serrée sur une des plaquettes de médicaments. Il sentait la fatigue se propager dans ses membres mais ses pensées l’empêchaient de trouver le sommeil. Il était anxieux, incapable de comprendre l’exacte raison de toutes pilules cachées dans le bureau de son père. Peut-être devrait-il aller lui en parler, demander des explications ? Mais alors Namjoon comprendrait qu’il avait fouillé dans ses affaires. À vrai dire il n’avait pas fouillé intentionnellement mais il n’allait certainement pas avouer avoir voulu éviter Jimin. Ce serait accepter devant ses parents que le garçon lui plaisait encore. Ils devaient très certainement s’en douter vu comment Seokjin avait protégé la vie de son canapé. Son ongle passa plusieurs fois sur le bord de la plaquette alors que ses dents mordillaient sa lèvre. Se lever ou rester assis. Confronter son père ou se terrer comme un lapin dans son terrier. Soupir. C’était ridicule, il était ridicule comme ça. Il s’apprêtait à se lever quand on entra avec fracas dans le bureau. Par peur il se cogna la tête en essayant de se coller contre le mur. La lumière s’alluma vivement. Namjoon s’écroula sur le sol, la respiration saccadé, juste devant lui. Yoongi retint sa respiration. Son père se tenait là, à quelques centimètres de lui, les yeux fermés et le dos appuyé contre un pied de la table. L’homme ne l’avait pas vu dans les ombres, il cherchait désespérément sa respiration en avalant d’une main tremblante les pilules d’une boite qu’il avait sorti d’une main tremblante de sa poche. 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, peut-être plus, le garçon avait perdu le compte. Son cœur se déchira en voyant l’homme qui le protégeait de tous les dangers aussi faible. Tandis que son père tentait de se calmer, Yoongi esquissa plusieurs fois des mouvements de mains dans sa direction. Il voulait le prendre dans ses bras et l’aider mais il resta finalement à sa place, aussi silencieux que possible. Les épaules de son père s’abaissaient de plus en plus lentement alors qu’il retrouvait peu à peu son souffle. Les secondes parurent interminables. Namjoon s’était calmé et il semblait même s’être assoupie. Yoongi osa finalement bouger sa jambe ankylosée et sortir de sa cachette. Une boule s’était formé dans sa gorge, il peinait à avaler sa salive. Il resta quelques secondes à l'observer, avant de se pencher pour le prendre dans ses bras et le porter. Namjoon était grand, musclé et assoupi mais il ne pensait pas plus qu’une plume pour Yoongi. Une vision bien étrange que celle d’un jeune homme aux membres fins porter un tel homme. Il sortit du bureau et l'amena au lit de ses parents. Seokjin y dormait déjà comme un loir, bien emmitouflé sous les couvertures. Le chat sur les talons, Yoongi déposa doucement son père sur le matelas et tira sur les draps que Seokjin avait ramené contre lui pour les rabattre sur Namjoon. Il resta quelques secondes à regarder ses deux parents bien au chaud aux pays des rêves tout en réfléchissant. C’était quoi cette crise ? Elle l’avait terrifiée. Et depuis combien de temps Namjoon se sentait aussi mal au point de se shooter aux médicaments ? Seokjin était-il au courant ? Il finit par se pencher sous le lit, à peine éclairé par la lumière du couloir.

-Saeu, murmura-t-il, vient mon minou.

Les yeux phosphorescents du félin le fixèrent, à l’abri sous les lattes. Saeu miaula doucement.

-Shhh, Chachou, viens.

Nouveau miaulement. Si elle continuait, elle allait réveiller ses parents.

-Viens mon minou, j'ai des croquettes et pleiiins de pâté, chuchota le garçon.

Le chat bondit hors de sa cachette. Surpris, Yoongi se releva, il se cogna durement l'arrière du crâne contre le sommier. Il se mordit la langue pour ne pas pousser un cri de surprise. Saeu avait lancé une attaque surprise aux deux liens qui pendaient de son sweat. Il profita de l'occasion pour la kidnapper dans ses bras et il s'enfuit dans le couloir.

-Aïe, aïe, grogna le garçon en sentant toujours son crâne pulser sous l'impact.

Il relâcha l'animal dans le salon – elle s'attaqua immédiatement au canapé – puis il but un verre d'eau avant de retourner dans sa chambre. La lumière était éteinte et Jimin n'avait pas pris la peine de fermer les rideaux. La lumière du ciel apporta une légère clarté à la pièce. Le garçon s'était roulé en boule au-dessus des couvertures. Il s'était endormi, le casque sur ses oreilles d'où s'échappait une voix grave. Yoongi s'approcha furtivement jusqu’à son lit qu'il lui avait cédé. Intrigué, il porta les écouteurs de son ex à ses oreilles.

-Fin du cours d'histoire gamin, t'as intérêt à l'apprendre par cœur, j'ai bousillé mon temps libre pour toi. 

Il fallut plusieurs écoutes pour que Yoongi comprenne que c'était sa propre voix. Jimin réécoutait les cours qu'il lui avait enregistré lorsque ses harceleurs avaient détruit son enregistreur au lycée. Un sourire s'imprima sur ses lèvres. Il éteignit l'appareil et s'assit sur le lit. Sa main vint d'elle-même, dans un mouvement impulsif, recoiffer le jeune aveugle, effleurant sa peau douce.

-Dors bien Jiminie.

Il attrapa un plaid sur son bureau et vint l'étaler sur le corps sans doute frigorifié du dormeur puis il s'allongea à son tour sur un matelas installé au sol. Son regard ne le quittant plus, il se mit à penser qu'avoir l'odeur de Jimin sur ses draps serait la meilleure chose au monde avant qu'il ne retourne à la colocation.