Son Souffle Mortel - Tome 2 {Yoonmin}

• Chapitre 35 •

Chapitre 35
_c'est le Grand Lustucru qui mangera tous les petits gars qui ne dorment pas..._

(Parole de la chanson Le Grand Lustucru écrite par Kurt Weill et Roger Fernay)

La machine à café vrombissait, pétaradait comme le moteur mal huilé d'une vieille voiture laissée trop longtemps sur un parking. Elle commença à crisser, plongeant la salle de repos dans un insupportable bruit de fond. Un gobelet tomba. Arrêt du moteur. Raclement. Crachat. La machine se remit à vibrer violemment. Le commissaire Woosung prit le gobelet brûlant entre ses doigts. Pas de sucre, pas de cuillère, un café pur et dur. Difficile à avaler mais les policiers de la caserne s'y étaient habitué. L'esprit de l'homme vagabondait bien loin de ce bâtiment tout neuf aux murs blancs. Il repensait à ces deux enfants disparus qu'ils venaient de retrouver morts, abandonné dans un fossé. Cette affaire traînait depuis plusieurs mois déjà. D'abord la disparition de la petite Ilsoo, à l'internat pour fille de Wonju le 13 mai, puis Daehyun à l'orphelinat de Gimpo, le 20 juillet. Des villes assez loin de Séoul a priori, qui ne dépendaient pas de sa juridiction. Seulement lorsqu'un de ses anciens collègues lui avait parlé du premier corps qu'ils avaient retrouvé, celui d’Ilsoo, des détails avaient retenus l'attention de Woosung. La petite faisait partie d'un groupe d'environ 6 gamins disparus la même nuit, et aucun n'avait de famille proche pour s'inquiéter réellement. La police avait déployé de pauvres moyens pour les retrouver : avis de recherche dans les journaux et les médias pendant trois semaines avant l'abandon presque complet des recherches. Si ce mode opératoire lui avait rappelé l'affaire de Yoongi, il ne s'était pas alerté plus que ça jusqu'à ce que son collègue lui parle d'autres enlèvements groupés : 5 enfants arraché à leur lit le 20 juillet à Gimpo puis le 9 aout dans un petit village à côté de Busan. Toujours et encore des orphelins. Quelques recherches pendant trois mois, puis plus rien. Ils avaient attiré le regard des autorités l’espace d’un petit mois, avant de retomber dans l’anonymat. Non, ce qui avait vraiment mis la puce à l'oreille du commissaire c'est lorsqu'il avait appris les circonstances de la décès de la petite fille, retrouvée dans l'eau croupie d'un fossé il y a deux semaines. Morte de déshydratation et de mal nutrition, son corps portait des traces de détention : genoux raclés par un sol de béton, enchaînement des poignets et des chevilles. À à peine 8 ans, la gamine avait vécu l'enfer de ce qui ressemblait à de la torture. Le médecin légiste pensait qu’un collier électrique avait dû enserrer de temps en temps son cou. Son corps était parcouru de cicatrices et de piqûres de seringue, ses organes étaient en place mais on avait retrouvé une quantité de produits chimiques dans son organisme. Le commissaire c'était alors intéressé de loin à toute cette affaire pour ne pas attirer l'attention. Tout cela ressemblait bien trop aux sévices que Yoongi avait vécu pour qu'il passe son chemin. Et lorsqu'on avait retrouvé cette semaine le cadavre de Daehyun dans un état similaire, Woosung avait immédiatement contacté son collègue pour recevoir les dossiers d'enquête, prétextant une simple curiosité. Il les avait donnés aux scientifiques au cas où Minho et son équipe voudraient, d'une manière qui ne devait surtout pas le concerner, étudier les corps.

Il but une gorgée de café brûlant. Tout concordait avec le calvaire de Yoongi. Des enfants orphelins, plus jeunes que 13 ans, enlevés par petits groupes, dans toute la Corée du Sud, emmenés pour subir divers expériences scientifiques. C'était bien plus qu'une coïncidence. D'une manière ou d'une autre, ce même groupe de savants fous s'étaient réunis pour recommencer les immondices de leur défunt chef.

-Commissaire, votre monnaie.

Woosung récupéra le billet sous le volet de verre tandis que Yunho, le médecin légiste, commandait son propre café. La machine se remit en marche dans une cacophonie métallique et le ronron du moteur engloutit de nouveau la pièce.