Chapitre 15

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Lorsque l'avion toucha enfin la terre ferme de Talhouni, le soleil était sur le point de se coucher et le temps s'était un tout petit peu rafraîchi contrairement aux craintes de Bobbie qui craignait une chaleur étouffante. D'après sa conception, le soleil d'Australie ne rivalisait en rien avec celui de l'Arabie. Dans le ciel, la lune avait déjà commencé à faire son apparition si on y prêtait longuement attention. Elle semblait pourchasser le soleil.

Ils avaient atterri sur un petit tarmac qui semblait être privé et était protégé par des barrières électriques hautes.

Après avoir correctement ajusté son voile rouge que le vent avait failli emporter, elle suivit Hakim à la trace, le collant presque. La jeune australienne s'apprêtait mentalement pour affronter le peuple de Hakim. Elle avait fichtrement peur du rejet malgré les propos rassurants du Cheikh à propos des étrangères ayant fait partie de sa famille ancestrale. Si jamais on l'accueillait mal, que ferait-il ? La garderait-il quand-même à ses côtés ou la renverrait-il en Australie au plus vite ? Peut-être qu'au final il allait faire de sa présence en ces lieux un secret. Toutes ces questions et incertitudes lui donnèrent un début de migraine.

Toutefois si les Khayatiens n'acceptaient pas sa personne, Bobbie savait que Hakim était un homme de principe qui ne laisserait pas son peuple intervenir dans des décisions propres à sa vie privée. Du moins elle l'espérait...

Ce dernier n'avait plus décroché un mot depuis qu'ils étaient sorti du véhicule aérien. Bobbie devinait aisément ce qui le tracassait : la mort de ces innocents ouvriers. Seul un roi bon et généreux de cœur pouvait être ainsi affecté par le sort de ces gens. Une fois de plus, Hakim lui prouvait que malgré son titre il était le même homme qu'elle avait connu une nuit dans la chambre royale d'un prestigieux hôtel situé près de l'Opéra de Sydney. Au final, elle avait peut-être un peu trop exagéré dans ses réactions précédentes... Mais elle lui en voulait toujours.

Ils furent accueillis par une dizaine d'hommes traditionnellement vêtus. Leurs âges variaient entre trente et soixante ans, peut-être plus. Si l'australienne fut au prime abord soulagée de voir qu'ils n'étaient pas des journalistes en quête de scandale, elle n'en demeura pas moins glacée et paralysée la seconde d'après en comprenant qui ils étaient. Intimidée, Bobbie se plaça derrière son amant en s'accrochant à sa robe de cheikh comme à une bouée de sauvetage. D'ailleurs elle le remercia mentalement d'avoir pensé à lui faire mettre cette tenue aussi austère soit-elle car elle se serait morte d'embarras si elle avait eu à supporter les regards de travers de ces gens qui paraissaient être des notables.

Hakim se rendit compte du cinéma que jouait sa maîtresse alors il se décala légèrement sans brusquerie, passa un bras autour de sa taille et la positionna correctement à ses côtés. Ses conseillers pouvaient bien penser ce qu'ils leur plairait, aucun d'eux n'était assez fou pour le contrarier en émettant des reproches à voix haute. Ils avaient beau être des censervateurs aguerris, le premier qui allait trouver quelque chose à redire son choix de femme allait se voir retirer son titre.

Après les salutations d'usage, le roi al-Din Jalal leur présenta brièvement Bobbie et ne sachant pas comment les saluer, celle-ci se contenta d'une courbette ponctuée d'un timide Bonsoir bafoué. Sous l'intensité de leurs regards curieux et scrutateurs, elle avait l'impression d'être l'objet d'une expérience scientifique, un rare spécimen inconnu suscitant la réflexion chez ces ministres royaux.

– Ne te courbe pas autant devant eux habibti, un simple salut suffira aisément. Je sais que leurs âges t'intimident et te poussent à le faire. Toutefois c'est à eux de s'incliner, chuchota tendrement Hakim au creu de son oreille.

En effet ils n'ignoraient pas que les intentions de leur roi envers l'étrangère étaient tout à fait nobles. Ils savaient ce que Bobbie Wiggins représentait même s'il ne le leur avait pas encore expressément dit. Bientôt elle allait occuper une place de choix dans le royaume.

– Oh..., s'exclama la jeune femme au doux visage plus que jamais ponceau.

Elle se sentait si gauche maintenant. Et ces hommes qui la fixaient toujours comme s'ils attendaient autre chose venant d'elle. Que devait-elle dire et faire de plus ? Et Hakim qui la fixait avec un certain amusement.

Heureusement pour elle, un d'entre eux vint à sa rescousse en faisant un pas en avant et en lui tendant la main pour une présentation occidentalisée. L'homme en question était roux, légèrement barbu et avec une stature élancée. Sa posture imposait le respect. Ses yeux ambrées et perçants donnaient l'impression qu'il pouvait lire dans les tréfonds des âmes de ses vis-à-vis. Bobbie frissonna devant son magnétisme presque aussi écrasant que celui du roi. Néanmoins lorsqu'il parla, sa voix était étonnamment calme et douce. Quel étrange personnage, se dit Bobbie avec la tête légèrement penchée sur le côté.

_ Bonsoir. Je suis Furkan Wahed Fakhruddin, le conseiller en chef du cheikh.

L'australienne fronça les sourcils car elle ne s'attendait pas à ce que le conseiller en chef soit aussi jeune. Furkan sembla étrangement comprendre sa stupeur et s'en amusa d'avance puisqu'il avait l'habitude de lire cet air médusé sur le visage des étrangers dès qu'ils apprenaient le rôle qu'il jouait parmi les notables plus âgés que lui. Cependant il ne fit aucun commentaire là-dessus.

– Je me permets de vous souhaiter la bienvenue au Khayat. J'espère que vous apprécierez votre séjour parmi nous.

– Enchantée et merci beaucoup, lui sourit simplement Bobbie avant que le cheikh n'écourte les présentations.

Sans plus s'occuper des autres ministres qui allait sans doute le rejoindre plus tard pour la réunion d'urgence, le couple monta dans la Jeep blindée avec Furkan qui s'installa à l'avant avec Sayf le fidèle chauffeur personnel de Hakim. Bobbie attacha sa ceinture elle-même avant que Hakim n'entreprenne de le faire à sa place.

– Et les gardes ? ne put-elle s'empêcher de demander.

– Tu n'as rien à craindre.

– Je n'ai pas peur pour moi, je veux juste mon violon.

Le cheikh manqua de souffler d'exaspération. Bobbie vouait une telle adoration à son instrument que c'en était énervant à la longue. Hakim en était arrivé à envier un vulgaire instrument de musique. Ce fut donc avec une voix âpre qu'il la rassura.

– Il ne va pas s'évaporer dans la nature, on te le rendra une fois à destination. En attendant il se trouve dans la seconde voiture conduite par Kader, là où ont été déposés tes bagages.

Sur ce, le Cheikh se tourna vers Furkan pour démarrer une conversation en langue locale afin de faire comprendre à sa jeune maîtresse qu'il n'admettrait aucune protestation et que la discussion était bouclée. Bras croisés, Bobbie se retint de renfrogner la mine pour ne pas paraître malpolie devant cette tierce personne. Mais elle se disait tout de même qu'elle détestait cette manière qu'avait le Cheikh de changer de langue pour l'exclure dune conversation. Vivement qu'elle apprenne quelques mots en catimini.

Mais qui allait bien pouvoir lui apprendre une telle chose afin qu'elle puisse surprendre le cheikh ?


L'amante secrète du Cheikh Where stories live. Discover now