Chapitre 33

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Très tard dans la nuit sombre, un vieil homme en long kamis noire se hâta de traverser un des couloir du quatrième aile en évitant de se faire voir. Il agissait nerveusement et se cachait le visage avec le tissus de son keffieh. Sur le sol qu'il foulait rapidement à pas de course, ses sandales se faisaient aussi silencieuses que possible.


Arrivé à destination, il cogna discrètement à la lourde porte mais de façon codée afin que la personne qu'il était venu voir sache qu'il s'agissait de lui. Une voix l'autorisa à entrer. Le vieillard s'exécuta en vitesse et une fois à l'intérieur, il s'épongea le front. L'adrénaline faisait battre son cœur fatigué. Il n'avait plus l'âge de faire de telles choses.


- Alors ?


Il se tourna vers la direction d'où provenait la voix impatiente.


- Il s'y est fermement opposé.


- Tu es vraiment un incapable Shawkat et tu me fais perdre mon temps.


- J'ai fait de mon mieux ! s'offusqua le barbu. Mais vous connaissez bien le roi. Son père n'était pas facilement influençable mais lui, il l'est infiniment moins. Si j'avais insisté, il n'aurait pas hésité à me trancher la gorge avec son sabre devant les autres ministres.


- Tu as raison, je l'avoue. C'était prévisible qu'il s'y oppose mais j'osais espérer qu'il accepte cette solution. Après tout il demeure un homme et les hommes ne refusent pas d'avoir des femmes à leurs côtés, surtout quand elles sont aussi belles que la fille de ce cher Hassan.


- Il ne faut pas que je traîne ici, c'est risqué.


- C'est bon, va. Je vais essayer moi-même d'entrer en contact avec Yasmina.


Une bourse fut aussitôt jeté aux pieds du ministre. Elle contenait une mince liasse de billets. Il fronça les sourcils et s'offusquant de la somme.


- C'est tout ?


- Oui, c'est tout ce que j'ai à t'offrir en échange de ton service. Les temps sont durs, même pour moi. Pourquoi crois-tu que je souhaite rester dans ce palais ? S'il m'exile à Hasnawi comme il le prévoit, Hakim risque de m'oublier et de ne plus rien me donner comme pension.


- Avec tout le respect que je vous dois, je me fiche de ça. Je veux le reste de mon argent. Ce n'était pas ce qui était convenu !


Tapie dans un coin sombre de la pièce, la femme installée dans un divan avec les jambes allongées dessus, le fusilla du regard.


- Il était convenu que tu le persuades d'épouser Yasmina. Tu étais sensé l'inciter à reléguer l'étrangère en second plan pour que celle-ci s'en aille d'elle-même avec le cœur brisé. Y es-tu parvenu ? Non. Tu n'as pas réussi ta mission ne serait-ce qu'un peu alors sois content que je te paie la moitié. Maintenant, hors de ma vue.


Shawkat se retint de maugréer. Il avait besoin d'argent car il était clandestinement accro aux jeux. Tout son salaire disparaissait dans des casinos illégaux alors addict qu'il était, il lui en fallait un minimum. En plus le roi avait sans aucune raison diminué son salaire et il se retrouvait obligé de faire ce genre de sales boulots pour pouvoir goûter à sa drogue aussi souvent que possible. Il enfonça la petite bourse dans la poche de sa thobe et disparu sans un mot.


Ruqayya regarda le notable quitter ses appartements. Elle grimaça de répugnance. Malheureusement elle avait encore besoin de cette taupe aussi inefficace soit-elle. Mais le jour viendra où ce ne sera plus le cas et elle pourra enfin se débarrasser de lui. Car oui, un traître restait un traître et il ne fallait pas hésiter à le réduire au silence éternel.


Elle espérait juste que Yasmina réussisse là où Shawkat avait échoué. Si ça marchait, la fille de Hassan lui serait éternellement reconnaissante et Ruqayya pourrait conserver sa place de reine mère.

L'amante secrète du Cheikh Where stories live. Discover now