Chapitre 1

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Lorsque Harry Potter était monté dans le Poudlard Express, au début de sa sixième année à Poudlard, tous ceux qui le croisèrent comprirent qu'il était au bord du gouffre. Le petit garçon émerveillé, aux yeux brillant de joie, de la première année n'était plus.

Il était de notoriété publique que le jeune homme avait subi un harcèlement constant venant de la Gazette — dirigée par le Ministère — pour le dénigrer et le décrédibiliser. Beaucoup avaient douté de lui et l'avaient considéré comme un menteur. Malgré tout, Harry n'avait jamais détourné le regard et il avait continué d'affirmer haut et fort que Voldemort était de retour.
En supplément, Dolorès Ombrage avait mené une vendetta personnelle contre l'adolescent, ne se privant pas de le torturer à sa façon. Cette femme avait une vision très créative des retenues qui n'avaient pas déplu à leur concierge acariâtre...
Malheureusement pour lui, le jeune homme n'avait plus de famille pour le protéger ou le défendre, et il avait été livré à la vindicte populaire. Lorsque la vérité avait enfin éclaté, prouvant qu'il n'avait jamais menti, le monde magique avait juste changé de discours, le chargeant de régler leurs problèmes.

Rien que ces éléments au sujet de l'année précédente pouvaient expliquer l'air sombre et les cernes du jeune homme. Il ne souriait plus comme avant et ses yeux si brillants s'étaient ternis, comme s'il avait déjà trop vécu pour son jeune âge.

Encore une fois, Harry Potter avait payé un prix exorbitant pour l'aveuglement du monde magique. Le retour de Voldemort avait été dévoilé publiquement, alors qu'il menait un raid au Ministère même. L'adolescent et ses amis s'étaient opposés aux Mangemorts et au mage noir en personne, un simple groupe de gamins contre des criminels notoires, durement entraînés.
Ainsi, Voldemort avait été exposé publiquement — rien de moins que le ministre et Rita Skeeter avaient été témoins de son retour — et certains de ses Mangemorts avaient été arrêtés, mais Sirius Black, le parrain de Harry, avait été tué sous les yeux de l'adolescent, le plongeant dans une spirale de dépression.

Ce que personne ne savait en revanche, c'était la façon dont Harry était traité pendant l'été, lorsqu'il rentrait dans sa famille moldue. Pour beaucoup, il était un enfant gâté et choyé et il n'avait jamais démenti, par honte peut-être ou par peur de découvrir la réaction des sorciers. La vérité était toute autre malheureusement.
Le jeune homme subissait les cris et les insultes, parfois les coups. Il était affamé et considéré comme un elfe de maison, s'épuisant à la tâche pour ne récolter que des reproches. Il n'avait pas le moindre répit et n'avait aucune possession, il était privé de tout, même de l'hygiène la plus élémentaire.

Il terminait l'été épuisé, le moral au plus bas et amaigri. Pourtant, personne ne s'inquiéta, même s'il était vêtu de loques informes ayant appartenu à son cousin obèse. Les regards glissaient sur lui et tous ne voyaient que l'arme qui mettrait fin à la guerre. Personne ne s'inquiétait de Harry, le petit garçon maltraité, seul et malheureux.


Habituellement, retrouver ses amis était suffisant pour lui redonner le sourire et pour ramener un peu d'espoir dans son cœur. Ils étaient ses premiers amis et ils étaient ce qu'il avait de plus précieux. Il était déterminé à les protéger, à mourir pour eux.

Cette fois, pourtant, il avait dépassé une limite dont il n'avait pas eu conscience autrefois. Cette fois, il faudrait plus que quelques sourires et la chaleur de l'amitié pour réparer son cœur brisé et pour ramener son esprit de l'obscurité dans laquelle il était plongé.

Il avait été une fois de plus traité de menteur, son nom trainé dans la boue, sans que personne ne s'inquiète de voir un adolescent humilié par la presse. Il avait dû subir le rejet de Dumbledore, sans la moindre explication, ainsi que la haine de Rogue — l'apothéose étant le jour où il s'était plongé dans la pensine de son professeur.
Il avait surtout perdu son parrain, sa dernière famille restante, son dernier espoir d'une vie meilleure. Malgré ses défauts et ses erreurs passées, Sirius avait été un pilier. Sirius l'avait vu, lui, Harry, et avait voulu le protéger. Sirius avait voulu le prendre en charge, sans penser qu'il était un poids ou un mal nécessaire.
Mais Sirius n'était plus là. Sirius était mort, disparu définitivement, laissant Harry sans repères. Pire encore, Sirius était mort par sa faute, pour le protéger.


Ainsi, en entrant dans le Poudlard Express, Harry répondit à peine aux sourires tristes de Hermione et Ron. Il refusa leur étreinte, s'installant tête résolument tournée vers la vitre, n'étant pas vraiment décidé à discuter.
Une rage brûlante flambait en lui, dévastatrice, le laissant à chaque instant au bord de l'explosion. Il craignait de craquer, de hurler sur eux et de dire des choses blessantes qu'il ne pensait pas vraiment. Sa douleur avait besoin d'être extériorisée et pour ça, il avait envie de frapper, de crier, et de faire mal à quelqu'un d'autre.

Si autrefois l'air inquiet et concerné de Hermione l'aurait ému, cette fois, il lui donnait envie de crier après elle et il serrait des poings, mâchoires crispées, refusant de la repousser trop brutalement. Elle sembla comprendre puisqu'elle baissa la tête sans un mot, mais Harry eut le temps de voir ses yeux bruns brillants de larmes.


Lorsque Ginny arriva et se colla contre lui, ses grands yeux noisette pleins de pitié, il se leva brusquement, la repoussant sans tendresse, puis quitta le compartiment.
Elle était venue au ministère pourtant, risquant sa vie pour lui. Elle s'était battue avec courage, comme tous les autres. Mais elle n'avait rien perdu elle et il préférait rester loin d'elle pour ne pas se montrer volontairement méchant.
Il savait qu'elle espérait de lui quelque chose qu'il ne pourrait pas lui donner. Ginny voyait déjà l'avenir, mais lui n'avait rien à lui offrir. Rien d'autre que la désolation et la mort. Depuis qu'il avait compris ce que Dumbledore attendait de lui, Harry était persuadé qu'il n'atteindrait pas l'âge adulte. Il serait tué avant même sa majorité.

Pour se calmer, il arpenta les travées du train à grands pas rageurs, les poings serrés, envoyant des regards colériques à tous ceux qui le dévisageaient un peu trop longtemps, repoussant efficacement toute tentative de conversation. Cependant, il pouvait voir des regards méfiants ou avides glisser sur lui.


Promesse de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant