Chapitre 72

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Severus savait que Albus Dumbledore avait purgé la bibliothèque de Poudlard des livres de magie noire depuis bien des années. Il avait prétexté que c'était pour la protection des élèves, bien évidemment, et personne n'avait protesté contre sa décision. Désormais, même la réserve de Poudlard — normalement interdite à la plupart des élèves — n'était pas aussi riche que la bibliothèque de la maison Black ou de toute autre famille appartenant aux ténèbres.

Severus se traita d'idiot. Il s'était conduit comme l'un de ses stupides élèves, à qui il conseillait régulièrement de ne pas se fier à ce qu'on leur disait. À chaque cours, il les encourageait à chercher dans les livres, puis à expérimenter. À chercher des réponses par eux-mêmes plutôt que de croire ce qu'on leur disait.

Alors qu'il avait engagé sa vie en devenant espion, il avait stupidement fait confiance à Dumbledore. Aveuglément.

Il n'avait jamais cherché à vérifier ses dires — au sujet de la prophétie, de l'élu et de la mort inéluctable des Potter — et il savait très bien pourquoi.

La culpabilité.

Il était dévoré par la culpabilité.

Severus soupira et il observa le jeune Potter. Soudain, le garçon n'était plus si semblable à son père qu'il l'avait pensé. Il avait été un peu trop prompt à le confondre avec James. Rien que sa façon de venir en aide à Drago Malefoy différenciait l'adolescent de son idiot de père.

Il repoussa toute pensée concernant les parents de Harry Potter ou son passé et il soupira de nouveau, avant de murmurer, la gorge nouée.

– Je suis désolé. Vous avez raison, je me suis conduit comme un idiot.

Il nota les yeux écarquillés des deux garçons et il retint un ricanement moqueur. Il ajouta juste, tranquillement.

— Beau travail tous les deux. Maintenant que j'ai un peu plus d'informations sur ce que je cherche, je vais voir ce que je peux trouver. Je ne peux que vous encourager à continuer de votre côté.

Il nota un regard narquois de Drago en direction du Gryffondor et ce dernier hocha la tête, avec une expression maussade.

— C'est ce qui était prévu.

Le Serpentard laissa échapper un bref ricanement, puis il se reprit aussitôt. Severus leva un sourcil perplexe, conscient qu'il y avait quelque chose à ce sujet. C'était probablement une preuve de plus de l'incroyable complicité entre les deux garçons et il préféra ne pas s'en occuper.

Severus observa une fois de plus ses deux élèves, avec l'impression d'ouvrir les yeux pour la toute première fois sur eux. Ils étaient encore des enfants. Le destin du monde magique reposait sur les épaules de deux adolescents, probablement effrayés par la situation et terriblement seuls.

Il se frotta le visage, puis il grogna, sans pour autant réussir à se montrer aussi autoritaire qu'avant sa visite. Il se sentait juste terriblement fatigué et surtout désagréablement inquiet pour les deux garçons.

— Vous deux... Restez à l'abri. N'imaginez même pas faire quelque chose de stupide comme sortir de cette maison. Le premier qui... envisage seulement de poser un pied à l'extérieur terminera comme ingrédient de potion. Suis-je clair ?

Les deux garçons échangèrent un coup d'œil nerveux et hochèrent la tête avec un bel ensemble, affichant un air aussi innocent que possible. Severus eut un demi-sourire, puis compléta sa déclaration.

— Si vous avez besoin de la moindre chose, faites appel à moi. À moi seul. Envoyez ce foutu elfe ronchon, il saura où me trouver et ce sera plus discret que n'importe quel autre moyen de communication.

Voyant le gamin Potter froncer les sourcils, prêt à s'emporter, Severus insista, les bras croisés sur sa poitrine, les surplombant, menaçant.

— N'imaginez même pas contacter votre petite équipe de choc, monsieur Potter. Le directeur n'est pas stupide et il les surveille de près. Vous ne feriez qu'attirer l'attention sur eux et les mêler à une situation particulièrement... dangereuse. Plus dangereuse encore que ce que vous avez connu jusqu'ici.

Il se retint de sourire en voyant le brun marmonner, mais se résigner. Drago attendait calmement, sans montrer ce qu'il pensait, l'observant intensément. Severus soupira.

— Dumbledore est... furieux, il vous recherche et par chance, il n'a pas pensé à cet endroit. S'il en parle, je dirais que je suis venu et que c'était désert. Vous avez l'avantage, parce qu'il ignore à quel point vous êtes devenus... complices. Ne gaspillez pas cette chance.

Harry hocha sèchement la tête en roulant des yeux tandis que Drago ricanait. Ce fut le Serpentard qui répondit, d'un ton moqueur.

— Quoi, tout le monde pense que nous allons nous entretuer puis revenir entre ses griffes en nous plaignant l'un de l'autre ?

Severus pinça les lèvres un instant, puis il secoua la tête avec un soupir.

— Quelque chose comme ça, probablement. Dumbledore espère également que vous répondiez à l'appel de la marque, monsieur Malefoy. Il semble persuadé que vous aspirez à... redorer le blason familial quoiqu'il en coûte.

Il nota le regard échangé entre les deux garçons et il se sentit épuisé. Épuisé d'être un espion, épuisé de cette guerre, épuisé de mentir. Épuisé de pousser deux gosses vers le danger, épuisé de chercher où se situait le bien dans toute cette situation.

Severus resta silencieux quelques longues secondes, attendant des questions ou des plaintes. Mais les deux adolescents attendaient calmement, leurs épaules se touchant, ne semblant pas avoir l'intention de protester ou de négocier plus de libertés avec lui.

Il finit par soupirer et il murmura en se détournant.

— Je devrais partir. Mon absence ne devrait pas être notée. Je... Je viendrais vous informer de mes recherches.

Il fit quelques pas en direction de la porte de la bibliothèque puis s'immobilisa et dit, sans se retourner.

— Et, monsieur Potter ? Bien joué. Vraiment bien joué.

Il arrivait à la porte lorsque la réponse du gamin lui parvint.

— Soyez prudent, monsieur.

Severus étira ses lèvres en un sourire malgré lui, prenant conscience que personne ne s'était inquiété de lui depuis qu'il avait cette ignoble marque sur le bras. Il n'était qu'un Mangemort de plus pour Voldemort et Albus l'utilisait à sa guise, sans se préoccuper des risques.

Il pensa à Lily, la seule femme qui avait réussi à entrer dans son cœur, et il lui jura une fois de plus qu'il prendrait soin de son fils, en souvenir de leur amitié. Qu'il le protégerait même si lui sauver la vie était la dernière chose qu'il ferait.

Promesse de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant