Chapitre 95

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Severus nota la crispation des épaules du jeune homme face à lui et ses poings serrés. Le regard gris de Drago se fit orageux et ce dernier fronça les sourcils.

— Je ne comprends pas pourquoi il vous a pardonné.

Severus leva les yeux vers lui, le détaillant avec soin, sans un mot. Il avait fait suffisamment d'erreurs avec lui aussi et il ne tenait pas à le juger trop hâtivement. Drago reprit, amer.

— Vous allez encore le blesser. Ça ne vous a pas suffi toutes ces années ?

Plus que les mots prononcés, ce fut le ton fatigué de Drago qui le toucha en plein cœur. Il murmura, d'un ton égal.

— Drago... pour ce que ça vaut, je n'ai pas l'intention de le blesser plus que je ne l'ai déjà fait.

Un nouvel éclair de colère traversa le regard gris et Drago se raidit, avançant d'un pas.

— Vraiment ? Pourtant, vous êtes incapable de le regarder sans le comparer à son père... et sans regretter sa mère.

Severus secoua la tête.

— Que voulez-vous, Drago ? Que je parte ? Que j'aille parler immédiatement à Harry ?

Cette fois, le jeune homme soupira et sembla se recroqueviller sur lui-même, soudain terriblement incertain. Finalement, il murmura, se sentant stupide.

— Vous ne l'avez pas entendu faire de cauchemars. Vous ne l'avez pas entendu dire qu'il allait... qu'il allait mourir comme si c'était normal !

Le maître des potions ferma un instant les yeux, le cœur au bord des lèvres. Il se reprit rapidement et examina le jeune homme avec soin.

— J'étais... j'aimais Lily. La mère de... Harry. Je ne voulais pas le reconnaître, parce que le couple de mes parents était tout sauf harmonieux. Mon expérience de l'amour était... et bien, je suppose qu'elle était aussi catastrophique que la vôtre, n'est-ce pas, Drago ?

Il leva un sourcil et nota le léger rougissement des joues de l'adolescent. Drago grogna et marmonna aussitôt.

— Pourquoi vous me dites ça ?

Severus reprit, ignorant la question.

— Je croyais que je pouvais me contenter de son amitié. Que de toute façon je n'aurais jamais rien de plus. Et puis... elle a commencé à regarder autrement ce foutu Potter. Il aurait pu vous donner des leçons d'arrogance, à l'époque. Le parfait petit Sang pur fortuné, fier de lui-même et plein de certitudes. Il lui a couru après, encore et encore, et je l'ai regardé m'échapper. Je ne me suis pas battu, parce que je croyais avoir déjà perdu. Alors, j'ai... Je l'ai repoussée. J'ai fait en sorte qu'elle se tienne loin de moi.

Severus s'interrompit et secoua la tête, avec un rictus amer.

— C'était l'un des premiers choix stupides de ma vie.

Drago croisa les bras sur sa poitrine et il haussa un sourcil moqueur.

— Et vous allez me dire que je devrais sortir de la vie de Harry en douceur ? Le laisser retrouver ses amis qui me détestent ?

Severus lui rendit son regard calmement et il souffla.

— Et si c'était le cas ?

L'adolescent eut un mouvement de recul, les yeux écarquillés. Severus masqua un sourire, satisfait de cette réaction et il reprit rapidement, d'un ton apaisant.

— Je ne vous le demande pas, Drago. Bien au contraire. J'allais vous dire de ne pas... être aussi stupide que moi. Oubliez votre fierté et soyez honnête. Avec vous-même, avec lui.

Drago déglutit, essayant de garder contenance. Severus se doutait que le jeune homme ne s'imaginait pas ce genre de conversation, surtout avec lui, le professeur le moins empathique de l'histoire de Poudlard.

L'homme grimaça et compléta ses mots, espérant que ce serait suffisant. Il ne s'était jamais senti l'âme d'un cupidon et son petit discours manquait probablement de conviction bien qu'il soit totalement sincère.

— Drago. Il faudrait être aveugle pour ne pas se rendre compte que vous tenez à Harry. Et qu'il tient à vous également. Si vous... laissez passer cette chance, vous pourriez le regretter toute votre vie.

Drago resta silencieux, dévisageant son professeur avec attention. Puis, il hocha maladroitement la tête et il fit demi-tour, avant de quitter la pièce sans un mot.

Severus le vit refermer la porte avec soin et il espéra que Drago ferait les bons choix. Les deux adolescents avaient déjà réussi à dépasser leur rivalité enfantine et tous les deux méritaient un avenir heureux.

Harry s'était retranché dans le grenier, au dernier étage de square Grimmaurd. Assis au fond de la pièce vide, il regardait les grains de poussière flotter à la lueur des quelques bougies allumées autour de lui.

À une époque, le grenier hébergeait Buck l'hippogriffe. Sirius l'avait gardé avec lui, prétendant qu'ils avaient un lien depuis qu'ils avaient échappé ensemble à la mort.

Puis, Sirius était mort et Harry n'avait pas pensé à demander où l'animal avait été envoyé. Il aurait aimé qu'il soit encore là, il aurait eu l'impression d'avoir encore un lien avec son parrain...

Avant la mort de Sirius, lorsqu'ils avaient passé du temps ensemble square Grimmaurd, Harry avait aimé venir voir Buck. Il s'inclinait devant l'animal puis s'installait près de lui et il lui parlait à cœur ouvert. C'était devenu son confident en quelque sorte... Et à cet instant, il aurait bien eu besoin d'une oreille amicale pour y déverser tous ses doutes.

Harry se demanda s'il pouvait demander où était Buck à Rogue. Il n'y avait aucun autre adulte sur qui compter tant que Dumbledore était toujours à la tête de Poudlard et de l'ordre, et il espérait que l'animal allait bien.

Il soupira en sortant de ses pensées, mais il resta immobile lorsqu'il entendit des pas approcher. Il savait exactement qui venait le rejoindre et il s'inquiétait un peu de ce que Drago aurait à dire.

Drago approcha tranquillement, à pas lents, puis il s'installa près de Harry. Ce dernier se tendit légèrement, sans lever la tête, malgré son envie de le regarder. Il attendit juste, patiemment.

Ils restèrent longuement silencieux, côte à côte. Ils ne se touchaient même pas, et Harry dut résister à la tentation de gigoter sur place ou de se décaler légèrement.

Finalement, Drago soupira.

— Je suis un idiot, je crois.

Harry redressa la tête rapidement, les yeux écarquillés. Drago avant les yeux fixés sur ses mains et Harry se mordit la lèvre pour ne pas l'interrompre.

Le Serpentard eut un léger rire et il reprit, doucement.

— Je pensais que... J'imaginais que tu voudrais retrouver ta vie d'avant et tes amis... et je ne suis pas certain qu'il y ait de la place pour moi.

Promesse de sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant