6 | Sickness

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Jude

Cette façade est un peu trop luxueuse à mon goût. Le bâtiment s'élève à perte de vue, les jardins m'entourent et m'oppressent. Mais le pire de tout : une trentaine de voitures noires sont garées devant la maison de mon père. Quel mégalo.

L'escalier en vieille pierre est toujours si long à escalader pour mes petites jambes et chaque foulée qui me rapproche de l'entrée me rappelle que je vais devoir parler à papa.

- Hey !

Cette voix.

Je lève la tête et devant moi se dresse un homme de cinq mètres environ et d'à peu près trois cents soixante kilos. Il est couvert d'un costume noir, de lunettes noires et de chaussures noires. Un gothique peut-être ?

Le garde du corps me toise du regard et il dépose sa main de titan colossal sur mon épaule.

- Tu m'avais manqué mini Ju.

Diegs.

- Toi aussi Diegs.

- Rohhh je t'ai dit de ne pas m'appeler comme quand je travaille.

- Oh ça va. Lui soufflais-je en soupirant.

Aucune émotion ne se dégage de son visage. J'avais presque oublié à quel point Diego était professionnel. Ça fait maintenant dix années que Diegs travaille pour mon père, il n'a pourtant jamais réussi à gagner sa confiance. Il est comme restreint à ce petit job de surveillance/major d'homme, qui ne semble pas le déranger.

À trente ans, on pourrait s'imaginer qu'un grand gaillard comme lui aimerait gravir les échelons, mais ce n'est sans doute pas un homme ambitieux avec des projets de vie délirants.

D'ailleurs, une des règles d'Atma est de vivre dans la simplicité et dans la modération. Il se contente peut-être de suivre les règles comme un bon citoyen.

Clac.

- Eh ! Putain chou, me claque pas les fesses au travail.

Qu'est-ce que ? Je viens vraiment de voir un géant de deux mètres, habillé tout en noir, fesser un autre géant. Bordel, je suis là depuis seulement deux minutes.

- Désolé mini Ju, je ne t'avais pas dit que j'avais un nouveau mec.

- Je me présente, je m'appelle Emmanuel, mais tu peux m'appeler Manu. Me dit géant numéro 2 en me tendant sa grande main.

- Enchanté, je suis...

- Je sais qui tu es, ton père nous parle de toi toute la journée en ce moment. Me confie Manu en échangeant un regard complice avec son amoureux.

Depuis quand mon père se soucie-t-il de moi ? Ça doit être une de ses nouvelles résolutions. Mon géniteur ne s'est jamais préoccupé de mes problèmes, mes envies, mes passe-temps, mes amis (il n'y en a jamais eu beaucoup, il pourrait faire l'effort de retenir deux ou trois noms quand même), de quoi que ce soit qui me concernait de près ou de loin.

Mon père ne sait rien de moi, je ne sais rien de lui. Nous sommes deux inconnus qui, dans la même pièce, ne se supportent jamais plus de dix minutes.

Save Me AtmaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant