24 | Suffering roses

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Ley

« Enchanté, tu dois être le morveux qui se tape ma fille. Tu parais aussi sombre et perturbé qu'elle. »

Comment est-ce possible de faire une aussi mauvaise entrée en matière ?

- Enchanté, Monsieur Rinston.

Je lui rends sa poignée de main, et je sens mes phalanges se faire broyer. J'essaye de contenir la douleur et de ne rien laisser paraître.

- Appelle moi Rice, tu t'appelles comment, gamin ? Dit-il d'une voix bourrue.

Il est sérieux ?

Le vioque continue de me tordre la main. Son visage est fermé et ridé. Il ne laisse transparaître aucune émotion. Une tombe.

Il est définitivement aussi bizarre que sa rejeton.

- Ley, je m'appelle Ley.

Quand le paternel aux cheveux grisonnants tourne des talons, ses Rangers écrasent le marbre blanc du hall d'entrée. Je suppose que cela signifie que nous devons le suivre. Je jette un regard vers ma main encore douloureuse avant de la secouer.

Ce type n'est pas commode, je n'imaginais pas notre première rencontre se dérouler de cette façon. Mais venant d'un Rinston, est-ce que je n'aurais pas dû m'y attendre ?

Jude marche à mes côtés. Sa démarche me prouve qu'elle semble avoir encore moins envie d'être là que son petit copain factice.

Elle se rapproche de moi et me chuchote à l'oreille :

- Je crois qu'il t'aime bien.

- Je ne sens plus mes doigts.

- Il ne te les a pas arraché, c'est un bon début, tu sais. Me taquine-t-elle avec un coup de coude.

Je soupire et lève les yeux au ciel. Des fresques murales couvrent tous les murs de cette grande pièce. Nous venons de rentrer dans une salle qui ressemble tout autant à une cathédrale qu'à un saloon. Un bar de plus de vingt mètres s'étend à perte de vue. Des fauteuils en cuir brun nous entourent, il y en a assez pour accueillir la moitié du quartier. Mais qu'est-ce que c'est que cet endroit ?

Un chien se promène dans la pièce. Un chien loup. La même race que le mien. Le fait de trouver un point commun entre Jude et moi me retourne l'estomac. Je la vois courir vers son chien pour le câliner. Son père, lui, est déjà au bar en train de nous servir des verres de rhum.

Alors que la pâleur de tout ce marbre m'éblouit, je me rapproche des sièges à ressort du bar. Je m'installe et me saisis d'un verre, la main de Rice me retient de le lever à ma bouche.

- Ces trois verres sont ceux de ma fille, je te conseille de les lui laisser si tu ne veux pas qu'elle nous fasse chier toute la soirée.

Un rictus chatouille mes lèvres. Rice reste sérieux ce qui me laisse comprendre qu'il supporte autant sa fille que moi. Je la revois loucher sur ma bouteille de rhum la veille, et je me sens ridicule d'avoir cru qu'elle était aussi innocente. Trois verres, cette fille est en réalité une soularde.

- Tu veux quoi, gamin ?

Mes yeux louchent sur une bouteille de Wisky White Poney. Un des alcools les plus rares de la ville. Cette bouteille doit coûter une fortune. Mais qui est ce mec sérieux ?

- Tes yeux m'ont répondu plus vite que ta bouche. T'as de bons goûts dis donc, tu sais reconnaître un vrai alcool.

Il me tend la bouteille, et m'incite à me servir d'un signe de tête. J'hésite un instant puis je me rappelle que je supporte son emmerdeuse de fille depuis sept jours. Sans plus d'hésitation, je remplis donc un des verres qui trainait sur le bar à ras bord.

Save Me AtmaWhere stories live. Discover now