45 | Utopia { FIN }

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Ley

Entre la forêt du Ladrôme et la bâtisse éventrée, dans la vaste vallée, la vie apparait sous mes yeux étrangement verdoyante. La nature semble se regarder vivre, avec étonnement. Je perçois dans cet air glacé de l'hiver, une longue métamorphose s'opérer.

Les oiseaux sont libres de leurs mouvements. Voguant dans le ciel, juste au-dessus de nos têtes, ils sont accueillis par un bleu infini qui semble avoir déjà oublié la tempête du matin.

Ce bleu nuageux est une jolie peinture, une pièce de théâtre, témoin de la naissance d'un renouveau. Autour de nous, l'air s'est rafraîchi. C'est comme si tous ensemble — les paysages, Rice, Jude et moi - respirons enfin. Les lueurs blanches lézardaient entre les branches, réchauffant lentement nos corps, nous libérant d'un poids infini.

La rivière du Diameteo qui me semblait jusqu'à maintenant presque noire, est devenu un liquide limpide se laissant ruisseler doucement, libre. Les lierres longent les troncs alors que les landes laissent s'échapper un parfum plein d'espoir. Je ne vois plus que les feuilles se laissant caresser par le vent juste au-dessus du fond clair du point d'eau.

La vie reprend, lentement mais fièrement, comme si elle abandonnait derrière elle tous ses démons qui l'étouffaient. Joyeuse et légère, elle n'est plus que renaissance, tissant peu à peu l'étoffe d'une nouvelle saison.

Devant ce tableau presque irréel, Rice enlace sa fille. Leurs yeux, leurs joues et même leurs bouches sont baignés de larmes. Les deux terreurs qui ont bousculé mon quotidien pendant plus d'un mois se retrouvent enfin, pleurant dans les bras l'un de l'autre. Ils étaient comme deux lueurs, qui peinaient à récupérer de leur lumière. Ils étaient des ombres errantes, portant un fardeau bien trop lourd pour leurs épaules. Et sous mes yeux, ce châtiment semble se dissiper peu à peu ; dans les larmes ou dans ses bras entrelacés.

Leurs pas ne sont plus des combats. Leurs mots ne sont plus des naufrages. J'aperçois enfin un éclat dans les pupilles de Rice, comme si la vie reprenait doucement possession de lui. Cette accolade les libère et le tableau prend forme. Il n'y a plus de tourbillon de chagrin à l'horizon. Leurs âmes se sont enfin comprises ; ils viennent de trouver leur équilibre.

J'entends de faibles pas se rapprocher dans mon dos.

Me retournant avec précipitation, pris par surprise, je me rends compte avoir dégainé mon arme comme par réflexe. Mon Desert Eagle pointe en direction d'un Aigel qui porte à bout de bras Zaka bien amoché.

- Les gars vous n'allez jamais deviner sur qui on vient de tomber. Crie Aigel depuis le pas de la grande porte.

Une femme âgée apparait derrière mes deux acolytes.

- Mm... Mm ... Maman. Dis faiblement Jude avant de s'écrouler sur le sol.

Rice tente de retenir sa fille d'une lourde chute sur le tarmac alors que je me rapproche d'eux pour lui venir en aide. Son souffle se fait court instantanément. C'est comme si son monde venait de se déchirer une seconde fois en quelques minutes. L'air me devient tout de suite irrespirable. Quand Jude souffre, j'ai l'impression de partager sa douleur.

Elle ferme ses yeux comme pour oublier ce qu'elle vient de voir. Je ne peux imaginer cette peine qui la saisit et qui l'étreint. Sa mère est belle et bien toujours en vie. Comment est-ce possible ? Pourquoi ne revenir que maintenant ? Quelle raison l'a poussée à se cacher aussi longtemps ? Trop de questions inutiles à se poser maintenant. Je me dois d'être fort pour Jude. Ma Jude.

Je dois partager sa douleur pour la lui soulager.

Une larme glacée, aussi solide que la roche ; elle perle sur sa joue. Je la balaye d'une caresse douce ; elle me regarde avec les yeux tristement amoureux. Ils me supplient de lui venir en aide mais je suis comme figé par les cieux.

Save Me AtmaDonde viven las historias. Descúbrelo ahora