Save Me Atma

36 | Blood trail

Jude

Zaka noue le dernier bandage de Ley, il passe le strip blanc autour de son épaule et de son buste. Le brun grimace à chaque mouvement, l'adrénaline envolée, la douleur toque à la porte. La blessure n'était pas profonde, heureusement.

Pendant que Zaka et Ley parlent blessures de guerre, mon regard divague et se perd sur ses abdos contractés. Je ressens encore sa peau chaude et humide sous mes paumes froides. Des flashbacks me reviennent en tête. Le regard en coin d'Aigel qui me scrute me fait sortir de ma rêverie.

Son clin d'œil complice me donne l'envie irrépressible de le frapper. Il commence à mimer des gestes salaces pour me pousser à bout et tester ma patience.

Si cette mission ne m'avait pas éreintée, je lui crèverai les yeux avec ma pince à épiler.

Mes muscles sont encore endoloris, des bleus recouvrent mon corps meurtris sous les coups. Chaque mouvement est une torture, chaque geste me vaut une souffrance insoutenable, chaque pensée me ramène dans l'antre du diable. La tête sous l'eau, j'asphyxiais et maintenant que tout est fini, j'ai l'impression d'être encore dans cet endroit, aux portes de la mort.

Ma lèvre inférieure encore fendue ne me permet pas de manger correctement mes Doritos. La plus dure des peines. Le pire reste à venir, je redoute le moment où je vais m'allonger, ce moment où mon corps va crier, toute la nuit. Je vois déjà l'insomnie pointer le bout de son nez.

Il me faut un doudou stitch, ou le sweat du crétin aux boucles brunes.

Mes blessures me rappellent constamment ce que nous avons vécu en bas, en enfer. Le regard terrifiant de Shank me hante encore et me hantera toujours. Pas un instant ne se passe sans que je l'imagine m'observer par une fenêtre.

Être entouré de tous ces mecs musclés – mais pas moins idiot pour autant – ne réussi pas vraiment à me rassurer. Comment font-ils pour faire comme si rien ne s'était passé ? J'ai l'impression que le sol n'est pas tangible, qu'il peut se dérober sous mes pieds à tout moment.

J'ai peur, si peur. Je suis devenue faible.

Ley semble mieux digérer cet épisode, comme si tout cela n'avait jamais vraiment existé. Je l'envie de rester aussi impassible et si concentré sur sa mission, ce qui peut se passer lui importe peu. Pourquoi fait-il comme s'il n'avait plus rien à perdre ? Comme si nous ne comptions pas pour lui ?

- Aigel ! Ça fait huit fois qu'on t'appelle, gronde Ley en me sortant de mes réflexions.

- Oui et j'ai répondu "quoi !" mais tu ne me réponds pas.

Un rictus incurve mes lèvres de manière incontrôlée, une réunion va avoir lieu dans le salon. Même si j'aimerais y échapper, je veux savoir, je veux comprendre à quoi tout ça a servi.

J'ai risqué ma vie pour le groupe – non pour mon père–, j'ai regardé la mort droit dans les yeux. J'ai tué pour la première fois. Les garçons doivent me mettre dans la confidence, ils ne peuvent pas garder tous leurs secrets pour eux, je fais partie de l'équipe, maintenant. J'ai fait mes preuves.

Ley m'offre un regard désapprobateur en me voyant les rejoindre. Celui-ci me crache à la figure : non pitié pas elle.  Qu'est-ce qu'il se passe encore ?

- Va dans ta chambre, Jude. M'ordonne ce dernier sur un ton autoritaire.

Pardon ?

Je tombe des nues, un élan de rage se déferle dans mes veines. Il se fout de moi ? Je n'ai pas risqué ma vie pour qu'il me repousse. Qui est-t-il pour me refuser ce droit ? Je ne suis plus la fille qui se fait enlever par un connard insensible.