10 | ~ Snuff ~

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(Chapitre Flashback; tw : daddy issues, bodyshaming, harcèlement)

Jude

Il y a 12 ans...

Cher journal,

Pourquoi es-tu le seul qui m'écoute ?

Je ne comprends pas comment les gens arrivent à ignorer ma souffrance. Je pleure à chaque récréation et devant tout le monde. Tu es le seul qui m'aide à tout oublier, le seul qui me regarde, peut-être même le seul qui puisse me comprendre.

Maman n'est toujours pas rentrée à la maison. On m'avait pourtant dit qu'elle reviendrait. Peut-être qu'elle sera là demain pour mon anniversaire, je ne supporte plus de fêter mes anniversaires seule. Je vais avoir huit ans et j'ai besoin d'elle. Elle me manque.

Je suis seule. Tous les jours.

Personne ne veut jouer avec moi à l'école. Pourquoi ?

Suis-je méchante ? Suis-je différente ?

Quand je rentre à la maison, je ne pense presque plus. Tout est silence. Le silence, c'est probablement la seule chose qui me fait du bien.

Je n'ai pas envie d'aller à l'école demain.

J'ai peur.

Cette après-midi, un garçon m'a poussée dans une flaque à la sortie des cours. La honte. Les rires autour de moi me donnaient envie de pleurer. Mais rien ne sortait. Je pense avoir trop pleuré cette semaine. La chance, personne ne m'a vu faible, cette fois.

Un garçon m'a tendu la main pour m'aider à me relever. Ça m'a fait sourire.

Bref. Bonne nuit journal.

...

Il y a 6 ans...

Aujourd'hui, on m'a encore dit que mon corps était étrange, bizarre, pas comme celui des autres quoi.

Je me sens différente, inexistante.

Papa m'a toujours dit de ne pas y prêter attention, de ne pas écouter les remarques des autres. Devrais-je l'écouter ? Je ne sais pas ce que maman aurait pu me dire, elle et peut-être qu'au fond, ils ont tous raison.

En tout cas, tout le monde le dit, donc ça doit être vrai.

Écrire toutes les merdes qui m'arrivent m'aide à les accepter. Personne ne m'aide, personne ne m'aime, mais les mots m'apaisent.

Il y a eu beaucoup de vent aujourd'hui, on m'a dit que j'allais m'envoler et que je devais rester enfermée dans l'école.

Ils ont rigolé, pas moi.

Les dames de l'école m'ont pris par la main pour m'enfermer dans la salle de travail pendant que les autres jouaient dehors, sans moi. Elles avaient pitié de moi.

Ça me fait de la peine. Parfois, j'ai l'impression d'être si légère que je pourrais disparaître au moindre courant d'air, comme une plume.

J'aime l'idée d'être une plume, ça me fascine. On ne les enferme pas, elles. Elles sont belles, douces et terriblement libres. Quel joli rêve d'être une plume.

À l'école, j'ai le droit à toutes sortes de noms, ou plutôt de surnoms, comme le squelette, le sac d'os, la brindille, le bâton.

Je ne sais pas vraiment ce que ça signifie, j'ai l'impression d'être unique dans un sens. J'attire les regards, je suis au centre de l'attention. Tout le monde parle de moi et me regarde. Avant, on m'ignorait.

Save Me AtmaWo Geschichten leben. Entdecke jetzt