CHAPITRE 01

96 19 69
                                    















L'Enfer avait il un goût ?

Cadran Halloran n'avait pas réellement réfléchi à la question. Avait-il déjà songé à l'Enfer ? Oui.

Le blond n'avait pas grandi dans une famille religieuse. Chez lui, nous étions des adorateurs de la Science, c'était le seul chemin possible vers la vérité. Et c'est bien connu, en Science, il n'y a pas d'Enfer, ni même de Dieu. Et pourtant, il y croit religieusement.

Son imagination voulait que le Paradis ait un délicieux goût de barbe à papa ou bien de chantilly. Sans doute, était-ce lié à l'enfance paisible et joviale dont il a su jouir des plaisirs et aux innombrables souvenirs de sucreries ingurgités alors que son sourire étirait ses lèvres jusqu'à ses iris bleutés. Il se rappelait de son salon devenant un champ de bataille lors de ses anniversaires où ils grignotaient des muffins à la myrtille.

Il n'avait pas peur de le dire, c'était le Paradis. Son paradis.

Le fils unique des Halloran en était persuadé, il ne laissera pas une énorme trace à sa mort. En effet, il n'était qu'un étudiant en droit qui passait ses journées à alterner entre bureau et amphithéâtre dans l'espoir de devenir, un jour, ... Quelque chose. Sa vie n'est pas aussi amusante qu'il aurait voulu, mais néanmoins, il était reconnaissant. Reconnaissant de n'avoir jamais eu l'honneur de goûter à l'Enfer.

Jusqu'à ce jour.

La gorge du jeune homme se fit sèche quand il reprit conscience. Il avala difficilement en grimaçant face à l'acidité de son propre palais. Sa langue passa sur ses lèvres gercées dans l'espoir de les humidifier. Cadran imaginait l'Enfer rayonnant de flammes d'un rouge puissant, pourtant en ouvrant les yeux, il se figea en constatant qu'il était plongé dans une pénombre abyssale. Le néant, un trou noir énorme dans lequel il avait été lâché.

Aucune trace de lumière. Aucune trace d'espoir. Aucune trace de vie ?

Était-il en vie ?

La gifle mentale qu'il se prit le fit sortir de sa transe. En tentant de se redresser, il sentit une forte pression sur ses poignets. Il tira dessus, mais ne put nier trop longtemps les faits, il était attaché. À l'instant même où il se rendit compte de la situation, les événements s'enchaînèrent à une allure fulgurante.

Prit de panique, Cadran se mit à remuer son corps dans tous les sens. Tel un vulgaire prisonnier, il était violemment entrelacé par des cordes à une chaise. Avec toute cette agitation, la chaise n'avait pas supporté son poids et s'était renversée. Son crâne heurta le sol dans sa chute.

Alors qu'il s'apprêtait à hurler de toutes ses forces, une voix attira son attention. Malheureusement, il faisait bien trop sombre pour qu'il puisse distinguer quoi que ce soit.

- Il y a quelqu'un ? Déclara-t-il d'une voix tremblante.

- Veux-tu bien cesser de geindre ? Tu vas attirer leur attention. Entendit-il à sa gauche. Cadran retint sa respiration un instant avant de soupirer de soulagement. Il n'était pas seul, il y avait un autre garçon avec lui. Il avait une voix enrouée qui témoignait probablement d'une intense fatigue ainsi, il subissait le même sort que lui.

Si Cadran trouvait du réconfort en constatant la présence d'Axton, celui-ci en fut effrayé. Cela ne faisait qu'augmenter le nombre de victimes.

Le noiraud était un véritable enquêteur. Il avait une capacité d'analyse bien trop élevée à la moyenne. Dans le cadre de sa formation pour devenir détective, c'était bien utile, mais ici, pas vraiment. Plongé dans le noir, il n'avait pas la possibilité de mettre à profit ses dons, mais son cerveau, lui, ne cessait de tourner. Il passait au peigne fin toutes les informations qu'il possédait afin de comprendre. Malheureusement, il y avait tant de vides à remplir.

Un silence pesant prit place suite à ses mots. Cadran ne sut comment réagir. Il était désorienté.

Axton était réveillé depuis de bonnes longues minutes déjà, il avait dû confronter la solitude avant d'entendre Cadran reprendre conscience. Cependant, il était tout autant perdu que le blond.

- Qui ? Tenta finalement Cadran ne supportant plus le silence.

La réponse reçue ne fut pas celle désirée. En effet, aussitôt ses mots prononcés des murmures se firent entendre. Dans un premier temps, elles semblaient lointaines comme imaginaires avant de petit à petit s'approcher des deux jeunes hommes. Un brouhaha assourdissant, des pas claquants le sol, de la lumière jaillissant de nulle part. Axton et Cadran avaient la vision et l'esprit troublé par tant d'incompréhension, mais aussi d'appréhension. Le noiraud avait déjà entendu ses murmures mais ils n'étaient jamais venus à eux.

Un claquement de main résonnant dans la pièce.

- Enfin, vous êtes réveillés.

Une femme.

En plissant les yeux, Axton pu discerner deux silhouettes en face d'eux. Cadran laissait ses yeux s'adapter à la lumière, toujours gisant sur le sol. Ils n'étaient plus seuls dans cette pièce - maintenant qu'elle était illuminés, ils se rendirent compte que c'était une cave. Il y avait en face d'eux, un homme et une femme.

L'homme était âgé, ses rides prononcées trahissaient son âge. Ses mains, serrées dans son dos, semblaient l'aider à maintenir une posture droite. Hélas, son dos était bien trop courbé, il témoignait sûrement d'une longue vie de labeur. Il avait une expression impassible collée à un visage, mais ses sourcils légèrement froissés témoignaient de son intérêt pour les deux garçons. Notamment pour Cadran qui tentait désespérément de prendre de la distance avec le sol. En l'observant avec minutie, Axton crut le voir s'approcher de Cadran avant de se rétracter et de rester aux côtés de la jeune femme.

Il plissa les yeux avant de détourner son attention d'elle. Il la scruta un moment. Il ne pouvait dénier la beauté surréaliste de la jeune femme. Elle avait une bouille enfantine qui contrastait avec sa posture élancée et son aura assuré. Elle dépassait le vieil homme. Axton en était certain, c'est elle qui détenait le pouvoir.

Ce n'est pas l'unique chose qu'il remarqua chez elle. Même au sol, Cadran l'avait remarqué. Elle avait une longue chevelure rougeâtre. Il est clair qu'elle n'était pas rousse, il n'y avait rien de naturel dans ce rouge vif.

Un rouge bien trop similaire aux flammes de l'Enfer.

- Oh, tu as sûrement besoin d'aide. Marmonna-t-elle sans attendre de réponse de sa part.

Elle accourut aux côtés de Cadran. Il eut un mouvement de recul en sentant ses mains se poser sur son avant-bras. Alarmé, il gesticula. Elle parut surprise de sa réaction.

- Je ne vais pas te faire de mal, je veux juste... Elle se tut avant de glisser ses mains sur ses poignets.

Le silence dont Axton faisait preuve n'était en rien le reflet de son état. Son esprit était tout autant agité que Cadran, il faisait seulement preuve d'un énorme self-control. Il essaya de le faire comprendre au blond quand leurs regards se croisèrent.

Cadran hocha la tête en se calmant.

La jeune femme leva les yeux vers Axton, il la dévisagea alors que les lèvres rosées de la rousse formaient un sourire. Elle se re- concentra sur Cadran et défit les cordes autour de ses poignets.

En constant qu'il était libre, le blond s'empressa de masser sa peau irrité par la corde. Il savait qu'il n'avait pas à le faire, mais il offrit un chaste sourire à la rousse. Elle intima le vieil homme à faire de même avec Axton avant de se redresser et de s'avancer vers la porte.

Contrairement à Cadran , Axton ne détacha aucun sourire pour le vieil homme. Il n'avait aucune intention d'être gratifiant envers ces gens. Les deux hommes se levèrent et échangèrent un regard. Ils ne se connaissaient pas. Ils étaient complètement différents et vouaient à un destin opposé et malgré cela, ils se retrouvaient désormais liés.

- Vous venez ? Chantonna la rousse avant de disparaître de leur champ de vision.

- Tu penses qu'on devrait y aller ? Demanda Cadran.

- Je ne supporterais pas une minute de plus dans cette cave. Répondit Axton en bousculant le vieil homme afin de rejoindre la rousse.

L'étudiant ne sut quoi faire. Il tenta un regard vers le vieil homme, il lui désigna la porte sans rien dire.

House Of CardsWhere stories live. Discover now