Chapitre 11

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Alexeï


Lorsque la journée se termine, il est près de dix-neuf heures. Je regarde la voiture contenant Athalia et son agent, s'éloigner au loin sur le bitume gris de Moscou.

Je reste un moment immobile sur le trottoir, malgré le froid qui fouette mes joues, et me repasse en boucle la journée chargée qui vient de s'écouler en repensant à l'état de panique qui a saisi Athalia lorsqu'elle était assise sur son tabouret, emprisonnée entre toutes ces mains qui la touchaient sans son consentement.

Je ne comprendrai jamais pourquoi certains de mes collègues se comportent de la sorte. Athalia n'est pas un objet qu'ils peuvent manier à leur guise sans lui demander son avis. Ni aucune autre célébrité, d'ailleurs.

La voir ainsi m'a rendu fou. Elle était démunie, personne ne faisait attention à ses besoins, et je sentais la crise de panique commencer à la gagner.

Elle avait ébranlé le bas de son corps, et comprimé ses genoux si fort l'un contre l'autre, que j'avais été surpris de ne pas les voir se briser. Puis son cheminement avait continué.

Elle était montée plus haut, répandant tremblements sur tremblements. La mâchoire d'Athalia s'était serrée en même temps que ses doigts qui s'étaient mis à accrocher ses cuisses.

Semblables à un étau, elle les avait condensés au point où même de mon emplacement, j'avais vu ses phalanges blanchir, rendant possiblement jalouse la neige immaculée qui tombe en ce moment sur Moscou.

Elle aurait sûrement des bleus le lendemain. J'en étais persuadé. Mais même la douleur de ses propres gestes n'avait pas réussi à la sortir de la torpeur dans laquelle elle était.

C'est pour cela que je n'ai pas cessé de chercher ses yeux, pour qu'elle se concentre sur moi et que je puisse la faire penser à autre chose.

Je n'aurais jamais pensé que ça allait marcher, ni même qu'elle se laisserait faire. Mais j'avais été soulagé de la voir jouer le jeu. De la voir consentir à ce que la réverbération de ses prunelles se noie dans les miennes.

Qu'elle me laisse l'aider.

Je ne l'ai jamais vue faire de crise depuis que nous travaillons ensemble, sauf cette fois-là, lors de l'after après le défilé de Saint-Pétersbourg. Et ça m'a suffi.

Je ne veux plus qu'elle ait à subir ce genre de choses. Pas si elle peut l'éviter.

Perdu dans mes pensées, je porte mes doigts à mes lèvres pour tenter de les réchauffer, avant de détourner le regard vers la silhouette de Jenny qui vient se poster près de moi.

Elle a revêtu une grosse doudoune blanche qui lui descend jusqu'aux genoux, comme celle qu'elle utilise avec les autres acteurs de Némésis quand ils tournent en extérieur.

Son propre agent n'est jamais trop loin d'elle, puisque là, en l'occurrence, il fume non loin de nous avec des membres du staff de Variety. Et quand Jenny pivote vers moi en m'adressant un sourire chaleureux, je peux déjà imaginer ce qu'elle va me dire.

— C'est bien que tu sois venu et que tu aies supervisé le maquillage d'Athalia au lieu de quelqu'un d'autre, me dit-elle en reportant ses yeux face à nous.

Elle garde précieusement ses mains enfoncées au fond de ses poches pour tenter de se réchauffer.

Le ciel est tristement sombre au-dessus de nos têtes et seul l'éclairage artificiel de la ville, toujours en effervescence à cette heure-ci, permet d'apporter un peu de chaleur à ce temps morne.

𝑵𝒆́𝒎𝒆́𝒔𝒊𝒔Where stories live. Discover now