Chapitre 36

11 1 0
                                    

Alexeï


Le silence.

Dans de nombreuses situations, il peut, la plupart du temps, embellir, rassurer, sécuriser.

Ou être les prémices d'une catastrophe qui parviendra à ébranler sans mal le plus costaud des Hommes. Ou comme j'aime aussi l'appeler ; le calme avant la tempête, selon certaines situations.

Ici, je pencherais davantage pour la deuxième option. C'est l'impression que j'en ai lorsque j'autorise mon regard à quitter la route, pour observer Athalia à mes côtés d'une œillade inquiète.

Il faut que je brise la glace. Et je vais le faire. Je sens que ma langue me brûle tant, qu'il est impossible que je parvienne à tenir le quart d'heure de plus qui nous sépare de la villa d'Athalia.

Mais la colère qui l'englobe, son affliction, sa détresse silencieuse, sa perdition, sa déception, me poussent pourtant à me taire.

Je ne l'ai jamais vue comme ça. Ses iris sont semblables à deux globes vides qu'on ne pourra plus jamais allumer. Ou au contraire, si je tente d'y mettre un peu de clarté, j'ai bien peur qu'ils ne s'enflamment, et Athalia avec.

Elle fixe le vide depuis maintenant une bonne vingtaine de minutes, comme si mon pare-brise était la chose la plus hypnotisante du monde.

Et bien que je ne doute pas des capacités charismatiques de ma voiture -je l'ai quand même payée une blinde-, je ne pense pas qu'Athalia soit devenue une passionnée d'automobile en moins de cinq minutes.

Ses doigts sont toujours sanglés, tel un étau puissant autour de ses cuisses. Je commence même à douter qu'elle n'ait pas une hémorragie quelque part, et qu'elle essaie de la stopper.

D'accord, je commence à divaguer. J'essaie surtout de penser à tout et n'importe quoi pour ne pas avoir à me ressasser en boucle les paroles que je compte prononcer incessamment sous peu.

Tout devrait se dérouler comme je l'ai prévu. Je ne compte pas lui parler sur un ton aigre, ni sévère, ni quoi que ce soit d'autre qui pourrait nourrir les flammes ardentes qui semblent lui lécher les entrailles.

Seulement, j'aurais dû le savoir, les choses ne se passent jamais comme prévu.

— Ce dont parlait Maïa... Ça a un rapport avec ce que tu m'as di...

— Ne commence pas cette conversation, Alexeï. Je ne suis vraiment pas d'humeur, s'il te plaît.

Elle me coupe d'un ton si sec et brutal, que malgré moi, mon cœur se serre. J'acquiesce alors, silencieux, les mains serrées autour du volant, et des questions qui se bousculent sur ma langue.

Difficilement, je me force à reporter mon regard sur les flocons qui tourbillonnent au gré du vent dans les sillons lumineux des phares de la voiture.

Il fait chaud dans l'habitacle, mais je ne sais pas si c'est à cause du chauffage qui crée une légère buée sur les vitres, ou si ça vient de la tension qui vient de s'implanter dans l'atmosphère.

Elle est rude, rêche et abrupte. Je crois qu'elle émane d'Athalia toute entière.

— En fait non, tu sais quoi, j'ai besoin de te dire quelque chose, reprend Athalia en me crachant presque dessus, tant une certaine hargne fait vibrer chacun des mots qu'elle prononce. Arrête de te mêler de ma vie, arrête de me poser des questions, arrête de toujours me questionner sur mon passé ! Ça ne te regarde pas ! Je ne comprends pas pourquoi tu insistes autant !

— Mais je ne...

— Je suis au courant de la conversation que tu as eue avec Jenny, il y a plusieurs mois, le soir qui a suivi la journée où j'ai eu mon interview pour Variety.

𝑵𝒆́𝒎𝒆́𝒔𝒊𝒔Where stories live. Discover now