Chapitre 25

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Alexeï


Athalia me lance un regard semi-meurtrier, tandis que je fouille dans ma valise pour en sortir une tenue décente pour ce soir.

— Quoi ? De quoi m'accuses-tu encore ?

Je l'interroge du regard, malgré mes mains qui, elles, restent toujours à l'œuvre. Je soulève certains de mes habits, et baisse de temps à autre les yeux vers eux pour m'assurer que je me saisisse bien des bonnes choses.

— Je ne t'accuse jamais de rien ! s'offusque Athalia, perchée sur l'accoudoir du canapé.

Elle a enfilé une simple chemise blanche qu'elle a rentrée dans un jean bleu nuit, mais la transparence de son haut met à l'épreuve ma concentration quand j'aperçois derrière les armatures de son sous-vêtement.

Elle a opté pour un tissu fin au vu de la chaleur qui règne à Dubrovnik, même à la nuit tombée, mais je ne pensais pas qu'il le serait autant.

Je dois me forcer plusieurs fois à me rappeler ce que je suis en train de faire, et c'est d'ailleurs pour ça que je n'avance pas beaucoup, alors qu'Athalia est déjà prête depuis une demi-heure.

— Menteuse. Dès que tu perds tes chaussettes, que tu fais cramer le poulet, ou que le bus est en retard, j'y suis pour quelque chose, je poursuis en haussant un sourcil dans sa direction.

— Mais je ne prends jamais le bus.

Son ton déconcerté finit par me faire rire. Elle a l'air d'un enfant, assise comme ça au bout du canapé, ses grandes jambes pendues dans le vide.

Elle n'a pas pris la peine de se coiffer après la journée épuisante que nous avions passée, enfin, elle plus que moi, puisque rester assis sur une chaise ne me semble pas être la chose la plus fatigante du monde. Mais qu'importe.

Les mèches sombres d'Athalia sont légèrement en pagaille sur le dessus de sa tête, et accroissent la grandeur de ses yeux noisette.

Elle paraît plus guillerette que les jours précédents, et la simple constatation de sa bonne humeur me fait sourire. Elle m'a répété de nombreuses fois qu'elle était contente de pouvoir sortir ce soir, et qu'elle n'était pas trop anxieuse étant donné qu'on irait dans un bar en plein air.

Il me semble même qu'elle a repris des couleurs.

— Je te taquinais juste, je finis par lui répondre en sortant de ma valise une chemise couverte de fleurs.

Je la mets de côté puisqu'elle ne m'intéresse pas, et relève la tête vers Athalia en plissant les yeux.

— Donc, pourquoi tu me regardes comme ça Saïtovna ?

C'est au tour d'Athalia de froncer les sourcils quand je l'appelle ainsi. Elle me dévisage un long moment, silencieuse, tandis que je me mords les joues pour éviter de rire face à son expression outrée.

On est bien loin du — chaton que j'ai murmuré à travers toutes les confidences qu'Athalia m'a faite. Mais je préfère garder ce surnom pour d'autres occasions. Si je l'utilise trop souvent, il perdra de sa surprise et des frissons qui vont avec.

— Parce que tu n'arrêtes pas de parler de rencard, finit-elle par déclarer en faisant référence aux nombreuses fois où j'ai utilisé ce mot depuis que nous sommes rentrés à l'appartement, pour parler de notre future soirée. On va dans un bar Alexeï, on ne sera pas que deux.

Son ton, qu'elle essaie de rendre convaincant, me plaît bien plus que tous les sourires qu'elle pourrait me servir en une seule journée.

J'apprécie la voir perdre facilement contenance quand il s'agit de parler de nous. J'ai déjà maintes et maintes fois remarqué sa façon de réagir lorsque nous sommes l'un près de l'autre, ou que mon souffle ne frôle malencontreusement sa peau.

Au début, je ne me rendais pas vraiment compte de ce que je faisais. Mais depuis que j'entrevois la façon dont son épiderme répond à ma présence, je ne peux pas m'empêcher de recommencer.

J'aime lui faire perdre pied. Aussi dangereuse soit cette pensée.

— Et alors ? Les autres, je m'en moque. Je ne les connais pas, mais déjà, je ne les aime pas. Il n'y a...

Que toi à mes yeux.

Je rattrape vivement ces mots avant qu'ils ne sortent spontanément d'entre mes lèvres. Mes dents viennent mordre ma joue, et je rebaisse rapidement les yeux vers ce que j'ai entre les mains.

Sans faire attention, je me saisis de la chemise à fleurs que j'avais posée dans un coin, et entends Athalia se mettre à rire devant moi.

— Elle est sympa.

Elle n'a pas l'air sincère, ceci dit. Je lui lance un regard réprobateur, et l'observe se pencher en avant, les coudes appuyés sur le haut de ses cuisses.

— Tu mens.

— Je n'ai jamais été aussi sincère, réplique-t-elle, les pupilles joueuses.

Je lève les yeux vers le plafond, et me force à me concentrer sur ce que je fais pour aller par la suite me changer. Sinon, à cette allure-là, demain j'y suis encore.

— Tu vas vraiment la mettre ? poursuit-elle.

Cette fois, je relève complètement le visage vers elle, et arque un sourcil pendant que je la dévisage.

Non, je ne compte clairement pas sortir habillé comme le jardin du roi soleil en pleine floraison, mais Athalia a le don extraordinaire de toujours me lancer des défis, peu importe la situation.

Dans ces moments-là, j'ai l'impression de retrouver un peu d'Élie en elle. Mon meilleur ami serait fier de voir Athalia arriver à me faire faire des choses ridicules aussi facilement.

Pourquoi diable faut-il que je sois autant accès sur la compétition ?

— Tu ne m'en crois pas capable ?

Athalia hausse innocemment les épaules, avant de quitter l'accoudoir du canapé pour se diriger vers la cuisine.

J'observe sa silhouette se mouvoir de dos, et laisse mon regard onduler sur la courbe de ses hanches en mouvement, avant de vivement me reprendre.

Me vêtir dignement pour ce soir est ma priorité. Il faut que j'arrête de me laisser déconcentrer à la moindre occasion.

— Oh si, je sais que tu le feras, dit-elle en attrapant une bouteille d'eau pour s'en servir un verre, le plastique craquant sous ses doigts.

La conversation s'arrête ici, et me permet par ailleurs de finir de me saisir de mes vêtements. J'attrape un jean simple de couleur sombre, qui se mariera à la perfection avec les couleurs fuchsia de la chemise, et commence déjà à regretter ce que j'ai accepté.

Je vais avoir l'air d'un lampadaire ambulant. Mais au moins, je serais reconnaissable de loin. Et on ne viendra peut-être pas m'embêter.

Il faut toujours trouver du positif dans le négatif, pas vrai ?

Je me relève du sol peu confortable sur lequel je suis installé, et referme ma valise avant de me diriger vers la salle de bain, mes précieux apparats entre les bras.

Je sens le regard brûlant d'Athalia sur moi pendant que je me dirige vers la salle d'eau, et je ne peux retenir le sourire qui éclot sur mes lèvres lorsque j'en prends conscience.

Je ne suis finalement peut-être pas le seul qui se laisse facilement déconcentrer. Et étrangement, cette pensée fugace me redonne un invulnérable regain d'énergie.

𝑵𝒆́𝒎𝒆́𝒔𝒊𝒔Donde viven las historias. Descúbrelo ahora