Chapitre 45

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Alexeï


Voilà ce que ça fait de travailler pour Saïtovna Athalia. Au lieu de patienter sagement dans un taxi pour rejoindre le prestigieux aéroport de Brooklyn, je me retrouve perché sur un toit à je ne sais combien de mètres au-dessus du sol.

Enfin, perché, je n'y suis pas vraiment. Pas encore.

Pour le moment, je m'évertue surtout à faire précautionneusement un pas devant l'autre en essayant de ne pas tenir compte du vide présent à seulement quelques centimètres de ma personne.

— Ne stresse pas, Alexeï. Tu ne risques rien.

Athalia refoule son amusement, assise plus loin, au bord de ce gouffre qui, de par sa simple mention, me retourne l'estomac.

Lentement, je continue de faire un pas devant l'autre sur ce toit à demi penché, et pousse un gémissement plaintif quand mon talon manque de déraper contre le givre qui recouvre les planches en PVC sur lesquelles je tente d'avancer.

— Je te déteste. Je te déteste tellement, je maugrée, les dents serrées, les poings pressés contre mes flancs.

Je fixe mes chaussures depuis tant de temps maintenant, que leur couleur blanche imprègne mes iris à chaque endroit où mon regard se porte.

— Non, tu ne me détestes pas, et si tu regardais autour de toi, tu verrais que tu es à plus de deux cents mètres de la barrière qui te sépare du vide, Alexeï.

D'accord, elle n'a pas tort. J'en fais peut-être un peu trop. Mais l'enfant en moi qui a toujours eu le vertige ne peut se résoudre à avancer tranquillement sur le toit d'un hôtel qui se trouve si haut dans le ciel.

J'ai l'impression que si je tends le bras, mes doigts pourront se fondre dans les nuages.

— Bon.

Je souffle par le nez, acquiesce, et consens à rejoindre Athalia qui m'attend sagement, les pieds pendus dans le néant sous ses semelles.

Bras tendu, je me rapproche tant bien que mal en faisant la grimace, la gorge nouée, et laisse un faible sourire crispé étirer mes lèvres quand, après plusieurs minutes de concentration laborieuse, ses doigts viennent à la rencontre des miens.

Elle s'est relevée pour venir me rejoindre, et m'attire désormais vers l'un des transats vert pomme qui repose plus loin, face à la vue magnifique que nous avons du coucher de soleil, et loin du vide qui m'oppresse tant.

— Si tu veux, on peut rentrer si tu ne te sens pas bien. J'avais juste besoin d'air et de hauteur, pour me sentir seule et extérioriser un peu, me confie-t-elle en m'accordant un regard soucieux. Mais on peut aller ailleurs.

Avec son pull large qui lui englobe les mains, et son teint un peu plus pâle qu'à l'accoutumée, j'ai simplement envie de la serrer dans mes bras.

Elle a l'air si petite face à l'immense étendue du toit.

— Non, je vais bien, je finis par lui répondre d'une voix calme. J'avais surtout peur pour toi. Tu étais si près du vide, je murmure en calant mon attention sur elle.

Je secoue la tête pour accompagner mes propos, et prends place sur la toile semi-transparente du transat. J'étends mes jambes face à moi pour les reposer et les détendre après cette journée éreintante, et accueille Athalia qui vient s'installer dessus.

Elle encercle mon bassin de ses cuisses, et dépose ses mains à plat sur mon torse pour le caresser avec tendresse, malgré le tissu de ma tenue du jour.

𝑵𝒆́𝒎𝒆́𝒔𝒊𝒔Where stories live. Discover now