Chapitre 38

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Alexeï


— J'ai des vitamines dans mon sac, vous savez. Et il doit y avoir du jus d'orange ou du café au réfectoire. Vous voulez que j'aille vous en chercher ?

Jenny est occupée à se faire épingler la silhouette par un styliste qui raccorde certains points de couture sur la robe qu'elle va porter lors d'une soirée qui se déroulera dans l'un des épisodes de Némésis, que nous tournons aujourd'hui.

Elle est debout en équilibre sur un plot, en plein milieu de la loge qui rassemble à la fois toutes les tenues présentes sur le tournage, diverses perruques aussi atypiques que magnifiques, ainsi que plusieurs teintes de maquillage.

Même si nous disposons de notre propre local, là où j'ai de nombreuses fois maquillé Athalia, nous avons aussi cette salle qui est bien plus pratique lorsque nous nous occupons de plusieurs personnes à la fois.

— Non merci, je lui réponds poliment en étalant du blush sur les joues d'Athalia, dont l'aspect quelque peu terne fait écho à la courte nuit que nous avons passé.

Cette dernière me fait les yeux ronds et fait ensuite claquer sa langue contre son palais en un signe réprobateur.

— Même si on sort ensemble, Filatovitch, on ne fait pas partie du même corps, je te ferais dire. Moi, j'en veux bien ! énonce Athalia vers Jenny d'un ton pimpant, en me tirant la langue.

Sa remarque fait rire la jeune femme et son corps a à peine le temps de tressauter, qu'elle se fait rapidement réprimander par le styliste qui valse autour d'elle.

Un mètre ruban entoure sa nuque et ses bras, et il tient entre ses lèvres une boule de mousse dans laquelle sont plantées une dizaine d'épingles à nourrice.

Avec son chapeau rond, ses dés à coudre au bout des doigts, et sa chemise extravagante aux couleurs écarlates, il me rappelle étrangement le chapelier dans Alice aux Pays des merveilles.

— D'accord, j'irais te chercher ça une fois que je serais libérée, déclare-t-elle en lui faisant un clin d'œil complice.

— Surtout, faites attention aux mouvements que vous allez faire, lui préconise l'homme en retravaillant l'ourlet en bas de la robe.

Son accent italien roule sur sa langue quand il s'exprime. Jenny acquiesce sagement, tandis que je détaille avec attention le tissu qui met en avant les vallonnements harmonieux de sa silhouette.

De couleur vert pâle, décoré de turbans transparents, brodé de fils soyeux qui forment des petites fleurs au creux de sa taille et en haut de son buste, on dirait une princesse sortie tout droit d'un conte de fée.

Ses cheveux détachés et retravaillés par l'un de nos coiffeurs, forment une couronne de tresse sur le dessus de sa tête. Des barrettes en forme de papillons sont accrochées à ses mèches torsadées, et rendent le tout plus délicat, printanier.

Ses manches longues, créées dans une soie fine et élégante, rappellent les températures fraîches de Moscou, et rajoutent un petit plus qui complète avec grâce la toison aux tons vert lichen.

— Je ne savais pas que tu te mariais aujourd'hui, la charrie Athalia, toujours assise près de moi.

Son sourire détourne mon attention de Jenny. Je me perds sur la contemplation de sa bouche qui s'étire juste sous mes yeux, et reprend mon travail en me retenant de l'embrasser.

C'est une tâche très compliquée. On ne dirait pas comme ça, mais à ce stade, ça relève même de la torture la plus élaborée.

Non, je n'exagère pas. Ou peut-être un peu.

𝑵𝒆́𝒎𝒆́𝒔𝒊𝒔Where stories live. Discover now