Chapitre 1

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Les filles de mon lycée sont totalement hystériques. J'étais comme elles avant, enfin je crois. Je m'extasiais pour rien, et j'étais heureuse sans aucune raison.

Je suis dans la classe d'un garçon que je n'avais jamais vu avant. Il doit être nouveau, parce que les gens lui, vous ne les oubliés pas. Il fait partie de ces personnes qui restent dans votre mémoire et apparait derrière vos paupières clauses aux moments où vous l'attendez le moins. Il ne porte que du noir, de partout. Dans ses yeux, sur ses vêtements, et son cœur est probablement tapissé de cette même couleur. Peut-être quelqu'un comme moi, qui sais ? Peut-être quelqu'un qui pourrait me comprendre s'il me connaissait.

Mais en fait, je ne veux même pas le connaître. Je refuse catégoriquement de m'aventurer dans ce genre de situation. Du style "J'ai rencontré un garçon comme moi, et notre histoire sera construite sur nos points communs". C'est nul, c'est faux, c'est vieux, c'est « film a l'eau de rose ». Honnêtement, je n'aime pas ce qui est nul, faux, vieux et je déteste les films à l'eau de rose. Je ne changerais pas d'avis là-dessus.

Je suis en train d'écrire ces chiffres, ces trois foutus chiffres qui ne cessent d'augmenter chaque jour, à minuit. Et le voilà qu'il s'assoit à côtés de moi, comme dans ce qui est nul, faux, vieux et film a l'eau de rose. Ma vie n'est pas un cliché. Les clichés de reflètent pas la cruauté du monde, ils camouflent seulement les couleurs disgracieuses.

Je ne vais certainement pas lui parler, je vais juste l'ignorer royalement, et continuer de griffonner ce « 334 » partout où j'ai de la place. Mes mains, mes cahiers, mes feuilles. Partout.

Je m'autorise à lui lancé un petit regard en coin. Il faut que je me persuade que je ne perds rien en l'ignorant. Mais il est juste sombre comme la nuit. C'est un tourbillon de pensées négatives semblables aux miennes qui se déverse à mes côtés, et qui ondule de part et d'autre avec une force attractive qui m'hypnotise.

Il a entre les mains un cahier jaune, et cela m'aveugle. Sincèrement, c'est le mot. Il est ténébreux, je le suis, et je ne vois plus que du noir, de partout. J'ai même pensé, a un certain point, que j'étais devenue daltonienne. Tout n'est que nuance de gris. Les paysages, le visage des gens, les sentiments. Mais apparemment non.

J'observe ses doigts tordre le coin des pages d'un geste qui n'a rien de nerveux. Les veines de ses bras sont saillantes sous sa peau claire et courent jusqu'à ses poignets à la manière d'un chemin sinueux.

Soudain, il se penche sur ma table et plante son regard dans le mien. Je fais de mon mieux pour ne pas le regarder. Il ne reste immobile et ses yeux semblent appeler les miens. Il a l'air vraiment beau, mais e me force à détourner la tête. Il s'approche encore un peu de moi et chuchote :

- Ce cahier est beaucoup trop coloré, tu ne trouves pas ?

Je hoche la tête, les yeux rivés sur la feuille vierge face à moi, et enfouie mon visage dans mes bras, à défaut de pouvoir m'enfoncer sous terre. Mes joues sont brûlantes et mon cœur bat à toute allure dans ma cage thoracique. Il m'en a fallu peu pour m'enflammer, à moi aussi.

C'est la première fois que j'entends réellement quelqu'un me parler gentiment depuis 334 jours. La première voix douce et calme qui s'adresse à moi en presque un an.

Peut-être aussi qu'il est la seule personne à me voir pour de vrai, à sentir une présence à ses côtés, à entendre un cœur battre désespérément en attendant la fin, comme un oiseau prisonnier d'une cage qui souhaiterais s'envoler dans le ciel.

Il prend dans sa trousse un marqueur noir, et commence à colorer son cahier, comme si c'était tout ce qu'il avait de mieux à faire.

- Tiens, me dit-il en me tendant le feutre. Écris tes chiffres partout, sur ton cahier, sur le mien si tu veux, ça m'est égal, avec toute la violence dont tu es capable. Fais ressortir ce nombre. Qu'est-ce qu'il signifie ?

Je prends le marqueur d'une main tremblante, mais j'évite intentionnellement sa dernière question.

Il a dit "écris tes chiffres" en insistant sur le « tes », comme si c'était la chose la plus stupide du monde.

- Merci, je marmonne.

Je commence doucement à écrire ses trois chiffres que j'ai tant de fois répéter depuis bien tôt ce matin. Et puis, alors que je recommence pour la troisième fois à l'inscrire sur mon cahier, je pose le feutre sur sa table et jette un coup d'œil à ma montre. La sonnerie retentie aussitôt et je plie rapidement mes affaires avant de quitter la salle aussi vite que possible.

Je ne veux plus le voir. Je veux qu'il me déteste, comme tous, qu'il me dise des mots blessants, je veux le détester du plus profond de mon âme.

Je me refuse de penser qu'il ne me veut pas du mal, alors que c'est ce que tout le monde fait. Je refuse de penser qu'il est comme moi. Je veux oublier cette conversation, je veux qu'il m'oublie aussi. C'est tout ce que je souhaite.

Je rentre chez moi à toute vitesse, tête baissée.

Je monte dans ma chambre en désordre, et entièrement décoré d'objets vintage. Je raye sur mon agenda les devoirs du lendemain, avant même de les avoir commencés. Puis je prends un feutre noir, toujours noir, et écrit en grande lettre sur le mur face à mon lit :

It never happened.

Je n'ai presque plus de place sur ma peinture blanche et je devrais bientôt songer à repeindre mon mur. Mais c'est hors de question pour le moment. Pas de blanc, rien que du noir, à l'exception de la toile de fond.

J'ai peur de ces 365 jours. Mais je les attends avec impatience.



365 Jours avant la Mort - [Terminée]Where stories live. Discover now