Chapitre 16

558 69 8
                                    

-      Alors comme ça, tu es en couple avec Luke ? me demande pour la troisième fois en une demi-heure la fille aux cheveux courts à côté de moi.

Et pour la troisième fois dans le même laps de temps, je ne lui réponds pas. Je fixe un point devant moi et m'applique à l'ignorer royalement. Qu'est-ce que ça peut bien lui faire, de toute façon, que je sois avec lui ou non ? D'habitude, elle ne m'adresse pas la parole, tout juste si elle sait que j'existe, et subitement, simplement parce que Luke et moi nous sommes embrassé, je deviens son point de gravité. Je ne lui en veux pas trop pour ce qu'il a  fait. Au contraire, je suis contente qu'il ait eu l'audace de poser ses lèvres sur les miennes, parce que j'aurais été incapable de prendre une telle décision.

-      Allez, dis le moi. Tu sors avec lui, ou c'est juste une rumeur qui circule ?

Je lève les yeux au ciel et griffonne un petit 9 à l'intérieur de ma main.

-      Et pourquoi tu écris des chiffres, tout le temps ? Je t'ai vu, dit-elle, tu écris des numéros de partout, tu t'es même fais coller pour ça. Pourquoi ?

Je pince les lèvres pour m'empêcher de lui hurler de se taire et me penche sur mon cahier. Je regrette sincèrement que la prof nous ait attribuée des places, parce que j'étais beaucoup mieux à côté de Luke, même lorsqu'il me fixait pendant une heure.

-      Eh ! Répond moi ! insiste-t-elle.

Je lui lance un regard noir en espérant qu'elle se taise pour de bon. Je la vois, du coin de l'œil, ouvrir sa trousse rose bonbon et en sortir un ciseau. Elle s'attaque alors à la couverture de son cahier dont elle taille les coins en pointe.

-      Sincèrement, je veux une réponse.

-      Bon sang, tais-toi maintenant, dis-je enfin, à bout de nerfs.

Soudain, je ressens une vive douleur dans le bras, et il y a comme une substance chaude et visqueuse qui coule le long de mon avant-bras. Lorsque je découvre de quoi il s'agit, je manque de m'évanouir.

C'est du sang, mon sang.

Un frisson me parcourt entièrement et il y a comme une sueur froide qui dégouline dans mon dos. Ma peau est ouverte profondément sur une quinzaine de centimètres. Et ma voisine de table tient fièrement dans sa main son ciseau, dégoulinant de sang, bon sang, de mon sang.

Je détourne le regard et lève la main.

-      Madame, dis-je en me levant de ma chaise, est-ce que je pourrais aller à l'infirmerie, s'il-vous-plait ?

La moitié de la classe se retourne vers moi, peut-être parce que c'est la première fois de l'année que je prends la parole en cours.

-      Ça alors ! Je viens de découvrir que j'avais une nouvelle élève ! plaisante la vieille femme en effaçant le tableau noir.

Je fronce les sourcils et grogne.

-      C'est assez urgent, à vrai dire.

Elle se retourne lentement, comme dans les films où le héros principal rassemble assez de courage pour lancer une phrase bourrée de culot au gros méchant de service, et que celui-ci est tellement choqué qu'il manque de faire une syncope. Sauf que là, c'est moi qui risque de mal finir si elle ne met pas plus de peps dans ses gestes.

Je lève mon bras au-dessus de la table, et observe presque en rigolant les visages se décomposer à la vue de la plaie béante sur mon bras.

-      Je... euh, bredouille la vieille femme, devenue blanche comme un linge. Quelqu'un pour l'emmener, vite !

Luke se précipite vers moi et m'empoigne le bras, l'autre bras. Il a l'air totalement paniqué, comme si j'allais mourir dans la minute qui suit.

-      Oh ! Attend deux petites secondes, dis-je en faisant volte-face.

Je me dirige vers la table de ma voisine de table qui arbore un sourire ravi. Je lui rends son sourire, prends de l'élan et balance mon poing fermé dans son horrible nez tordu, avec une force dont je ne me croyais pas capable.

-      Oups, désolée. J'avais juste besoin de me défouler, et, pauvre chérie, c'est sur toi que c'est tombé ! Quelle coïncidence !

Je pouffe de rire et Luke me tire encore plus fort, comme s'il était pressé. J'observe une dernière la jeune fille se tenir le nez et je le suis en courant.

-      Bon sang, arrête de courir ! Il n'y a pas le feu non plus !

-      Diana, t'es en train de te vider de ton sang.

-      Mais non, je vais bien, dis-je au moment même où je sens mes jambes défaillir.

Des étoiles commencent à danser devant mes yeux et je suis vidée de mes forces.

-      T'es vraiment sure que tu vas bien ? Parce que, je veux dire, t'en as pas vraiment l'air.

Je l'ignore et ferme les yeux, essayant de chasser les vertiges qui s'emparent de moi, tandis que Luke me prend dans ses bras. Je passe mes bras autour de son cou et m'accroche fermement à lui.

-      Ça fait mal ? demande-t-il.

-      Ça va.

Il soupire et secoue la tête.

-      Je sais que t'as mal, c'est quand même bien entaillé. Pourquoi tu ne pleures pas ?

-      Ça sert à rien de pleurer.

-      Ça sert à rien de se retenir non plus.

-      Arrête ça, je crache.

Il commence à me taper sérieusement sur le système, et ce n'est pas le bon moment.

-      Arrêter quoi, Diana ? Tu me dis que tu n'as pas mal alors que t'es au bord de l'évanouissement. Ça s'appelle un mensonge, jusqu'à preuve du contraire.

J'ouvre les yeux pour lui lancer un regard noir. Je n'en reviens pas. Il m'a humilié devant tout le monde en m'embrassant, profitant de la situation, et je viens de me faire presque couper le bras en partie à cause de lui et des rumeurs qu'il lance. Et il ose me traiter de menteuse ? C'est une blague ?

-      Attend, tu sais quoi ? Puisque tu es un si bon docteur, et que tu sais si bien ce que j'ai et ce que je ressens, pourquoi tu ne me renvoie pas chez moi, en me faisant un simple pansement et en me disant de me reposer, parce que j'en ai besoin ? Pourquoi tu ne fais pas ça, hein ? On gagnerait tellement de temps Luke, je te le promets.

Il soupire et me pose sur le sol. Je suis contente de lui tenir tête, je suis heureuse de ne pas avoir perdu mon entêtement. Il pose ses mains sur mes épaules et se poste face moi, les yeux plantés dans les miens.

-      Excuse-moi, Diana. OK ? C'est juste qu'il te reste neuf jours à vivre et j'ai vraiment peur qu'il t'arrive quelque chose avant, parce que même si tu restais en vie, peu importe pour quelle raison, je voudrais que tu aille le mieux possible. Et je suis super nerveux à l'idée de faire une bêtise ou qu'un truc grave t'arrive. Je veux juste que tu aille bien, tu comprends ? Et là, je sais que tu as mal, parce que si j'avais été à ta place, je serais en train de hurler de douleur et de pleurer à m'en assécher les yeux.

Je rigole, parce que j'aime tout de même bien ses petits discours marginaux et poétiques dans lesquels il se lance parfois. Même lorsque je suis en train de pisser le sang par terre.

-      Si tu pouvais seulement te dépêcher de dire tes belles phrases, parce que je suis en train de tacher le sol ! je plaisante.

-      Bien sûr, pardonne-moi.

Il me reprend dans ses bras et continue sa course jusqu'à l'infirmerie.

_______________________________

Merci énormément de votre lecture 😘

_anxnyme_ ❤️

365 Jours avant la Mort - [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant