Chapitre 20

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     Le téléphone de Luke vibre depuis dix minutes sur la table basse du salon, créant un bruit de fond qui commence à me prendre la tête.

-      Ton portable sonne, tu sais ?

-      Oui, je sais.

Je hausse les sourcils et reporte mon attention sur le vieux film que nous regardons. Je ne sais même pas vraiment de quoi ça parle, c'est juste une histoire bourrée de clichés, comme je les déteste.

Une nouvelle fois, le téléphone se met à vibrer et l'écran s'allume. Je jette un coup d'œil à Luke qui n'a pas l'air décidé à répondre.

-      Répond, bon sang ! C'est peut-être important.

-      Ce n'est jamais important, Diana, dit-il d'une voix platonique.

Je soupire et saisis son portable. Suivi d'un cœur, le nom « maman » illumine l'écran.

-      Luke, tu as quinze appels en absence de ta mère !

-      Et alors ?

-      Répond, je crache d'une voix sèche.

Si j'étais à sa place, je commencerai a vraiment me faire du souci. Personne n'insisterait autant, sauf en cas de problème. Si ça se trouve, quelque chose de grave lui est arrivé, et Luke n'en a juste rien à faire.

Je lui tends le mobile mais il secoue la tête, refusant de m'écouter.

–       Imagine qu'elle est eu un problème, un accident, quoique ce soit. Il faudra que tu décroches à un moment, alors autant le faire maintenant.

-      Je ne veux pas lui parler, Diana. Alors arrête de me gonfler, d'accord ?

J'hallucine. C'est moi qui le gonfle ? Je me lève sans plus attendre, agacée par son comportement.

-      Quoi ? dit-il en me détaillant de haut en bas du regard.

-      C'est ta mère, Luke ! Pourquoi est-ce que tu lui fais ça ?

Il penche la tête et un sourire étire ses lèvres. Mais ce n'est pas ce sourire que je trouve si beau chez lui. Non. C'est un sourire carnassier, digne d'un tueur en série. Et je sais que ce qu'il s'apprête à me dire va faire mal, très mal.

-      Et ta mère à toi, on en parle ?

Je pince l'arête de mon nez entre mes doigts et respire profondément.

-      Ça n'a rien à voir, Luke.

-      Justement, ça n'a rien à voir. Je ne sais pas comment tu agis avec ta mère, et honnêtement, je m'en fiche. Si je n'ai pas envie de lui répondre, alors c'est mon choix. Ça ne te regarde pas, OK ? Ma vie ne te regarde pas.

Je ne réponds rien et me contente de le fixer dans les yeux.

-      Tu piges ce que j'te dis, ou t'es devenue encore plus tarée qu'avant ?

-      Tais-toi, Luke, bon sang. Tais-toi...

Il rigole et joue avec la télécommande de la télé. Son téléphone est toujours en train de sonner.

-      Non, je vais t'expliquer avant de me taire.  Peut-être que t'as une vie de merde, Diana, et que tu crois que t'as tous les malheurs du monde sur le dos. Mais moi, je t'ai jamais demandé d'intervenir, je t'ai jamais demandé un commentaire ou une remarque. Alors tu ferais mieux de t'occuper de tous tes problèmes super graves plutôt que de t'occuper de moi, d'accord ? Je veux que tu ne sois plus personne pour moi.

Je garde le silence, lui lance un dernier regard et tourne les talons.

–       Où est-ce que tu vas ?

–       Je rentre chez moi.

–       Pour quoi faire ?

–       M'occuper de mes problèmes super graves.

–       Ok, a demain.

Je sors précipitamment de sa maison, ma veste sous le bras, sidérée par ses propos. Pourquoi a-t-il changé d'humeur si facilement ? Et pourquoi ne répond-il pas à sa mère ?

Je ne le comprends pas, je ne le comprends plus. Ou peut-être ne l'ai-je jamais compris. Il a raison lorsqu'il dit que ça ne me regarde pas. Mais je voulais juste l'aider, je voulais juste lui montrer qu'il pouvait compter sur moi comme je peux compter sur lui. Et puis en fait, je n'ai même plus envie de lui parler.

J'erre quelques minutes dans la rue, comme s'il allait débarquer pour s'excuser. Je n'ai d'autres choix que de rentrer chez moi sous un ciel gris et ennuyeux à mourir.

Je cherche mes clés au fond de mon sac quelques minutes et fini par mettre la main dessus.

J'ai besoin d'écrire à Luke. Je sais bien que j'étais chez lui il y a de cela dix minutes, mais j'ai vraiment besoin de parler au Luke qui m'écoute et qui me prête attention, pas à celui qui me dis de telles horreurs.

« Je veux que tu ne sois plus personne pour moi. »

Cette phrase, je l'ai retenue. Elle a marqué mon cœur au fer rouge, je le jure. Et elle l'a complètement calciné au passage. Je ne pige pas, je n'ai peut-être jamais pigé. Mais j'avais envie de me lever, de lui coller une gifle et de lui hurler à la figure.

« Qu'est-ce tu fais, putain, qu'est-ce qui t'arrive ? C'est toi qui es d'venu fou, c'est toi qui dérailles maintenant ! Pourquoi tu dis ça, pourquoi tu fais ça ? J'veux dire, j'm'en fou que ça me fasse mal, mais deviens pas comme ça toi non plus, deviens pas comme eux, deviens pas comme nous. Deviens pas ce genre de personnes qui ne savent plus qui elles sont et qui se perdent dans leurs humeurs comme au milieu du désert. Deviens pas comme moi, reste quelqu'un. J'te jure, c'est pas beau l'monde à travers les yeux de quelqu'un qui est mort de l'intérieur. Alors change pas, pas toi. Je t'en supplies »

Voilà ce que j'aurais pu lui dire, voilà ce que j'aurais pu lui cracher à la figure. Mais je ne l'ai pas fait. Je me suis juste levée et je l'ai laissé. De toute façon, il n'a même pas essayé de me retenir. Et je crois que c'est ce qui m'a fait le plus mal en réalité. Parce que des paroles destructrices, j'en entends toute la journée dans ma tête. Mais des actes aussi douloureux, je n'en ai connu qu'un. Et il est la raison de toute cette désolation.

365 Jours avant la Mort - [Terminée]Where stories live. Discover now