Chapitre 26

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You want to go to heaven but you're human tonight

(young god // halsey)

Je ne sais pas ce que je fais de ma vie. J'imagine que je m'applique à la foutre en l'air. C'est drôle, au fond, d'essayer de savoir jusqu'à quel point un être humain est capable de supporter une douleur qu'il s'inflige lui-même.

Les gens disent que le mal-être, c'est juste dans la tête. Mais lorsque l'on se tape les poings contre les murs et que l'on hurle dans la nuit, je peux vous assurer que c'est dans chaque partie de votre corps.

Je ne sais même plus dans quel sens réfléchir, je ne sais plus qui je suis. Je suis perdue, OK ? Je suis complétement paumée. Et j'ai pas besoin de quelqu'un pour m'aider, j'veux juste quelqu'un à aimer.

Et maintenant j'me retrouve là, assise sur le rebord de ma vieille fenêtre au milieu de la nuit, à me poser cette même question qui hante mes pensées chaque jour, chaque nuit, chaque minute qui passe depuis un an.

J'ai cherché une parole de chanson, j'ai cherché les vers d'un poème, peu importe lequel, mais celui qui refléterait au mieux ma situation. Je n'ai pas trouvé. Et je ne m'étais encore jamais sentie aussi seule de toute ma vie, même lorsque la personne que j'aimais le plus est partie. Parce que si aucun écrivain n'a écrit de mots qui vous correspondent, c'est que vous n'avez jamais exister vraiment.

J'ai compté les jours qui me restait comme on compte ses fruits au marché, ou ses pièces de monnaie, sans savoir pourtant que la vie n'était pas une course, que l'on avait le temps. Je l'ai eu, ce temps, j'ai eu 365 jours pour réfléchir et faire un choix. Maintenant, je ne l'ai plus, et j'suis foutue.

Il y a tellement de gens qui m'ont vu détruite, chaque jours au lycée, dans la rue, à l'épicerie du coin. Et personne n'a jamais esquissé un geste pour m'aider. Je ne dis pas que c'est ce que je voulais, au contraire. Je dis juste qu'on a beau être sept milliards sur Terre, au fond, on est seul.

Il n'y a qu'une personne qui a été là pour moi, et c'est Luke. Je crois que je lui dois une fière chandelle pour tout ce qu'il a fait. Il avait raison, depuis le premier jour. Chaque mot sorti de sa bouche n'était que vérité, et il m'oubliera avec l'idée que je ne l'ai jamais cru.

Lorsqu'il disait que tout ça, ce n'était que du délire et que ça n'avait aucun sens, je pensais qu'il mentait. Évidemment que ça avait un sens pour moi, c'était ma vie, c'était mon choix. Mais en ce moment même, ça me percute de plein fouet, avec une violence incroyable.

Je le savais, depuis le début. Je savais que ça arriverait à vitesse grand V, et que je foncerais dans le tas tête baissée. C'est ce que j'ai toujours fait. Mais je n'avais jamais pensé que l'impact me détruirait à ce point.

Je m'étais préparée à la dureté du choix, mais j'avais cru qu'on m'aiderait, de quelque façon qu'il soit, qu'on me ferait un signe, qu'on m'adresserait un message, n'importe quoi. Mais non. Je n'ai rien eu de tout ça. J'ai juste ma tête, mes souvenirs, mes peines, ma souffrance. Et toujours ce vide constant qui flotte autour de moi, cette partie manquante de mon cœur qui vole au-dessus de ma tête. J'ai beau tendre le bras, je ne saisis qu'un vent glacial et violent, une bourrasque qui ébranle chaque os de mon squelette.

Pendant douze mois, je me suis appliquée à contourner tous mes souvenirs, à les enterrés avec le reste de mes malheurs au fond de moi. Et tout à coup, cela refait surface, comme un tsunami qui détruirait tous mes efforts en une fraction de seconde. Je n'oublie jamais où je vais, ni où se compte à rebours me mène, mais parfois, j'oublie pourquoi il y en a un. Peut-être que j'ai fait mon deuil et qu'il faut que je cesse mes âneries, comme dirait Luke. Peut-être qu'il faut que j'arrête d'agir comme une enfant et que pour une fois dans ma vie, je fasse face aux choses qui me détruisent.

Il y a peu de gens en qui j'ai confiance. Mais Luke, je lui ai donné toute celle que j'avais. Je refuse de le laisser seul ici encore une fois, mais j'ignore si j'aurai la force de me battre à ses côtés.

« Alors c'est comme ça ? Le problème vient donc de là ? Tu n'as plus de courage, tu n'as plus de force, alors tu abandonnes ? Mais qu'est-ce que tu fous, bon sang ? Qu'est-ce que tu fabriques dans ta vie, où est-ce que tu vas, droit comme ça ? Tu sais ce qui t'attend au but du compte ? C'est un mur, un putain de mur en béton. Et t'es bien partie pour le percuter à fond de balle. Ah ouais, j'te préviens, ça va faire mal. Eh pis, t'façon, t'as pas le droit de choisir pour les autres, Théa. Alors arrête tes conneries et réveille-toi, c'est qu'un mauvais rêve. » me souffle ma conscience trop bruyante.

Je sais qu'elle a raison. Je l'ai toujours chassée de mes pensées, elle aussi, mais elle n'a jamais rien dit d'aussi vrai. Je fonce droit dans le néant, et ça va être violent. Mais j'arriverai pas à m'arrêter avant de tomber.

C'est pas un hasard si c'est si dur pour moi de faire un choix aujourd'hui. Je n'ai jamais su choisir entre Action ou Vérité, je n'ai jamais su si je préférais le bleu turquoise ou le vert pomme, je ne sais toujours pas si je considère le blanc comme une couleur, et je n'ai jamais su démêler la vérité du mensonge. Je sais bien que ça n'a pas la même importance qu'une histoire de couleur, parce que c'est l'histoire de ma vie. Ou plutôt l'histoire de la fin de ma vie.

Je sais que c'est bête de me prendre encore la tête avec ça, mais j'ai l'impression que Luke a tout fait pour moi, et moi, rien pour lui. J'aurais dû profiter des jours à ses côtés et non seules dans ma maison. J'aurais dû faire comme si de rien  n'étais, comme s'il s'agissait uniquement de la fin de quelque chose d'insignifiant. C'était tellement dur d'éviter son regard alors que je ne faisais que le chercher auparavant. Et j'avais cette envie permanente de lui parler, d'entendre sa voix et de sentir ses mains sur moi. J'aimerai me rattraper, j'aimerai lui montrer plus de moi et lui expliquer avec le peu de mots que j'ai à quel point je l'aime. J'aimerai que ça s'arrête, tout ce tourbillon de pensées infernales dans mon cerveau.

J'ai promis que si à minuit je n'étais pas devant chez lui, alors je n'y serais jamais, et que ça ne servait à rien de m'attendre plus longtemps.

Il est 23:30. Je n'ai plus qu'une demi-heure devant moi. Et j'ai peur. Comme si j'attendais que le verdict tombe, et qu'il ne soit pas celui que j'attendais, alors que je suis la seule capable de prendre cette décision.

Ça m'angoisse de me dire que si je meurs maintenant, je ne saurais jamais ce que Luke deviendra. Tandis que si je reste, je le saurais, et c'est un sacré dilemme.

Les gens vivent en se disant à chaque obstacle : "le prochain sera plus haut, reste encore debout un petit moment." Pas moi. J'ai toujours vu la mort comme la solution, et s'est décidé, je veux changer. Ça ne m'a jamais effrayé de mettre fin à tout ça. Je n'ai pas peur parce que je peux mourir. J'en ai la possibilité, j'en ai le droit.

Mais maintenant, je dois faire un choix.

365 Jours avant la Mort - [Terminée]Where stories live. Discover now