Chapitre 2

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Le lendemain, lorsque je me présente en cours, j'ai sais dès la première minute que quelque chose ne tourne pas rond, et que ce n'est bien assurément pas en ma faveur. Il y a comme un pressentiment qui flotte dans l'air.

Je m'assois à ma place, et j'écris le Nombre du Jour : 335.

Le garçon en noir de la veille me rejoint, et je remarque du coin de l'œil qu'il ne porte pas plus de couleur qu'hier.

Il est tout bonnement hors de question qu'il prenne l'habitude de s'installer à mes côtés.

- Alors, commence-t-il comme s'il n'avait pas entendu mon soupire désapprobateur, aujourd'hui, tu enlèves une unité ?

Je ne veux pas parler, mais je fais l'effort de lui répondre.

- Non, j'en ajoute une.

Il fronce les sourcils et souris tristement. Pourquoi prête-t-il autant d'importance a quelque chose qu'il trouve pathétique ?

- Mais c'est infini alors.

Je secoue la tête. Il ne devrait pas se mêler des choses qu'il ne comprend pas, et qu'il ne peut pas comprendre.

- Pas si ta vie s'arrête avant la fin.

- Il n'y a pas de fin.

- Bien sûr qu'il y a une fin. Il arrive forcément un moment où tu n'as plus besoin d'inventer des nombres, puisque tout se calcule en puissance, et que même si tu étais assez fou pour calculer littéralement, tu mourrais avant la fin. Maintenant, laisse-moi.

- Écoute, je sais que c'est dur de penser à quelque chose d'heureux lorsque...

J'écris rageusement 335 sur la couverture de son cahier avec son feutre, juste pour le faire taire.

Il ne sait pas, il ne peut pas savoir, quelle que soit la raison de son propre malheur.

C'est la première fois depuis 335 que je parle autant et aussi librement, et je pris pour que ce soit la dernière. Il n'a pas le droit de me déranger dans ma souffrance. Pas lorsqu'elle est si bien installée au fond de moi.

"Laissez-moi mourir en paix."

Je tourne violemment la tête pour ne plus avoir à faire à son regard perçant qui mitraille mon corps, et quelque chose craque quelque part dans mon corps.

Il ricane et déclare d'une voix douce :

- Quoi qu'il en soit, je ne crois pas à cette histoire.

Je l'interroge du regard, mais il se contente de me sourire et d'écrire sur sa main au feutre noir :

Moi aussi, je suis fracassé.

Je savais que cette journée n'était pas la mienne. Ce fameux pressentiment que j'ai eu en début de journée n''était pas qu'une impression. Mais je n'ai pas compris ce qui ne tournait pas rond jusqu'à ce que je finisse dans le bureau exigu de la directrice.

Les murs sont de couleur beige et la pièce sent la terre mouillée. Je déteste être là, assises seule face à une étagère presque vide en attendant une femme que je ne supporte pas le moins du monde.

Enfin, dix minutes plus tard, la directrice entre dans son bureau et ne s'excuse nullement pour son retard. Elle se contente seulement de se servir un thé, sans même m'en proposer, évidemment, alors que je meurs de soif.

Elle s'assied devant moi et croise ses mains ridées son regard glacial rivé sur moi

- On ne dénonce pas les autres, Diana. Je pensais que tu le savais Ca ne se fait pas, dit-elle d'une voix monocorde et dénuée de sensation. Tu vas avoir des ennuis.

Je fronce les sourcils, je ne saisis pas. Qu'est-ce que j'ai bien pu faire, moi qui ne fais jamais rien ?

- Je ne comprends pas, madame. De quoi parlez-vous ? je l'a questionne.

- Tu ne comprends pas ? Vraiment ? s'écrie-t-elle. Et bien je vais te le dire.

Elle porte sa tasse brûlante à ses fines lèvres et prend tout son temps pour avaler, ses yeux toujours enfoncés dans les miens

- Une rumeur circule. Il paraitrait que Luke, le garçon dans ta classe, aurait...

Elle marque un temps d'arrêt et renifle disgracieusement. Plus les secondes s'écoulent, plus ma haine envers elle s'accroit.

- Qu'est-ce qu'il a fait ?

- Il a tué sa sœur.

Mon sang se glace dans mes veines. Pardon ? Est-ce que j'aurai mal entendu, ou est-ce qu'il y aurait un quiproquo ?

J'ai beau ne pas connaitre ce garçon d'un poil, j'ai vraiment du mal à me dire qu'il a... qu'il a tué un membre de sa famille. Il avait l'air si doux, si calme. Mais après tout, peut-être que ce n'est qu'une couverture. Ca donnerait un sens à ses vêtements noirs et à son attitude mystérieuse.

- Et il paraît également que c'est toi qui as lancé cette rumeur, puisque tu es la seule à lui parler.

Je fronce les sourcils. Non, c'est impossible. Comment aurais-je pu faire ça ? Je veux dire par-là que si c'était vrai – ce que je n'espère pas – je n'aurais jamais pu le dénoncer, ou faire courir ce genre de rumeurs.

- Mais... Non ! je m'exclame. On ne parle pas vraiment. Il est aussi réservé que moi, alors ça complique les choses. Il n'a pas tué sa sœur – enfin je ne pense pas – et de toute façon, pourquoi aurai-je dit ça ?

- Moi je sais pourquoi tu as fait ça.

- Je suis du côté des gens qui respectent la vie privée des autres. Vous ne pouvez pas avancer de telles choses.

- Bien sûr que je peux. Tu as fait cela parce que tu es dépressive et que tu as besoin de te venger de la mort de ton ami.

Je secoue la tête. C'est faux ! Je ne ferais jamais payer quelqu'un pour mes malheurs personnels.

- Mais te lamenter et punir les autres à ta place pour cette cause ne va pas le faire revenir, ajoute-t-elle en se levant. Ne viens pas pleurnicher que les autres t'ont fait du mal.

Je me lève à mon tour, sors du bureau, ruminant mes pensées.

Comment aurais-je pu inventer un bobard pareil ? Où est-ce que j'aurais pu trouver une imagination aussi développée que celle-là ? J'avais d'autres occupations, en ces 335 jours. Non, ça ne tient pas debout. Ses accusations sont totalement infondées, et les « on-dit » ne constituent pas une preuve suffisante.

Je rentre seule chez moi, retournant dans tous les sens les mots de la directrice. Qui aurait pu lancer une telle rumeur, qui aurait été assez cruel pour faire ça ?


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Chapitre corrigé, j'espère que vous l'avez aimé :)

modifications apportées :

- fin du chapitre coupé (suite dans le chapitre bonus)

- corrections de fautes d'orthographe et de tournures de phrases

365 Jours avant la Mort - [Terminée]Where stories live. Discover now