Chapitre 14

650 72 6
                                    

      Je suis dans son lit, les yeux fixés au plafond. A la différence d'un peu plus tôt, Luke ronfle légèrement à mes côtés. Et pourtant, malgré ce bruit qui me berce, je ne parviens pas à dormir. Il y a toujours une chose qui me rappelle que tout ne va pas au mieux, et que je me sens si mal chaque fois que je le regarde dans les yeux. Je m'en veux tellement de le laisser croire qu'il peut me sortir de là, de lui donner constamment de faux espoirs et de voir cette lueur briller au fond de ses yeux comme si enfin, il voyait le bout d'un tunnel trop sombre. Mais je suis incapable de le contredire, de casser son rêve. Je suis incapable de le regarder en face, dans le blanc des yeux et de lui dire la vérité la tête haute. J'peux pas lui faire encore du mal, pas à lui, pas après tout ce qu'il a vécu, pas après tout ce que j'ai vécu. J'peux pas et même si c'était le cas, j'y arriverai pas. Je constate au fil du temps qui s'égrène que chaque personne autour de moi finit par souffrir, comme si elle s'approchait trop de la rose pleine d'épine que je suis.

N'y tenant plus, je me redresse et observe autour de moi. La lune filtre à travers la fenêtre et projette une lumière grise sur le lit, entourant le joli visage de Luke d'un halo brillant. Je me lève et marche  discrètement jusqu'au bureau, le parquet grinçant sous mes pieds nus. J'attrape la chaise et la place sous le velux. Tout en faisant attention à faire le moins de bruit possible, j'ouvre la fenêtre, prend appuie sur le fauteuil et me hisse sur le toit. J'ai peur de le réveiller, mais j'ai besoin de respirer, j'ai l'impression d'étouffer à l'intérieur de cette pièce.

L'air est frais, il doit faire dans les 0°C et le toit est recouvert d'une légère couche de neige. J'inspire et j'expire lentement. Cela me fait du bien sur le moment, mais je sais bien que ce n'est pas vraiment dans la pièce que j'étouffais. C'était dans mon corps, dans ma vie. Dans la personne que je suis.

Les lumières du centre-ville dansent entre les branches des arbres au rythme du vent. Les devantures des boutiques sont toutes parées de guirlandes et de décorations de Noël. Ca flotte dans l'air, toute cette joie, cette ambiance festive. Et ça faisait un bon bout de temps que je ne l'avais pas sentie.

-      Qu'est-ce que tu fais là ?

Je sursaute vivement et me tourne vers la voix qui vient de briser le silence. C'est Luke, enroulé dans une couverture. Je ne pensais pas l'avoir réveillé, mais il a dû sentir la fraicheur de ce 25 décembre s'engouffrer dans la chambre.

Qu'est-ce qu'il est beau, là, debout à mes côtés, fixant le ciel de ses yeux clairs. On dirait presque un dieu. Je ne peux m'empêcher de le dévisager, comme si chaque parcelle de son visage devait rester à tout jamais gravée dans mon esprit.

-      Je regarde les étoiles, je réponds, gênée.

-      Pourquoi ?

Je réfléchi, prise au dépourvue par cette question inattendue. Je veux dire, qu'elle bonne raison pourrait-il y avoir à regarder le ciel ? C'est juste que c'est beau, c'est fabuleux, c'est sans limite.

-      Ça t'est déjà arrivé de vouloir une chose du fond de ton cœur, tout en sachant que c'est parfaitement impossible ? Parce que moi, c'est ce qu'il m'arrive en permanence. Je trouve ça beau, de se dire que l'on ne représente rien, pas même une poussière, dans toute la grandeur de l'infini ? Mais j'aimerais donner une contenance à tout cela. J'voudrais savoir où sont les contours, où ça s'arrête, parce que j'sais que ça s'arrête quelque part. J'voudrais à tout prix savoir à quel point je ne suis rien là-dedans. Et pourtant, j'le saurais jamais.
« J'voudrais voler aussi. C'est totalement fou, mais je rêve de m'jeter d'une falaise et de recommencer encore et encore sans jamais atterrir ni mourir. J'veux ça tout comme des gens veulent être invisibles, ou comme certains souhaitent lire dans les pensées des gens. On sait tous qu'au fond, c'est impossible. Et ça fait mal de le dire. Tu comprends ?

Il baisse les yeux vers moi et me sonde du regard pendant quelques secondes. Il s'assied à côté de moi et passe la couverture autour de moi, me serrant contre lui dans la chaleur de son corps.

-      J'sais pas si je comprends vraiment ce que tu veux me dire. Mais moi, j'ai une peur-panique du vide. Et je viens de réaliser quelque chose que je n'avais jamais remarqué avant toi. En réalité, le vide que je ressens en haut de mon immeuble, c'est le même vide qui nous entoure, le vide que je contemple à ce moment même. Et je n'ai pas peur de ce vide-là. J'ai peur de celui que tu laisseras dans mon cœur si jamais tu partais loin de moi. Tu dis tellement bien les choses, un peu comme si tu vendais ton produit. Mais tout ce que tu vends, c'est du rêve. Du rêve et de l'espoir. Et c'est pour ça que je ne veux pas te lâcher du regard, juste parce que je sais qu'un jour, tout ça, tu l'auras emporté avec toi dans le ciel et que plus jamais je ne le ressentirais.

____________________

Chapitre plus court que les autres , je sais, et je m'en excuse 😕

je me rattraperai sur le prochain, promis 😘

QUE PENSEZ-VOUS DE LA NOUVELLE COUVERTURE ?

Bisous ❤️

365 Jours avant la Mort - [Terminée]Where stories live. Discover now