Chapitre 27 - FIN

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Je prends mes affaires et sors de chez moi, toujours indécise. Honnêtement, je ne sais pas ce que je suis en train de faire.

Je marche, la tête complétement vide, sans pensée, sans sentiment. J'ai arrêté de ressentir des choses depuis longtemps, mais que mon cerveau ne soit rempli que d'air transparent, ça ne m'étais pas arrivé depuis un bail. Depuis sa mort, en fait.

Il fait très froid. Il était mon rayon de soleil et il n'y a plus que de la neige. Glaciale. Blanche. Triste. A l'image de mon cœur.

Mes pieds me mènent jusque chez lui. J'attends que la foudre me frappe, ou bien qu'un arbre me tombe dessus. J'attends un signe, j'attends qu'on fasse le choix à ma place. Je m'avance. Mes jambes tremblent, mais ce n'est pas à cause de la fraicheur de la nuit.

La lumière est allumée à l'étage, mais il ne semble pas y avoir de mouvement à l'intérieur de la pièce.

Je m'avance encore, le bas de mon jean mouillé par la neige.

Je monte sous le porche, et pose mon doigt sur la sonnette. Mais je n'appuie pas.

Il est 23:58.

Il me reste deux minutes. J'ai l'impression que toute ma vie est concentrée dans ces 120 secondes. Je ferme les yeux et derrière mes paupières closes, je revois tout un tas de choses. Je vois le visage de mon Ange, froid et légèrement bleuté, allongé dans sa baignoire. Je me rappelle les yeux de Luke lorsque son regard avait croisé le mien pour la première fois. Et je me rends compte que je le connais par cœur. Je connais son sourire en coin, je connais ses haussements d'épaule et ses froncements de sourcils, je connais sa voix rauque à deux heures du matin et ce geste lorsqu'il passe une main dans ses cheveux, je connais tout.

J'imagine que là-haut, dans sa chambre, il doit devenir fou. A sa place, je n'aurais pas tenu le coup. Les yeux fixés sur la pendule, j'aurais cherché comment arrêter le temps.

J'ouvre les yeux. Je pleure, je renifle, je relève la tête. La lumière est toujours allumée, et il en est de même pour la flamme au fond de mon cœur. Elle pourrait s'éteindre à tout moment.

Il est 23:59.

Chaque fois que je me perdais dans les dédales de mes pensées, mon père me disait ces quelques mots : « Arrête-toi deux minutes, pose-toi et oublie tout le reste. Concentre-toi sur ce qui importe le plus. Suis ton cœur et tu trouveras ton chemin. La vie, c'est pas si dur. »

Je pose mes doigts frais sur mon front et me masse les tempes.

« Oublie tout le reste. »

« Suis ton cœur. »

« Tu trouveras ton chemin. »

Je souffle et écoute mon cœur. Et en effet, il m'indique la route à suivre. Il me hurle des mots, il s'égosille à en perdre ses poumons. Comment n'ai-je pas pu l'entendre avant ?

« Mais qu'est-ce tu fous, putain ? Diana, sérieusement ! Ce pauvre type que tu appelles ton Ange, tu le détestes ! Il t'a abandonnée, il t'a quittée alors qu'il portait tout ton amour en lui. Comment peux-tu ne serait-ce que penser à le rejoindre ? Arrête tes conneries, concentre-toi sur ce qu'il y a devant toi. Je ne te dis pas de l'oublier, mais laisse le partir accepte le fait qu'il ne soit plus là, et vis pour lui fais lui honneur, montre lui ce qu'il manque là-bas. Regarde autour de toi. Tu n'as peut-être plus ton père, ni ton meilleur ami, ni même ta mère, mais tu as Luke. Et tu l'aimes. Alors qui te dit que le paradis n'est pas sur Terre, avec lui ? »

Je prends une grande goulée d'air frais et pose ma tête contre la porte. J'ai été abandonnée par à peu près tout le monde sur cette planète, et je n'infligerai pas ça à Luke. Lui aussi, il a déjà suffisamment souffert.

Il est temps que ça s'arrête, cette machine infernale. Il est temps que les gens soient heureux.

Je veux attendre, encore, toute ma vie même. Je veux que de tous ces 365 jours, je ne me rappelle que de celui-ci. Celui où j'ai pressé mon doigt sur la sonnette de Luke, et qu'il est descendu en courant, le visage ruisselant de larmes, les yeux injectés de sang.

Il était minuit une. Même dans le désespoir j'avais du retard.

Il a ouvert la porte, il m'a vu, et il a pleuré encore plus. J'ai cru que jamais il ne s'arrêterait. Je crois que moi aussi, je pleurais.

Il m'a pris dans ses bras, m'a dit que j'étais folle, et que je ne devais plus jamais lui faire ça.

Alors j'ai pris son visage entre mes mains, et j'ai dit en posant mes lèvres sur les siennes :

– Je t'aime.

Une décharge me secoue et un million de papillons s'envole en moi. Je n'avais jamais ressenti ça. En fait, il y a longtemps que je ne ressentais plus rien.

- Luke, si tu savais à quel point je suis désolée... Je ne savais pas, je ne pensais pas, je ne te remercierais jamais assez, je suis déso...

- Diana. Tais-toi. Promet moi seulement que maintenant, tu ne me quitteras plus jamais. J'ai tellement besoin de toi Diana. Promet le moi.

- Je te le promets.

Je cours à l'intérieur de la maison et fouille les placards. Je saisis un petit stylo noir et enlève le bouchon.

Et sur mon poignet strié de petites cicatrices, je trace un petit zéro. Luke s'approche, sourit et prend le feutre de mes mains, avant de transformer le petit chiffre en un mot. Un seul mot, pour une seule vie.

forever

365 Jours avant la Mort - [Terminée]Tahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon