Chapitre 24

377 53 10
                                    


Je n'ai pas réussi à contenir mes larmes.

Elles sont là, sur mes joues, et elles ne veulent plus s'arrêter.

Qu'est-ce que je fais ?

Où est-ce que je vais ?

Pourquoi est-ce que j'agis comme ça ?

Je voudrais que l'on choisisse pour moi.

Je voudrais ne pas avoir le choix.

Le sommeil me gagne et j'espère que jamais je ne me réveillerais.

✖✖✖

Je sens des mains glisser sous mes genoux et le long de mes épaules. Les brumes d'un sommeil trop court sont encore présentes dans mon esprit.

J'ouvre les yeux, d'abord difficilement, et puis carrément franchement.

– Luke, qu'est-ce que tu fais là ?! je m'écrie en chassant ses mains.

Bon sang ! Même dans un cimetière, il faut que je tombe sur lui !

– Tu vas geler si tu restes dans ce froid.

– Repose-moi sur le sol, immédiatement.

Il ne se fait pas prier et enfouie ses mains dans ses poches. Je me redresse et plonge mes yeux dans les siens.

– Je t'avais dit de rester loin de moi et de ne pas me parler. Tu n'as qu'à attendre cinq jours.

- Ou d'attendre toute une vie ! C'est complètement insensé. Si je ne t'avais pas revue avant tu-sais-quoi, et que tu étais partie, alors comment aurais-je pu te dire tout ce que j'ai à t'annoncer ?

– Tu aurais pu écrire une autre lettre, proposais-je.

– As-tu seulement lu la première ?

J'ignore sa question et croise les bras sur ma poitrine. Je n'ai vraiment pas envie de discuter avec lui. Je suis sûre qu'il a lu ma lettre, et c'est assez gênant de me retrouver face à lui après tous les aveux que je lui ai fait.

– Pourquoi est-ce que tu es là, Luke ?

Cette situation commence à sérieusement me taper sur les nerfs. Pourquoi a-t-il fallu qu'il vienne me parler, alors que tout ce qu'il me faut, c'est l'oublier pour me concentrer sur le choix que j'ai à faire.

– Je sais très bien que tu m'as interdit de te parler, notamment de tes lettres. Mais Diana, est-ce que c'est vrai ?

- De quoi est-ce que tu parles ?

- Tout ça, dit-il en sortant mes lettres de sa poche. Est-ce que c'est vrai que tu n'as jamais su comment engager une conversation, que tu ne veux pas me croire quand je dis que je t'aime et que tu as peur chaque fois que je pose les yeux sur toi ?

Je ne prends même pas la peine de réfléchir. Je ne répondrais à aucune de ses questions.

– Tu n'es pas réellement venu pour me demander ça, je me trompe ?

- Eh bien... Non, soupire-t-il. Tu as conclu toutes tes lettres par la même phrase. Je l'ai même apprise par cœur : "Chaque fois que je respire, c'est comme si l'air que j'inspirais chuchotais en moi des centaines de "je t'aime" qui t'étaient destinés." Alors si je comprends bien, tu m'aimes et tu n'oses pas le dire, c'est ça ?

Mon cœur s'accélère et je sens mes joues rougirent. Je sers les poings et détourne les yeux. C'est trop. Trop de pression, trop d'aveux.

- Ecoute Luke, tu as lu mes lettres et je t'en suis infiniment reconnaissante. Tu sais bien que je ne comprendrais jamais la facilité avec laquelle tu dis « je t'aime ». Je ne suis pas comme ça, je n'y arrive pas. C'est comme une barrière qui bloque ces trois mots avant qu'ils ne sortent de ma bouche...

- Peut-être qu'ils ne sortent pas parce que tu ne m'aimes pas réellement...

Je reste bouche bée. Vient-il vraiment de remettre en cause ce que je lui ai confié ? Comment peut-il d'ailleurs me parler de ce que je lui avais défendu d'exprimer, les yeux dans les yeux ?

– Oh, Luke... Je crois que tu n'as pas vraiment saisi. Je n'ai jamais, ô grand jamais, dit « je t'aime » à quelqu'un, de quelque manière qu'il soit. Tu es le premier à qui j'ose le dire. Je te promets que je t'aime, et je l'ai su au moment même où j'ai réalisé que je ne pensais qu'à toi, tout le temps. T'es comme un pot de colle, si on s'approche trop près, on ne peut plus se détacher de toi. Quand je ne te vois pas, quand je n'entends pas ta voix, il manque une partie de moi et je ne me sens pas vivante. Tu as réussi à faire revivre la partie de mon être qui était morte, et je ne t'en remercierais jamais assez. Mais Luke, je t'en supplie, j'ai juste besoin de ces cinq jours pour réfléchir.

Il hoche la tête, lentement. Puis il ouvre la bouche, la referme, à la manière d'un poisson et passe une main dans ses cheveux.

- Lorsque mon père a fait ses valises, je me suis dit que les adieux ne seraient pas si cruels que ça, et que j'allais bien m'en remettre un jour. Et puis le lendemain, en me réveillant, j'ai trouvé sa place vide autour de la table, et son bureau était silencieux. Alors j'ai su que ça n'avait rien de facile, parce que bien sûr que si, les adieux sont cruels. Regarde-moi, presque douze ans plus tard, ça me hante encore. Je me suis promis que ce serait différent avec Allison. J'ai tout fait, absolument tout, pour ne pas m'attacher, mais lorsqu'elle s'est envolée dans le ciel, il y avait déjà une part de moi en elle.

« Il me reste cinq jours, Diana. Quatre vu l'heure. À toi ou à moi, peu importe. Je ne pensais pas que ce serais dur à ce point, j'étais même persuadé du contraire. Alors laisse-moi te dire une chose. Regarde, aujourd'hui je suis dans cet état-là. Je te laisse imaginer comment je serais lorsqu'il restera dix minutes à attendre pour savoir le verdict. C'est comme un gosse qui se réjouit devant une montre en attendant de fêter la nouvelle année. Sauf que ça n'a plus rien de réjouissant.

« Je vais devenir fou, je vais taper les murs, casser la vaisselle, et je vais pleurer toutes les larmes de mon corps. Je vais hurler ton nom dans la nuit vide, je vais supplier chaque feuille, chaque pierre, chaque étoile, pour que tu ne partes pas. Je vais devenir complétement taré, j'te jure. Je sentirais mon cœur se briser en un milliard de morceaux, et je les verrais s'envoler dans le vent de janvier, comme des fleurs au printemps.

« Je t'aime, Diana. Et j'en deviens fou. Tu comprends ? est-ce que tu comprends, putain ?!

365 Jours avant la Mort - [Terminée]Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora