Chapitre 17

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      Lorsque nous arrivons enfin dans la petite salle aux murs bleu pastel, l'infirmière se précipite sur moi et me fait assoir sur une chaise bancale.

-      Qu'est-ce qui est arrivé ? demande-t-elle, paniquée.

-      Contentez-vous simplement de la soigner, s'il-vous-plaît, répond Luke avant que je n'ai pu ouvrir la bouche.

-      Mais il faudrait des points de sutures ! Je pourrais le faire moi-même, mais ça va faire mal. Et je ne peux pas vous anesthésier alors...

-      S'il-vous-plait, juste un pansement ou quelque chose pour stopper l'hémorragie, je la supplie. 

-      Ne vous inquiétez pas. Je m'en occupe.

Elle se retourne et lance un regard à Luke l'air de dire "j'espère que ce n'est pas de ta faute." Si elle savait à quel point tout est plus compliqué... Je suppose que Luke va essayer de me distraire pour que je ne pense pas à la douleur, mais je n'ai pas vraiment envie de lui parler après le baiser de tout à l'heure. Disons que la situation est plutôt ambigu de mon côté.

-      La dernière fois que je suis allé à l'infirmerie, c'est lorsque Allison s'est faite tabasser par une bande d'abrutis, avoue-t-il, le regard pendu dans le vide.

-      Pourquoi est-ce qu'ils ont fait ça ? je demande timidement, soudain intéressée.

-      J'en sais rien. Je n'aime pas en parler, ça me fou dans une colère sourde.

Je n'insiste pas plus et garde le silence. La façon dont il parle de cette fille laisse à supposer qu'il en était follement amoureux. Peut-être est-ce toujours le cas, d'ailleurs...

-      Ça ne te fait pas mal ? demande-t-il  en fixant mon bras.

-      Non. Tu sais, la douleur et moi, on a appris à vivre ensemble.

Il sourit tristement, comme s'il regrettait ce qu'il m'arrive, et de nouveau, il baisse les yeux sur ma blessure.

-      Eh ! C'est quoi, ces marques sur tes avant-bras ? s'enquit-il en fronçant les sourcils.

J'avale difficilement ma salive et tente de prendre une mine détachée.

-      Ce n'est rien.

Je sens que je le sang me monte aux joues, mais je détourne les yeux pour éviter ses questions. Mes cicatrices sont un point très sensible chez moi. Je n'aime pas en parler, parce que j'en ai un peu honte. Si j'avais su qu'il suffisait de rencontrer Luke pour oublier tous mes soucis, alors je n'aurais jamais fait cela auparavant. J'aurais attendu gentiment qu'il débarque dans ma vie sans trop faire de vagues.

-      Diana, est-ce que tu te mutiles ?

-      Non, non. Arrête maintenant.

-      Alors c'est quoi, ces marques, Diana ?

-      Aucune idée.

Il lève les yeux au ciel et sers les poings. Puis il enfouie ses mains dans ses poches pour que je ne vois pas à quel point il est énervé.

-      Tu te mutiles, et tu ne veux pas me le dire, c'est ça ? Tu me fais croire que tu vas mieux mais ce ne sont que des mensonges ! Tu es une putain de menteuse ! hurle-t-il.

Je me lève de mon siège, si rapidement que l'infirmière agenouillée à mes côtés en perd l'équilibre et se rattrape comme elle peut au meuble à sa droite.

-      Je ne suis pas une menteuse ! je hurle à mon tour. Ce ne sont que de vieilles marques ! C'est du passé, tu entends ? J'ai arrêté depuis !

-      Depuis quoi ? crie-t-il à son tour, aussi fort que moi.

-      Depuis que tu es là !

J'observe attentivement son expression changer et passé de la colère à la tristesse. Pourquoi est-ce qu'il refuse de comprendre qu'il me sauve la vie rien que par sa présence à mes côtés ? Pourquoi est-ce qu'il n'admet pas que je suis dépendante de lui pour tout ce que je lui dois.

-      Je ne suis pas une menteuse, dis-je en détachant chaque syllabe. Et n'essaie même pas de me faire croire que tu es désolé d'avoir dit ça. Je fais encore ce que je veux, Luke.

Il ne répond pas et fixe le bout de ses chaussures, la tête basse.

-      De toute façon, qu'est-ce que tu aurais pu faire ? Dis le moi ! Tu aurais fait quoi si tu l'avais su avant ? Pendant presqu'un an j'étais dans un brouillard constant, je n'avais plus la notion de quoique ce soit autour de moi. J'étais perdue, complètement paumée. Tu n'aurais rien pu faire, tout comme aujourd'hui tu ne peux rien faire !

Il hoche imperceptiblement la tête et se rassoit sur la chaise en fer, silencieux. Je me rassois également et m'excuse auprès de l'infirmière pour ma réaction. Mais bon sang qu'est-ce que c'était agréable de hurler ce qu'il y a au fond de moi. Comme si j'étais enfermée à l'intérieur de moi-même depuis trop longtemps.

-      Je suis désolée, Diana. Ça me rend juste dingue de ne pas avoir vu avant, et de n'avoir rien pu faire. J'aurais aimé que tu me le dises. J'aurais aimé t'aider.

-      Mais c'est ce que tu fais depuis le début. Et puis ça, c'était bien avant toi, je te l'ai dit. Il ne faut pas t'en faire autant pour moi.

Il passe une main sur son visage et me sourit.

-      J'essaie juste de te protéger des dangers de la vie, déclare-t-il d'une voix douce en me lançant un regard dégoulinant de tendresse.

-      Je sais, Luke. Et je t'en remercie.

L'infirmière essuie son front d'un revers de main et se concentre de nouveau. Je ne grimace même pas, je me concentre sur autre chose que le picotement de l'aiguille dans ma peau.

-      C'est pour cela que tu n'as pas mal ? reprend Luke. Parce que tu es habituée à être blessée ?

-      J'ai mal. Mais je ne le montre pas.

Je distingue un éclat de tristesse passé vivement dans son regard, mais sa carapace inébranlable reprend le dessus. Il tord ses doigts et ne petite ride coupe son front en deux.

-      Toi, tu as quelque chose à me demander, dis-je avec un demi-sourire.

-      Oui... Qu'est-ce qui ne va pas, Diana ? En dehors de tout cela, je veux dire.

-      Je suis fatiguée.

Il pouffe de rire et hausse les épaules.

-      Tu n'as qu'à dormir.

-      Tu ne comprends pas. Ce n'est pas ça. Je suis fatiguée de vivre. Je peux dormir autant que je veux, la seule chose qui me reposerai, ce serai une sieste éternelle. Comme la Belle au Bois Dormant.

Il grimace et dépose un baiser sur mon front. Je sais que je lui fais du mal lorsque je dis des choses de la sorte, et pourtant, c'est plus fort que moi, je me sens obligée constamment qu'il échouera. De l'espoir, il y a bien longtemps que je n'en ai plus.

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365 Jours avant la Mort - [Terminée]Where stories live. Discover now