Lettre n°3

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      Diana,

C'est pathétique, n'est-ce pas, de t'écrire une lettre alors que l'on se voit tous les jours ? Mais si tu savais à quel point j'en ai peur de ces jours, de ces quelques pauvres derniers jours qu'il nous reste.

J'ai parlé de ton cas à ma mère, tu ne m'en voudras pas ? Elle semblait jute si inquiète lorsqu'elle t'as vu à Noël, elle disait que tu respirais le malheur. Alors je lui ai expliqué ce que tu t'apprêtais à faire. Elle m'a assuré que c'était du bluff, que tu ne ferais rien de tout ça parce que tu n'étais pas assez courageuse. Mais j'ai un tout autre point de vue qu'elle. Tu n'as pas l'air de mentir lorsque tu dis que tout seras bientôt fini, et même si parfois je pense que tu es complément folle, je sais que tu as beaucoup plus de courage que ce que l'on pourrait croire.

Tous les soirs, je m'endors en espérant de tout mon cœur que ce n'est qu'un cauchemar, et que lorsque je me réveillerai le jour suivant, je te retrouverai rayonnante et en pleine forme psychologique. Mais le lendemain, tu es dans le même état, et tu as l'air tellement brisée que j'ai peur de te toucher, peur que tu ne te casse encore plus, parce que je ne saurais pas recoller les morceaux. Tu me prends pour un héros : si tu savais à quel point j'en suis éloigné...

Si jamais tu changes d'avis, et qu'à défaut de mourir tu t'en vas seulement loin d'ici pour oublier tous ces souvenirs, alors sache que si tu veux que je te rejoigne, tu n'auras qu'à m'appeler, je serais toujours là.

Je n'ai pas les même références musicales que toi, mais je sais que dans une de ses chansons, Lana Del Rey a dit quelque chose comme " if you call for me you know I'll run". Tu sais qu'il en serait de même pour moi. Il suffirait que tu murmures mon prénom dans ton sommeil pour que j'accoure à tes côtés et que je te sauve de tes pires démons.

J'ai entendu un groupe à la radio la dernière fois. Il disait : "I know there are millions of miles in between our hearts / But I will come running for you I don't care how far." Tu vois, tu trouves ça bizarre que je t'aime autant, et tu ne m'en crois même pas réellement capable. Mais l'amour n'existe pas que dans les livres, Diana.

Je ne sais même pas pourquoi je fais ça, pourquoi je rapproche tout à la musique. Toi tu le fais tout le temps, et j'en ai pris l'habitude. D'une certaine manière, je pense que tu as déteint sur moi.

La vérité, c'est que je n'ai pas grand-chose à te dire.

Mais j'ai plutôt des questions à te poser.

Est-ce que tu me vois comme une menace ? Est-ce que pour toi, je ne suis un monstre qui va contre ta volonté ? Parce que si tu me vois comme tel, alors dis-le-moi. Je n'ai jamais, au grand jamais, voulu être une menace pour toi. Je voulais juste être une aide, je voulais juste... Je n'en sais rien.

Lorsqu'Allison est partie, je n'allais vraiment pas bien. C'est normal, me disait-on. Mais j'aurais voulu que ce mal-être et cette tristesse au fond de mon cœur s'envole. Et au bout de quatre mois passés à pleurer et à me lamenter sur mon sort, je me suis dit que je n'étais pas le seul à être brisé, alors j'ai voulu aider les autres. Et les autres, c'était toi.

J'ai lu dans un livre que tu ne peux pas combler le vide par l'objet qui a créé le vide. Au début, je n'ai pas compris. Et puis, petit à petit, j'ai commencé à tourner et retourner la phrase dans ma tête et j'ai trouvé un sens à ces mots. Si une personne part, son retour n'annulera pas son départ. Autrement dit, ce n'est pas parce qu'elle revient dans ta vie qu'elle comblera le vide qu'elle y a laissé. Il manquera toujours cette petite partie de toi, et tu ne l'as retrouvera probablement jamais, où que tu aille. Alors tu peux courir autant que tu veux, jusqu'où tu veux, tu ne l'a rattrapera jamais, elle est déjà trop loin, cette partie manquante.

Je ne sais pas vraiment où je veux en venir. Peut-être qu'en te disant cela, je voulais te faire comprendre ce que j'ai compris : même si Allison a laissé un immense vide, tu en laisseras un aussi, et j'ai peur qu'à force de me vider de toutes les personnes que j'aime, je cesse tout simplement d'être quelque chose. Tu penses que c'est possible ?

Peut-être aussi que je voulais que tu comprennes que tu ne retrouveras jamais ton Ange. Je te l'ai déjà dit, enfin j'ai essayé. La dernière fois, j'ai énoncé le fait que, peut-être, il ne t'attendait pas là-haut, et que peut-être, il t'avait remplacée depuis tout ce temps. Tu t'es mise en colère, parce que tu avais le sentiment que je détruisais tes rêves. C'est surement vrai, au fond. Je dis que je respecte tes choix, mais je ne les approuverais pour rien au monde. Alors parfois, je tente de te décourager pour que tu restes encore.

Et aujourd'hui, lorsque je t'ai dit qu'il était perdu à jamais, qu'il t'avait oublié, et que, bien sûr, c'était peine perdue, j'ai cru que tu me détestais. J'ai vu passer dans ton regard quelque chose de noir, peut-être tes démons intérieurs, je ne sais pas. Mais ça m'a fait peur, j'te le jure, ça m'a foutu une sacrée trouille. Je crois qu'à ce moment-là, c'était vraiment l'intérieur de toi que j'entrevoyais.

Imagine Dragons chantent : "When you feel my heat / Look into my eyes / It's where my demons hide / Don't get too close / It's dark inside". Je m'étais surement approché trop près.

Quand on y réfléchi bien, une personne t'attend de chaque côté. Alors ton choix, ce n'est pas vraiment de choisir entre la vie et la mort. C'et de choisir entre ton Ange et moi.

J'ai l'impression d'être fou à l'intérieur de moi. Parfois, il me semble que tu m'es reconnaissante pour ce que je fais, pour essayer de t'ouvrir les yeux. On dirait que t'es un peu perdue et que tu marches dans ta vie sans vraiment savoir où tu vas. Tu te dis que ça te mèneras là où ça te mèneras, et que peu importe où, ça te conviendra.

Je dis souvent en avoir marre de ce rôle de sauveteur, mais j'aime être à tes côtés. Ce qui me déplaît, c'est de devoir jouer le rôle du méchant. Parce que je déteste ça.

Un jour, j'étais dans un parc, et j'ai marché sur les doigts d'un petit garçon. Il a à peine bronché, mais c'est moi qui ai pleuré. Je ne sais plus vraiment pourquoi, mais je crois que je m'en voulais d'avoir blessé un enfant plus petit que moi.

Et à partir de ce jour, mon père a cru que j'étais fou parce que j'avais une âme sensible, et il est partit à l'autre bout du monde. Il disait que sa famille souffrait de déficience mentale, et qu'il fallait nous envoyer en asile. Il ne nous supportait plus, c'était juste un prétexte pour refaire sa vie.

Ça m'a détruit, parce que j'ai toujours pensé que j'étais l'unique responsable. Que si je n'avais pas marché sur les doigts de ce gosse, alors j'aurais encore un père. Et ma mère a beau me répéter que je n'y suis pour rien, je sais que j'ai ma part de responsabilité dans la chose. Ça m'a traumatisé, cette histoire. C'est peut-être peu, pour un traumatisme, mais c'est la raison pour laquelle je prends soin de toi : je refuse que tu partes en pensant que je suis fou.

Je ne suis fou que de toi. 

Luke.

PS : rappelle-toi que l'espoir de ma vie, c'est toi


365 Jours avant la Mort - [Terminée]Where stories live. Discover now