4 - MIRABELLE (✔️)

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Elle dévalait quatre à quatre les marches, concentrée pour ne pas trébucher sur l'ourlet de sa robe.

Derrière elle, un martèlement de pas lui arracha un grognement. Que fichait cet idiot dans le passage au juste ? Un complice du criminel ? Elle resongea à son air nerveux sur sa charrette. Peut-être.

Elle repassa l'enchaînement des évènements. Son entrée dans le bureau du haut mage, le cri poussé par ce dernier et cette silhouette noire, visage dissimulé, dressée au-dessus de lui. Comment cet intrus avait-il pu tromper la vigilance de la garde ?

Le livreur de vin a bien échappé à la tienne, se moqua une petite voix intérieure.

Elle devait rattraper l'assassin avant qu'il ne quitte le palais. Elle sauta d'un bond les dernières marches et se précipita dans les caves. Un mouvement attira son regard dans une galerie. Une cape noire. Elle ne perdit pas une seconde à réfléchir.

— Attendez ! lança une voix essoufflée derrière elle.

Elle leva les yeux au ciel. Hors de question d'être retardée dans un moment aussi crucial. Sans ralentir, elle traversa les caves et escalada la volée de marche par lesquelles l'assassin venait de disparaître... pour déboucher dans les cuisines.

Un commis ahuri lui barrait le chemin, une oie déplumée dans chaque main. Elle le repoussa brutalement et renversa au passage une pile de casseroles de cuivre qui produisirent un vacarme de tous les diables. Elle s'apprêtait à contourner cette pagaille quand soufflant comme un bœuf, le livreur sur ses talons attrapa son bras.

— Je... a... attendez... il...

Elle se dégagea avec une torsion du poignet et un sifflement de contrariété.

— Lâchez-moi !

Bousculant un maître-queux rougeaud elle se fraya un chemin à travers les fourneaux, évitant de justesse les ustensiles en métal que les marmitons agitaient avec des cris effrayés.

Une aide de cuisine paniquée trébucha et une saucière pleine répandit son contenu sur le carrelage. Elle sauta par-dessus la mare crémeuse et se précipita à l'extérieur.

La cour demeurait déserte. Était-il parti par la rue ou s'était-il dirigé vers les écuries ? Un juron siffla entre ses lèvres.

Dos courbé, une main agrippée à ses côtes, le livreur s'arrêta à quelques pas pour reprendre son souffle.

— Vous courrez drôlement vite pour une...

La colère remplaça en un éclair la frustration. Elle fit volte-face.

— Que fabriquiez-vous là-haut ? exigea-t-elle d'une voix glaciale.

Le jeune homme se redressa lentement, aspirant à grande goulée l'air qui chuintait dans sa gorge. On aurait dit un cheval asthmatique tout juste bon pour l'abatage. Mirabelle le contempla sans rien masquer de son mépris. Ses doigts s'agitèrent et la magie s'enroula autour des jambes du livreur pour lui couper toute possibilité de retraite.

— Connaissiez-vous le meurtrier et ses projets ?

— Bien sûr que non ! Lâchez-moi !

— Menteur ! Vous avez facilité son évasion et cherché à me retarder.

— Puisque je vous jure que j'ignore tout de cet homme !

— Alors, expliquez-moi votre présence en plein cœur du palais à quelques pas d'une scène de crime ?

Il sursauta et tenta de reculer, mais la magie de Mirabelle l'en empêcha. Son front se plissa.

— Je suis venu livrer la marchandise de mon frère, c'est tout. Et puis c'est vous qui m'avez retenu ici je vous rappelle !

Les Accords ÉlectriquesWhere stories live. Discover now