7 - ANTOINE (2/2) (✔️)

17 4 0
                                    

Avec un long soupir, il se glissa dans sa chambre et laissa ses yeux s'habituer à l'obscurité. Seule une mince lueur filtrait des rideaux, et dessinait à peine les contours des piles de livres et du mobilier. À tâtons, il s'orienta jusqu'à la table de chevet et en tira une chandelle qu'il alluma. Puis, il ouvrit la lourde armoire pour en extirper une chemise, un veston et une redingote propres qu'il se dépêcha d'enfiler. Du revers du pied, il cacha ses affaires maculées de vin et de boue sous la vieille penderie.

Ensuite, armé de sa bougie vacillante, il se mit à fouiller les feuillets qui tapissaient le sol, les élevant vers la flamme pour tenter d'y voir plus clair, les yeux plissés. L'un d'eux capta enfin son attention, abandonné sous le lit entre les moutons de poussière, juste à côté d'une boîte minuscule. Il souffla sur l'écrin pour la débarrasser de la fine pellicule qui s'y était accumulée et lissa du plat de la main le papier.

Les lignes d'encre et de graphites, tracées d'une main sûre, restaient telles que dans son souvenir. Les formules soignées, les calculs précis. Tout était là.

Il replia ses notes et les glissa avec le coffret dans la poche de sa veste. Son regard accrocha une flasque en cuivre qui traînait au pied du lit. Il en renifla le goulot.

Rhum.

Il renversa la tête et en avala cul sec le contenu. L'alcool se répandit sur son palais comme un nectar bienfaiteur. Les accords de bois et de vanille réchauffèrent sa langue. La boisson nettoya la panique des dernières heures. Elle lui donnait un peu de courage et vivifiait son corps transi par l'orage.

Il embrassa du regard la chambre et porta la main à sa médaille de baptême.

Les livres empilés, les croquis et diagrammes qui s'accumulaient en un fouillis indiscernable, sa plume d'acier offerte par son père... Il mémorisa chaque détail de la pièce. Peut-être pour la dernière fois, songea-t-il sombrement.

Il s'arracha aux idées noires qui enlaçaient ses pensées. Il reviendrait, quand les choses se seraient tassées, voilà tout. D'ici quelques mois, un an ou deux peut-être, tout au plus.

En sortant, il bouscula une petite silhouette postée juste derrière la porte.

Avec sa chemise de nuit blanche, et ses grands yeux gris et humides, elle ressemblait à un fantôme. Il sursauta.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? murmura-t-elle.

— Louise ! Tu devrais être au lit, chuchota-t-il.

— Tu t'en vas ?

Il jeta un regard anxieux aux alentours.

— Je reviens vite, ne t'inquiète pas. Tu devrais retourner te coucher.

Elle serra les poings, peu convaincue.

— Pourquoi ?

Il soupira.

— C'est compliqué.

— C'est à cause des magiciens ? C'est ma faute ?

Antoine tressaillit et s'accroupit pour se mettre à sa hauteur.

— Ça n'a rien à voir, je te le promets, dit-il d'une voix adoucie. Tu sais ce que tu dois faire s'ils reviennent, n'est-ce pas ?

— Rester dans ma chambre, sans faire de bruit.

— C'est ça.

Il étreignit la fillette et cette dernière enfouit son nez dans son cou.

— File. Si ta mère t'aperçoit, nous allons avoir des ennuis...

Les Accords ÉlectriquesDove le storie prendono vita. Scoprilo ora