CHAPITRE DEUX

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Pouvez-vous mettre un message si vous voyez cette note? C'est pour vérifier que vous voyez le bon chapitre et pas l'ancien.

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Ce n'est qu'un rêve, et dans celui-ci, quelques événements de ces dernières semaines lui reviennent en mémoire. C'est le soir. C'est le début de l'hiver.  Elle est enveloppée de son manteau noir criblé de trous et est couverte d'haillons. Elle marche, pieds nus. Ses mains transies de froid effacent quelques larmes. Elle quitte l'orphelinat de Bordesley Green. Elle a été expulsée par les propriétaires. L'espace d'un instant, elle croit être en plein cauchemar et elle se mord la lèvre puis l'attaque de la bête lui revient en mémoire. Elle regarde alors autour d'elle. Gauche et droite ne semblent plus avoir de sens, à présent. Elle prend un chemin sans vraiment réfléchir et arrive jusqu'au cimetière

Lorsqu'elle y parvient, elle ère un peu entre les tombes. Soudain, elle ressent des secousses venant de la terre. Elle lâche un cri puis lève la tête. Elle regarde autour d'elle. La plupart des tombes se fendent par le milieu et les croix volent en éclats.

Elle s'apprête à partir du cimetière. C'est alors qu'un énorme trou se forme à ses pieds. Elle tombe. Elle pousse un cri.

Elle ne s'écrase pas. Elle n'est pas morte. Elle est vivante et elle flotte. Un halo de lumière pourpre l'entoure. Lucy ne comprend pas et elle se met à penser qu'il s'agit de l'Enfer ou de quelque chose comme ça... C'est alors que surgissent dix êtres nimbés d'une forte lumière dorée. Ils flottent dans l'espace eux aussi et fixent l'adolescente. Certains avec tristesse, d'autres avec mépris. Lucy observe ces êtres puis elle murmure :

- Vous êtes les créatures de l'orphelinat... N'est-ce pas?

Ils ne répondent pas. Il y a une grande tristesse sur leurs visages.

- Répondez-moi, dit-elle. Qui êtes-vous et pourquoi avez-vous attaqué mon orphelinat?

Ils n'ouvrent pas la bouche. Ils tendent leurs bras vers elle. Elle a un mouvement de recul. Elle s'écrie :

- Ne me touchez pas !

Lucy continue en haussant la voix :

- Répondez-moi ! Pourquoi? Pourquoi avez-vous attaqué mon orphelinat? Pourquoi vous ne voulez pas me laisser tranquille? Laissez-moi! J'ai été expulsé à cause de vous... Ma vie est un enfer à cause de vous...

Elle s'apprête à rajouter d'autres mots mais les créatures disparaissent. Il n'y a qu'elle à présent.

L'adolescente s'éveille, en sursaut. Elle est dans la chambre, assise en face du bureau. Sa chevelure blonde s'affale sur la table et sa main droite soutient son front. Avant de s'assoupir, elle lisait un livre qu'elle avait trouvé dans l'un des tiroirs du bureau. Elle inspire profondément comme pour se calmer puis elle reprend sa lecture. Elle est au chapitre neuf. Elle ne peut arrêter sa lecture parce que selon elle, ce livre est incroyable. C'est l'histoire d'un homme qui quitte son pays pour aller au cœur d'une forêt où des chats parlent et volent. Un endroit où les hommes sont gentils, respectueux et aimables. Un monde où chaque jour n'est que pur bonheur. Les yeux de l'adolescente cheminent le long des lignes. Elle s'imagine dans cette terre joyeuse.

Soudain, quelqu'un frappe à la porte. C'est le musicien. Il ouvre doucement la porte puis il s'avance vers elle avec une tasse de thé à la main et un sourire sur le visage pour paraître sympathique. Mais lorsqu'il remarque le livre sur le bureau, ses yeux s'écarquillent et son expression tourne à l'effroi.

- Où est-ce que tu as trouvé ça? Demande-t-il en posant la tasse sur la table.

- Là, dit-elle en pointant du doigt l'un des tiroirs du bureau.

Le musicien n'est pas bien. Son cœur se serre et il commence à avoir la boule au ventre. Il songe un instant à une multitude de souvenirs.

- Monsieur ?

Il répond un Oui d'un air distant. Sa voix est comme un murmure. Il se met à inspirer profondément pour reprendre son calme et essayer de cacher son trouble. Règne à présent dans la chambre un certain malaise. Le silence est complet. Le musicien regarde à travers ses yeux noirs qui pétillent.

- Monsieur, commence Lucy pour briser la gêne d'un silence trop long. Pourquoi êtes-vous dans un tel état? Vous n'allez pas bien?

Il ne répond pas. Il quitte la pièce en claquant la porte après avoir lâché deux, trois jurons. Il descend à l'arrière de son atelier dans la pièce hors-poussière. Sa dernière née, couverte d'une première couche de vernis, trône au centre de la pièce. Ce qu'il aime faire pour se calmer, lorsqu'il en a besoin, c'est se pencher sur le résultat et regarder les teintes du bois qui se sont allumées. Il observe. Il songe à nouveau. A son frère, au livre, à l'hôpital, au feu dans le grenier et aux mauvaises choses. Il baisse la tête et se met à fixer son poignet droit, couvert de plusieurs cicatrices et remonte la tête vers « l'œuvre d'art » qui est devant lui.

Il regarde un long moment sa nouvelle guitare couverte d'une première couche de vernis. Jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus. Il remonte ensuite vers son salon. L'air distrait, il allume la télévision. C'est rare qu'il la regarde. Il n'aime pas ça. D'après lui, c'est déprimant de l'entendre gargouiller des nouvelles toujours mauvaises et ça rend idiot de l'entendre gargouiller des mots dits par quelques imbéciles heureux. Mais pour une fois, il la regarde. Il la regarde jusqu'à s'assoupir. Le temps passe.

Lorsqu'il se réveille, c'est le soir. C'est la nuit. Il baille puis se lève. Il se déplace jusqu'à sa chambre et à son grand étonnement, elle est vide. Il fronce les sourcils. De l'adolescente, il n'y a aucune trace ni dans la chambre ni dans les autres pièces. Où est-elle? Il remarque aussi qu'il n'y a pas le fameux livre sur le bureau. Mais ça, il ne s'en préoccupe pas vraiment.
Il cherche encore et il finit par atterrir sur le palier de la porte d'entrée.Le musicien ouvre la porte et sa curiosité s'accroit lorsqu'il voit, dans la neige, l'empreinte d'un pied nu. L'empreinte de son pied.

Il tourne la tête, les rues sont désertes. Soudain, la terre tremble. Il tombe au sol. La panique et l'incompréhension déforment les traits de son visage. Lorsque les premières secousses s'arrêtent, il bondit -sans réfléchir- sur les premiers vêtements chauds qu'il trouve et enfile ses bottes avant de sortir chez lui. Il s'apprête à partir vers le sud lorsqu'il remarque une lumière dorée, au nord de la rue. La meilleure des solutions est de se mettre à l'abri, pense-t-il. Mais curieusement, son sixième sens lui hurle de foncer vers cette lumière. Il hésite quelques instants puis il inspire profondément. Il commence ensuite sa course en direction du nord.

L'étoile brûlante.Where stories live. Discover now