CHAPITRE TRENTE-CINQ

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- Bonsoir, Guildarts.

Il garde le silence pendant quelques instants avant de se retourner.

- Bonsoir, maître.

Le salut de Guildarts paraît aussi sincère au maître qu'à l'accoutumée; mais il manque singulièrement de chaleur. Des cernes sombres soulignent ses paupières rougies. Soit il s'est assis trop près de son feu improvisé; soit il était en train de pleurer. Or, le maître sait – est convaincu que Guildarts ne pleure plus. Même lorsqu'il est debout, tout seul, devant la tombe de sa fille. Il a surmonté son deuil depuis longtemps : ces rougeurs ne sont certainement que la cause du feu.

- Le couvre-feu est passé depuis longtemps, Guildarts... Il faudrait que tu ailles te coucher.

Le maître garde ensuite le silence et observe Guildarts passer une main calleuse dans ses cheveux bruns. Des mèches rousses strient sa chevelure, et son visage creux, souligné par sa barbe brune, affiche une grande tristesse mélancolique.

- Oui, bien-sûr, dit-il. Pardonnez-moi, maître. J'avais juste besoin de passer voir la tombe avant de dormir...

Le maître esquisse un tendre sourire et lève la tête bien haut pour plonger son regard doux dans celui de son compagnon.

- Ne t'en fais pas, je comprends. J'étais simplement inquiet pour toi; ça me rassurerait plus de te voir respecter le couvre-feu.

Earthland comporte quatre règles principales – parmi lesquelles un couvre-feu de vingt-et-une heures trente à sept heures du matin qui a été décrété par le maître. Toute personne avec des pouvoirs magiques est alors priée de rester à l'intérieur du dôme de protection magique, créé par le maître pour protéger tous les membres de la communauté. C'est la règle; elle doit être respectée par tous. Et le maître compte bien le rappeler à son compagnon. Son visage prend un air triste et pensif.

- Je sais bien que ce n'est pas simple pour vous tous, mais c'est notre seule solution pour rester en sécurité. Le monde extérieur est trop dangereux pour nous, Guildarts, c'est pour ça que nous vivons cachés, tu le sais bien...

Il marque une pause et reprend avec une voix étrange. Comme avec une colère sourde coincée dans la gorge :

- Ce sont des gens du monde extérieur qui nous pris Kana. Ce sont à cause d'eux qu'elle est morte; et je ne veux pas qu'un autre membre de ma famille connaisse le même sort.

Guildarts hoche tristement la tête tout en gardant les yeux fixés sur le maître. Après un court silence, ce dernier déclare formellement :

- Sa mort ne sera pas impunie, mon ami. Nous la vengerons.

Le brun réhausse son sourire triste. La vengeance... Il répète ce mot dans sa tête comme pour le savourer entièrement. A la mort de sa fille, l'idée s'était insinué petit à petit dans son esprit, avait fait son chemin, avait grandi, et avait commencé à guider ses choix. S'il est devenu médecin à Earthland, ce n'est que pour espérer mettre lamain sur les responsables en parcourant le monde, pour sauver les personnes endétresse avec leurs pouvoirs des gens malintentionnés du monde extérieur. Son désir de vengeance dicte sa vie depuis trois ans ; et il ne le quittera que lorsqu'il découvrira la vérité. Il n'aura terminé son deuil que lorsqu'il pourra dire : « j'ai vengé ma fille ». C'est son intime conviction.

- Merci, maître, souffle Guildarts.

Il plonge son regard dans celui du vieillard. Il n'est pas seul. Il a des compagnons auxquels il accorde toute sa confiance. Ils le soutiennent et ils l'aideront à venger sa fille. Quand il relève la tête pour regarder droit devant lui, l'expression de son visage est empreinte d'une immense détermination.

L'étoile brûlante.Where stories live. Discover now