CHAPITRE TRENTE-SEPT

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Il est précisemment vingt-deux heures trente. Le café est à présent vide de tout client, et toute sa chaleur s'en est allée en même temps que les spectateurs. Les fenêtres du bâtiment sont toutes embuées par le froid, et, frigorifiés, les trois seuls occupants des lieux tentent tant bien que mal de se réchauffer.

Habituellement, dans cette situation, Natsu aurait choisi de prendre une douche avant de se fourrer directement au lit. Mais, ce soir, au lieu de ça, il attend, en arpentant sa chambre fraîche tandis que les paroles de Léon s'imposent à sa mémoire.

« Max et moi avons beaucoup de choses à te raconter ». Mais quoi, quelles choses ? En un an, les deux italiens ont toujours été évasifs chaque fois qu'il tentait d'avoir des informations sur Earthland. Il n'en connaît pas la raison, mais ils avaient été très clairs sur le fait qu'ils en parleraient « en temps et en heure », chose qu'il a été contraint de respecter. Et maintenant, voilà qu'ils veulent enfin lui en parler ! Enfin ! Il ne tient plus en place ; son émotion est bien trop grande. Enfin il sent qu'il se rapproche de son but, qu'Earthland devient de plus en plus accessible. Son impatiente est grande. Il n'a plus qu'à attendre que Léon finisse de fermer le café et monte à l'étage.

- Tu peux arrêter de bouger comme ça ? Tu me donnes froid. Ça m'énerve.

Natsu s'arrête et se tourne vers Max comme s'il avait oublié sa présence dans sa chambre. Grelottant, les genoux ramenés contre sa poitrine, il est assis en tailleur sur son lit, entouré par une grosse couette blanche.

- Désolé...

Natsu rejoint son camarade frileux, s'assied à côté de lui, puis il s'allume une cigarette pour se tenir chaud. Max le regarde faire en silence, le regard droit, l'air absorbé par la minuscule flamme du briquet.

- Passe-moi en une.

Natsu semble surpris. Il lui donne tout de même son paquet et son briquet.

- Je savais pas que tu fumais, Max...

- Ça m'arrive, dit-il en haussant légèrement les épaules. Pas aussi souvent que toi, mais de temps en temps.

Un long soupir gonfle sa poitrine.

- Surtout quand je suis de mauvaise humeur.

Il sort une cigarette fébrilement, fait jaillir une petite flamme du briquet et tire une bouffée de tabac. Il balance ensuite négligemment le paquet et le briquet sur le lit du musicien. Ce dernier ne fait aucun commentaire. Il pense simplement que sa dispute avec Erza l'a rendu ronchon.

- Tu maîtrises le feu avec tes pouvoirs, non ? demande-t-il. Alors pourquoi tu les utilises pas, pour nous réchauffer ?

Un court silence s'installe avant que Natsu ne dise :

- Parce que. Je n'aime pas ça.

Le silence revient. Pendant cet instant, le musicien pense tristement à sa mère, morte par sa faute. Le souvenir de la nuit de sa mort le rend incapable d'utiliser ses pouvoirs autrement que dans une situation d'urgence. Et c'est déjà bien assez. Dix-sept ans après, il se souvient encore très clairement de sa mort. Elle le hante à chaque fois, comme un cauchemar bien trop horrible pour qu'il en oublie le moindre détail.

Et le pire dans cette triste histoire, c'est qu'il n'a jamais voulu de tout ça ! Il ne voulait pas les tuer ! Oui, à l'époque, il voulait que son beau-père et sa mère disparaissent du grenier, mais rien d'autre. Tout ça est arrivé parce qu'il ne maîtrisait pas ses pouvoirs. Sous le coup de la colère, ses pouvoirs s'étaient déclenchés et ont commencé à imposer sa loi sans qu'il ne comprenne réellement la situation. Et depuis, le voilà malade de terreur, incapable d'utiliser cette magie qu'il n'a jamais voulu. Et si jamais il perdait encore le contrôle ? Et si une autre situation comme ça se reproduisait par sa faute ? C'est plus fort que lui : ces questions le tenaillent et l'empêchent d'être libre.

L'étoile brûlante.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant