CHAPITRE TRENTE

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Début Avril 1952. Alors que le printemps fleurissait sur l'Angleterre toute entière, la peur s'installait dans le cœur de Laïla, comme une longue et douloureuse maladie... Chaque geste de sa fille adorée la rendait de plus ou plus anxieuse au fur et à mesure des jours qui passaient ; chaque nouvelle nuit la terrifiait tant elle avait peur que les pouvoirs de sa fille se manifestent pendant son sommeil.

Quoi qu'elle fasse dans sa petite maison, avec sa fille, tout ramenait ses pensées vers cette fameuse après-midi de fin Mars 1952 ; car ce souvenir était trop profondément ancré en elle pour être effacé : il lui suffisait de regarder sa fille dormir ou de poser le pied dans sa chambre pour que tout s'impose à son esprit. Et à chaque fois que ces sombres évènements occupaient ses pensées, elle revoyait le visage, le regard de ce terrible et terrifiant monstre.

Cette après-midi avait tout changé. Quelque chose avait été irrémédiablement brisé entre elle et son enfant. Quelque chose que Laïla refusait de nommer. Elle refusait de croire qu'elle commençait à avoir peur de sa fille. Cette simple pensée la rendait malade. Elle ne pouvait avoir peur ! C'est quand même son enfant...

C'est ce qu'elle se répéta encore et encore pendant des jours tout en diminuant peu à peu les interactions avec sa fille après chaque nouvelle apparition de Taurus. Et au fur et à mesure que la peur grandit, Laïla, petit à petit, s'enfonça dans le déni, persuadée d'avoir encore un semblant d'amour pour cet enfant qu'elle cherchait pourtant à éviter comme la plus terrible des maladies.

- Maman ?

La porte de sa chambre fit un bruit grinçant en s'ouvrant et Laïla tourna lentement sa tête vers sa fille. Elle lui répondit doucement :

- Oui... mon trésor ?

Elle ne sourit pas. Elle observa simplement son enfant s'avancer précautionneusement vers elle avec une feuille, un livre, et une petite clé dorée entre les mains.

- J'ai fait un dessin... dit la fillette timidement. Je peux te le montrer ?

L'ambiance était si lourde dans cette chambre toute blanche, quasi-monacale, où Laïla était enfermée depuis le midi que même la fillette en était un peu mal.

- Oui, prononça sa mère. Viens...

Le mal de l'enfant disparut en un éclair. Elle fit un hochement de tête qu'elle accompagna d'un sourire avant de s'avancer vers sa mère, toujours avec toutes ses affaires aux mains. Cette dernière faillit presque lâcher un sourire devant la joie de la fillette. Mais l'ombre de ce rictus sincère disparut aussitôt qu'elle commença à contempler le dessin...

- Regarde ! débuta la petite artiste avant de pointer une silhouette de son œuvre. Ça, c'est toi, et ça, c'est moi, et on cueille des fleurs parce que t'es plus malade !

La maladie... C'était la seule parade qu'avait trouvée Laïla pour expliquer son état et son comportement à sa fille. Qu'aurait-elle pu dire d'autre ? « Tu me fais peur » ? C'était absolument hors de question. Elle était persuadée d'encore l'aimer.

Son aspect pauvre et triste rendait en outre son mensonge parfaitement crédible : elle était pâle, le regard terne, l'air lasse, et vraiment un peu malade. Toute sa beauté avait disparue.

- Et ça, la chose à côté, c'est quoi ? demanda Laïla en pointant du regard l'étrange animal du dessin.

La petite observa un court instant son dessin sans rien dire avant de répondre calmement à sa Maman :

- Je sais pas. Il est souvent dans mes rêves mais je sais pas qui c'est.

Aussitôt que sa fille eût finie sa phrase, et à la vue de cette troisième entité, Laïla se sentit parcourue d'un brusque frisson, long et glacé, qui ne devait rien à au froid de la pièce ou à l'humidité. Cette taille... Cette carrure... Cette tête d'animal... Tout en cette monstruosité dessinée lui rappelle Taurus et cette maudite après-midi. Elle se remet alors à penser à ces horribles évènements quelques instants avant de reprendre ses esprits, lorsque sa fille posa sa petite main sur son bras droit.

- Maman... Tu vas bien ? demanda-t-elle d'une petite voix, l'air inquiète.

Il était évident qu'elle ne se sentait pas bien. Mais Laïla ne savait pas comment l'expliquer... Elle lui répondit alors simplement, d'une voix plutôt faible.

- Oui, je vais bien, trésor... J'ai simplement besoin d'un peu de repos.

Elle contempla ensuite sa chère fille. Elle était belle. Même avec son air déconfit. Ses beaux cheveux blonds lui descendaient jusqu'à ses frêles épaules tremblantes. Des larmes jaillissaient de ses yeux noisette, baissés vers le sol, et commençaient à tomber sur sa petite robe rose et blanche. C'était Lucy à ses six ans et elle était belle.

- Je peux avoir un câlin ?

La petite demanda cela d'une voix si triste que sa mère céda. Elle étendit alors doucement ses bras et Lucy s'élança d'un seul bond contre son cœur, entourant sa Maman de ses petits bras. Sa mère hésita un instant avant de serrer sa fille contre elle. On n'entendait aucun bruit sinon les quelques reniflements de Lucy.

- Ne pleure pas, murmura sa mère en glissant sa main gauche sous le voile de ses cheveux et en papillonnant ses doigts sur son dos. Je vais guérir, un jour, tu verras, dit-elle ensuite pour apaiser sa souffrance.

La fillette hocha la tête, mais sans s'arrêter de pleurer pour autant.

- Tout ira bien, ma fille, souffla-t-elle ensuite, presque machinalement... Tout ira bien, tu verras...

Comme une coquille vide, perdue face à cette situation, Laïla, tout doucement, continua de caresser le dos de sa fille, impuissante et ne sachant comment calmer cette âme en peine autrement. Sa fille, son unique fille... Lucy... Il a fallu que ce soit sur elle qu'une telle infâmie arrive... La situation dépassait complètement Laïla... Seule, que pouvait-elle faire face à ces évènements qu'elle ne comprenait pas ?

Peu à peu, les pleurs de Lucy se tarirent et se changèrent en ronflements. Fatiguée, elle avait fini par s'assoupir.

Sa mère la contempla un court instant avant de reprendre ses esprits. Se souvenant des mauvais évènements, elle la repoussa alors brusquement et se redressa d'un bond. Mais cela ne réveilla pas son enfant. Elle l'observa alors à nouveau en même temps qu'une vague de tristesse remonta son échine, menaçant de l'engloutir.

Dans l'incapacité de prononcer le moindre son, la gorge serrée par des émotions contradictoires, elle sentit à son tour ses yeux se remplir de larmes. Cela faisait une éternité qu'elle n'avait pas pris Lucy dans ses bras, que la peur prenait le dessus sur sa tristesse.

Mais, soudainement impuissante à la retenir, assise sur son lit, face à sa fille endormie, elle laissa échapper un violent sanglot. Juste un seul. Puis s'essuyant les yeux, elle se força de se détourner de sa fille.

C'est alors que son regard fut soudain attiré par un livre et une clé dorée, disposés sur sa couverture... Etonnement calme, Laïla se souvint alors que c'est le monstre qui avait fait tombé ces objets, dans la chambre de Lucy. Doucement, dictée par son instinct, elle prit alors la clé et le livre. Elle les observa un moment, et, mue par la curiosité, elle ouvrit ce petit livre noir.


















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Coucou. Après trois mois d'absence (si ce n'est plus), me revoilà avec le chapitre 30. Pour être honnête, il n'est pas comme je l'avais prévu de base mais je n'avais pas vraiment d'idées précises pour cette partie-là donc je suis partie en impro. Comme le chapitre précédent, ce chapitre ne se focalise pas tant sur Lucy, mais plus sur Laïla et la façon dont elle a vécu les évènements.

Le chapitre se termine sur Laïla qui s'apprête à lire un bouquin. Ca ne vous rappelle rien ? (vous êtes autorisés à me dire que le coup du bouquin est trop répétitif dans cette histoire). Rassurez-vous : ça ne se terminera pas de la même façon que Natsu.

- Que pensez-vous découvrir dans ce livre ?

- Votre avis sur le chapitre ? Sur Laïla ?

- Sur ce mini-arc de flash-backs ?

Des bisous ! Promis, je tenterai de faire en sorte que le prochain chapitre n'arrive pas dans trois mois.

L'étoile brûlante.Where stories live. Discover now