CHAPITRE TRENTE-HUIT

351 25 46
                                    

Au commencement était les Navigli di Milano et le café.

Ce n'est pas là où il fut conçu, ni quoi que ce soit du même genre (il avait dix-huit ans à cette époque), c'est plutôt là où ces soucis ont commencé, où son bonheur s'est effondré comme un château de cartes : en peu de temps et de façon inattendue. Il aurait été possible de choisir une autre période pour raconter cette triste histoire ; mais elles ne revêtent que si peu d'intérêt qu'il est préférable que vous n'en sachez rien, ou alors pas grand-chose.

Au commencement, donc, était les Navigli di Milano et le café. C'est là qu'il se réfugiait pour échapper à sa famille, qui ne comprenait pas son besoin de liberté. Il faut dire que ses parents, tous deux instituteurs dans la belle ville de Milan, lui vantaient les bienfaits des études constamment ; chose qu'il commençait à ne plus supporter. Alors, il fuyait vers les Navigli di Milano et se réfugiait au café. Il ne voulait pas être fonctionnaire ; ni instituteur ou « une merde dans le même genre ». Il voulait être libre. Et tout ça, il le disait à une personne qui voulait bien lui offrir une oreille attentive : Louis. Il avait dix-sept (bien qu'il en faisait plus), travaillait au café de ses parents, mais caressait lui aussi le rêve d'être libre. Il économisait ses pourboires dans un bocal pour pouvoir partir aux Etats-Unis et « faire carrière dans le cinéma ou la boxe ». Il avait ainsi toute la vie devant lui ; des rêves plein la tête et des choses à accomplir...

Mais Max lui a tout pris : son avenir ; ses rêves ; et sa vie. La seule chose que Louis a pu voir à la toute fin, ce n'est pas la statue de la liberté, ni même un ring de boxe. C'est du sable tourbillonnant, tombant sur lui comme une avalanche tombe sur des pauvres innocents perdus dans le Mont-Blanc.

Tout est parti d'une banale dispute qui est allée crescendo. Ce n'était pas dans le café, mais chez Louis, deux ans après leur première rencontre (Max avait vingt ans depuis peu). Louis ne vivait plus chez ses parents ; mais dans un petit appartement avec Max – qui avait coupé tout contact avec sa famille. Il faut dire que celle-ci n'avait pas réagi de la meilleure des façons en apprenant quelle genre de relations unissait leur enfant et ce garçon. Ainsi, ils sont partis tous les deux : direction la Liberté.

La passion qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre était violente : nul doute qu'ils auraient continué ainsi encore longtemps sans cette dispute. Mais le côté cruel de la vie et ses pouvoirs en ont décidé autrement...

Six ans après cette histoire, il est vingt-trois heures. Ou peut-être moins... Ou peut-être plus... En vérité, Max, vingt-six ans, n'en sait trop rien. Assis à califourchon sur une chaise, dans son café sombre, il fixe, sans même prêter attention à la vue, les petits flocons virevolter sous le ciel de plomb. Cela fait trente minutes qu'il est là (ou peut-être plus, qui sait ?), à penser en attendant de trouver le sommeil. Si certaines réflexions concernent sa dispute avec Erza ou sa conversation avec Natsu ; d'autres le ramènent encore plus loin en arrière. Il est sur le point de revivre ces souvenirs quand il se met à sursauter d'un coup.

- Tu ne dors pas ?

Il se retourne furtivement. C'est Léon. Il baille à s'en décrocher la mâchoire tout en s'approchant de son ami.

- Non, je n'ai pas sommeil, répond-t-il dans sa langue maternelle. Et toi, qu'est-ce que tu fais?

- Pipi-room. Tu ne m'as entendu tirer la chasse d'eau, avec le bruit monstre qu'elle fait ?

Max secoue la tête, ce à quoi le trentenaire répond :

- Tu devais vraiment être ailleurs...

Il soupire :

- C'est sûr...

Les deux italiens gardent le silence pendant un court instant, avant que Léon ne demande :

L'étoile brûlante.Where stories live. Discover now