Chapitre 4

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Dans la maison résonnait le chant des oiseaux. Le soleil perçait à travers les vitres. C'est ce qui réveilla Victoire. Dehors tout le monde s'affairait déjà. Les bruits lui parvenaient comme une rumeur. Ouvrir les yeux lui était pénible. Elle aurait bien dormi plus longtemps. La nuit avait été horrible. Dés que Victoire fermait les yeux, elle revoyait les images du crash. Elle s'était rappelé les cris de panique quand les hôtesses avaient annoncé le danger imminent, et les sensations quand l'avion, en chute libre, s'était peu à peu orienté à la verticale. Le choc quand il avait atterri, ou plutôt quand il s'était écrasé, et l'assourdissement qu'elle avait ressenti ensuite, avaient été terribles. Même si la nuit avait été courte, elle ne se rendormit pas. Après s'être levée à grand-peine, elle nota qu'on avait déposé une bassine d'eau et un vêtement devant son lit. Elle se débarbouilla et enfila la robe qu'on lui avait laissée. Le tissu aux couleurs vives racontait comme une histoire avec tous ses motifs. Il lui tombait jusqu'au bas des pieds. Victoire se dit alors qu'elle devait sans doute ressembler à son professeur de philosophie de terminale dans cet accoutrement. Un peu intimidée, elle sortit de la chambre. Une odeur de nourriture se dégageait de la pièce principale. Par l'ouverture de la porte elle remarqua son hôtesse qui tourna aussitôt la tête vers elle. Elle avait l'ouïe fine car Victoire n'avait pourtant pas fait beaucoup de bruit. La femme était assise en tailleur devant l'entrée principale, Victoire ne discernait que ses minces épaules recouvertes de tissus ainsi que son profil. Elle parla fort de l'extérieur pour que Victoire l'entende et la désigna du doigt ainsi que la marmite de nourriture. Après avoir interprété ses paroles, Victoire accomplit donc l'action et remplit deux bols de ce qui ressemblait à du riz. Du moins c'était une céréale pâteuse, cuite à la vapeur et qui avait l'aspect d'une bouillie. Elle en proposa un à la femme, mais celle-ci le refusa. Sa voix se fit plus dure que d'ordinaire et elle exécuta de grands signes avec ses mains. Victoire constata par la même occasion que la femme était en train de fabriquer des paniers avec du bois qu'elle avait dû travailler pour qu'il soit malléable. Après cette protestation, elle se concentra de nouveau sur son travail laissant Victoire dans l'incompréhension. Cette dernière s'assit à table, déposant son bol et celui qui avait été refusé. Elle souffrait de ne pas pouvoir communiquer comme elle le désirait. Sa nature expressive était ici réprimée. Elle, qui aimait tant donner son avis et s'exprimer sur des sujets divers et variés, se voyait frustrée à cause de la barrière culturelle et celle de la langue. Elle mangea à petite bouchée le contenu de son bol. La nourriture n'avait pas beaucoup de goût mais elle remplissait correctement l'estomac. Songeuse, elle se disait qu'elle allait commencer à accomplir l'objectif qu'elle s'était fixée la veille, quand la mère et son fils rentrèrent tous les deux. Ils parlèrent brièvement entre eux puis la regardèrent. La femme s'approcha davantage, elle posa sa main sur les cheveux de Victoire et les lui caressa en lui parlant tout bas de sa voix douce. Quand elle eut fini de parler, elle lui désigna l'homme et l'accompagna en dehors de la maison. Dans la main de Victoire elle avait glissé un petit objet. Il sembla à Victoire qu'on lui intimait de partir et que c'est l'homme qui la guiderait vers le prochaine destination. La façon d'être de la femme lui indiquait qu'ils cherchaient à l'aider. L'homme bien qu'abrupt semblait s'être rallié à cette cause. Pourtant Victoire ressentait une certaine appréhension. Elle marcha sur les pas de l'homme qui s'était mis en route. Les quelques personnes qui se trouvaient là, une grand-mère et son mari, les regardèrent partir silencieusement. Ce n'était que quelques maisons qui se trouvaient là, parmi la nature. Celles-ci une fois dépassées, ce fut de nouveau comme si aucun homme ne vivait ici. Les hautes herbes qui montaient jusqu'aux genoux étaient abondantes. Il y avait quelques parterres de fleurs ici et là. Des buissons garnis de fruits affluaient dans le paysage. Victoire regarda avec curiosité ce que sa mère d'accueil avait glissé dans sa main. Lorsqu'elle l'ouvrit, elle vit briller un petit pendentif. La pierre de couleur amarante était taillée en tête d'ours. La ficelle qui tenait le pendentif lui permit de le mettre autour du cou. Victoire remercia la femme intérieurement pour ce cadeau. Des gouttes incommodantes commencèrent à tomber le long de ses joues. L'homme marchait vite, rarement il tournait la tête pour la considérer, et jamais il ne parlait. La marche dura plus longtemps que ce qu'elle s'était imaginé et Victoire pensa beaucoup. Tellement, qu'elle ne remarqua pas immédiatement que la végétation se faisait moins abondante. Elle était présente mais plus modérée et des habitations apparaissaient peu à peu. La profusion du nombre d'habitants interloqua Victoire. Ce n'était pas quelques maisons mais tout un village qui naquit sous ses yeux. Les individus fourmillaient. Des femmes étendaient du linge sur un fil tendu grâce à deux arbres massifs. D'autres travaillaient de leurs mains, confectionnaient. Quelques hommes plus loin découpaient soigneusement un cochon sauvage qu'ils avaient dû tuer quelques heures plus tôt. Cependant ils s'arrêtèrent quand Victoire passa à quelques mètres d'eux. L'un énonça quelque chose à l'intention de l'homme qu'elle suivait mais celui-ci ne tourna pas même la tête, il continua à marcher avec vigueur. Victoire pensa que son comportement était tout de même étrange. Ils progressèrent ainsi sans se soucier des cris d'exclamation, des chuchotements qui s'étendaient à mesure qu'ils avançaient. Bientôt ils arrivèrent à une bâtisse qui avait davantage d'envergure. La maison semblait construite sur la masse rocheuse qui s'élevait derrière elle. Ils s'arrêtèrent devant, ce qui permit à Victoire d'observer davantage. Une plante qui ressemblait à du lierre dévorait la façade comme le kraken l'aurait fait avec un bateau. Le bois qui constituait les murs semblait plus vieux que celui des autres maisons. De plus, plusieurs statues de pierre, sculptées à l'effigie de quelqu'un, se trouvaient à l'entrée. Victoire se demanda quel personnage important pouvait bien habiter cette demeure. Elle regarda l'homme pour l'interroger. Il ne lui rendit pas son regard. Au bout de quelques minutes à attendre, une personne sortit de la maison. C'était un vieil homme habillé d'une sorte de toge comme en portaient les habitants. Sa peau brune formait des plis dont des petites pattes d'oies autour des yeux qui lui faisaient un visage souriant. Il portait ses cheveux longs et une barbe hirsute lui tombait jusqu'en haut de la poitrine. Il salua tout d'abord l'homme en posant sa main sur son épaule et celui-ci fit de même. Puis il s'approcha de Victoire et déposa sa longue main ridée sur son épaule à elle aussi. Elle imita le geste. Une fois ce geste réalisé, le vieil homme adressa un mot au guide et celui-ci partit silencieusement vers l'animation du village. Victoire suivit l'homme qui s'en retournait à l'intérieur de la maison. Il la lui fit traverser. Il faisait sombre, ils changèrent plusieurs fois de pièce avant d'arriver dans celle où il la fit asseoir. Dans cette pièce à l'apparence de bureau, une pléthore d'objets était entreposée. Parmi eux, des livres, des plantes, de la vaisselle, des sculptures de formes et tailles diverses et variées. Dans ce fatras il saisit deux tasses et ce qui ressemblait à une petite théière. Une petite gouttière dépassait du mur, et en tournant un bouton un petit interstice s'ouvrit et de l'eau coula. La théière la réceptionna. Dans celle-ci il rajouta un assortiment d'herbes. Enfin, il vint s'asseoir à côté d'elle, déposa la théière et les tasses et fit le service.

Tahuta, le secret d'une îleWhere stories live. Discover now