Chapitre 29

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Toc, toc, toc. Toc, toc, toc. Toc, toc, toc. Une paupière se leva. La sensation puerpérale n'était pas très agréable. Elle avait fait un mauvais rêve. Encore. Et comme le bruit l'avait réveillée en plein milieu, elle était en train d'assimiler les images qui arrivaient jusqu'à sa conscience à mesure que les perturbations extérieures la sortaient de son sommeil. Victoire mit du temps à mettre son corps et son esprit en route. Le cauchemar avait conditionné son humeur. Et cette sensation désagréable ne la quittait pas. Ce ne fut que lorsqu'elle sortit à l'air libre qu'elle reprit un peu de vitalité. Voir le monde tourner, les oiseaux voler, la brise souffler, les grands-parents Lièvre baguenauder lui donna un regain d'énergie. Elle salua respectueusement grand-mère lièvre, appuyée sur son bâton, en dépassant la maison pour rejoindre le village. Son énergie s'intensifia encore un peu quand elle vit Maurice. Il la suivit tout en poursuivant un petit insecte qui virevoltait. Elle n'était pas encore tout à fait d'humeur à parler à l'animal, comme elle aimait le faire alors qu'il lui semblait qu'il comprenait au moins un peu ce qu'elle lui confiait. Mais en traversant les fougères, elle jubila alors que le programme de la journée lui revint en mémoire. Elle se souvint de la veille et de Makao qui se confiait à elle. Aujourd'hui, Paul recevrait une bonne nouvelle. Elle savait combien l'échec de leurs plans l'avait touché. Avec ce retournement de situation, elle ne pourrait que le surprendre positivement ! Victoire courait presque avec cette adrénaline qui coulait dans ses veines. Elle regardait tout ce qui l'entourait avec le cœur léger. Elle se sentait grande, puissante, car le monde tournait comme elle voulait qu'il tournât. En arrière-plan de deux phalènes qui s'entrecroisaient comme dans une danse, elle crut apercevoir le mouvement d'un être qui fit trembler les fougères. Elle se demanda si ce ne fut pas Aria. Le petit bœuf sauvage ne s'était pas montré depuis longtemps. Ou plutôt c'était elle qui n'avait pas pris le temps de lui donner les occasions de se montrer. Est-ce que Liam continuait à veiller sur elle ? Elle l'espérait. En fait, elle n'en doutait pas. Elle se demanda aussi s'il le faisait toujours pour elle. Elle n'avait pas réalisé à quel point il était bienveillant avec elle jusqu'à ce qu'il révélât que plusieurs fois il avait vu les bannis lui tourner autour. Elle avait alors pris conscience qu'à chaque fois qu'elle en avait eu besoin, il avait été là. Il avait veillé sur elle à la manière d'un ange gardien. Présent mais discret. Combien de fois avait-elle échappé à une situation périlleuse grâce à lui ? Deux, trois fois ? Peut-être quatre. Qui sait les dangers dont elle n'avait pas même pris conscience : comme ce banni dérangé qui l'avait observée... En arrivant au sein du village, Victoire reçut un bon nombre de sourires et de salutations avant d'arriver jusqu'à la maison de Talia. Elle croisa même le professeur qui se rendait à sa classe. Il lui inspirait beaucoup d'admiration, et cela à chaque fois qu'elle le voyait. Quelle sagesse et quelle compréhension des rapports humains pour un homme si jeune, pensait-elle à chaque fois. Il fallait vraiment que le métier d'enseignant fut une vocation, elle n'aurait pas vu n'importe qui dans ce rôle. Cette profonde gentillesse et passion lui collaient à la peau. Elle-même se voyait tout aussi épanouie dans le métier de médecin, profession qui, compte tenu du degré d'implication, nécessitait également une certaine passion. De plus, elle aimait sa façon d'estimer chacun indifféremment de son âge et de sa position sociale. Quand Victoire rentra dans la maison, elle vit Talia dans la même position que tous les matins, déjà affairée à préparer ses panacées. Sans un mot, elle se mit à son tour au travail. Talia avait laissé des plantes à côté d'elle et par ces indices Victoire comprit sa demande implicite. Aussitôt sa place prise aux côtés de Talia prît, l'analgésiant cutané était en préparation. Quand Talia lui accorda un regard, elle sentit qu'elle pouvait se permettre de dialoguer avec sa tutrice, ce que cette dernière n'aimait pas lorsqu'elle était pleinement concentrée sur sa tâche. Pour une fois ce fut même elle qui prit les devants pour lui donner ses instructions.

Tahuta, le secret d'une îleWhere stories live. Discover now