Chapitre 42

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Il y avait une dizaine de personnes appartenant au personnel navigant. Harris, l'australien barbu, les avait conduits à l'abri dans une cabine, sans doute la sienne. Il leur avait offert à boire de l'eau et à manger différents biscuits secs. Il n'avait pas bronché en les voyant exécuter le petit rituel. Victoire avait mangé avidement les biscuits et Liam avait goûté avec prudence cette nourriture qui lui était inconnue.

-Alors mes amis, qu'est-ce que vous faisiez en plein milieu de l'océan, dans la zone hauturière ?

Son attitude avait perdu de sa gravité et il semblait plus détendu. Liam et Victoire se regardèrent. Le tahut sembla dire à son acolyte qu'il laissait libre cours à ses agissements. Dans cette situation, il se voyait bien incapable de faire quoi que ce fût. Victoire était à la fois bien aise qu'il ressentît à son tour le handicap qu'elle avait connu en arrivant sur l'île, mais plaignait en même temps la frustration qu'il devait vivre en observant l'insensé de ce qui l'entourait et en ne pouvant avoir de réponses immédiates à ses interrogations.

-Je suis une rescapée du vol en direction de Hong Kong dont l'avion s'est écrasé il y a plusieurs mois. J'allais rentrer en France après presque un an en Australie avec un programme PVT. J'ai eu la chance de survivre. J'ai réussi à rejoindre une île qui était malheureusement sans vie humaine, enfin presque. C'est à ce moment que j'ai rencontré Liam. Lui aussi a eu une expérience similaire, c'est un naufragé. Il s'est retrouvé sur cette île, tout comme moi. Tous les deux nous avions le désir de la quitter et nous avons entrepris de construire un bateau avec l'espoir de rejoindre une terre et de rentrer respectivement chez nous. C'est à ce moment que nous avons croisé votre route. Nous avons pensé que vous pourriez nous aider dans cette entreprise...

Victoire était une bonne oratrice. Elle avait une certaine capacité à persuader, en plus de celle de convaincre, grâce cette nature qui reflétait une âme profondément bonne. Après un an passé en Australie, son anglais était très bon et le navigateur sembla attendri par cette histoire.

-Eh bien mes enfants, répondit Harris dans sa langue, vous avez de la chance d'être tombé sur le capitaine de ce bateau. Ce porte-conteneur est parti de Melbourne en Australie et il avance en direction de Schar à Oman. J'accepte de vous garder jusque-là et de vous prodiguer de quoi vous approvisionner. Après cela, tu n'auras qu'à rejoindre l'ambassade à Mascate, si ce que tu me dis est vrai, ils seront heureux d'apprendre qu'il y a une survivante de ce fameux vol. Les survivants dans les accidents sont rares, encore plus rares que les accidents eux-mêmes.

Harris et Victoire continuèrent à converser sur leur vie respective, mais la jeune fille resta réservée. Elle avait peur que le capitaine ne cherchât à creuser davantage l'histoire qu'elle avait en partie montée, qu'il voulût en savoir plus sur les origines de Liam par exemple. Heureusement il n'en fut rien, et il se trouva même qu'Harris fut un homme très sympathique et qui sut plaisanter. Il avait un rire gras et franc et un humour au premier degré. C'était un amoureux de la vie, un épicurien. Il aimait la nourriture, la boisson, et par-dessus tout son métier de marin.

-J'informerai mon équipage de votre présence, en attendant je vous donne quartier libre, prenez du repos, vous devez en avoir bien besoin.

Liam et Victoire suivirent ses instructions et sortirent de la cabine pour se promener un peu à l'extérieur. Ils longèrent les conteneurs qui emplissaient le bateau. La mer causait de petits remous qui étaient loin d'être comparables à ceux sur le voilier. Arrivés au bout du cargo, ils s'arrêtèrent et contemplèrent l'horizon. C'est Liam qui vint poser sa main sur celle de Victoire alors que cette dernière était posée sur la barrière de sécurité. C'est Victoire qui brisa le silence.

-Cet homme, Harris, il commande le bateau, il va nous conduire sur le continent. C'est très loin de chez moi, mais nous nous débrouillerons.

-Victoire, tu sais que nous devrons nous quitter à ce moment-là, c'était le plan...

-Je sais...

Une larme, qu'elle ne put contenir, coula sur sa joue. Il embrassa ses lèvres. Ce fut un baiser mouillé et douloureux de sentiment. Elle s'était faite à l'idée. Et pourtant, la réalité était plus douloureuse que ce qu'elle avait imaginé. 

Tahuta, le secret d'une îleWhere stories live. Discover now