Chapitre 11

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Liam taillait son couteau. Il était assis sur une masse rocheuse qui surplombait la mer. Dans le ciel, les nuages se faisaient noirs. Le temps s'annonçait mauvais. L'air ambiant était lourd. Des vagues, celles de l'océan, s'écrasaient violemment sous le rocher en dessous de Liam. Le jeune homme était enfermé dans des pensées bien sombres. Lorsqu'il eut fini de tailler son bâton, il entreprit de donner un coup de neuf aux outils qui servaient à la construction du bateau. De ses mains habiles de chasseur, il régénéra les instruments usés par le travail qu'ils avaient accompli. Quelques gouttes de pluie tombèrent sur la peau sombre de Liam. Celui-ci leva les yeux vers le ciel. Ce qui s'annonçait serait sans doute rude. Un coup de tonnerre vint confirmer cette pensée. Liam regarda au loin. Le ciel sombre au dessus de l'eau était magnifique. La couleur bleu marine de la mer, qui se mélangeait au gris asphalte du ciel, offrait un spectacle à la fois terrible et sensationnel. Une larme coula le long de la joue de Liam.

-Je crois que c'est mort pour cet après-midi.

Victoire et Paul s'étaient abrités chez Ma Roana. Ils avaient tout juste évité la grosse averse qui survenait à présent. Le tonnerre indiquait que la foudre allait bientôt frapper. Ma Roana était elle aussi rentrée se mettre à l'abri du temps. Elle avait sorti son matériel, et à présent, elle peignait. Elle possédait incontestablement un talent. Ses dessins étaient d'un réalisme impressionnant. Victoire et Paul s'étaient isolés dans la chambre pour la laisser se concentrer sur son œuvre. Assis sur le lit de Victoire, ils regardaient la pluie tomber par la fenêtre.

-Ca ne va pas être une journée très productive, déclara Victoire.

-Tu rigoles ? On a obtenu la permission de quitter l'école et de travailler. Moi avec Nell, et toi avec Talia.

-Oui, c'est vrai. On ne s'en sort pas si mal finalement.

-On s'en sort pas mal du tout, tu veux dire. Ca fait deux mois qu'on est sur l'île et regarde-toi, tu comprends quasiment tout et tu sais quasiment toujours communiquer ce que tu veux dire. Je te jure que tu as un don pour les langues !

-C'est vrai que je n'ai pas une mauvaise oreille. Mais bon, je suis loin de rivaliser avec ton esprit logique...

Il est vrai que Paul n'avait pas la facilité de Victoire pour parler et comprendre, mais il possédait un sens pratique incontestable. Il était d'une humeur étonnamment joviale ces derniers temps. Rien à voir avec ses débuts sur l'île. Peut-être que la période « homesick » était passée. Peut-être qu'il commençait à s'adapter à sa nouvelle vie, qu'il l'avait acceptée.

-Qu'est-ce qui te rend heureux ? demanda Victoire. Tu as l'air tout excité.

-Je sais pas. La nouveauté peut-être. Je suis content de pouvoir faire quelque chose d'utile ici. D'être vu comme un homme qui sait travailler de ses mains, et pas comme un enfant qui ne sait même pas parler.

-Je comprends. Je ressens le même enthousiasme.

-Où peut bien être Liam sous cette pluie ? questionna Victoire en regardant par la fenêtre la pluie tomber.

-Je ne sais pas. Tu te préoccupes de lui ?

-Ce n'est pas ça, je me demandais c'est tout.

-Mouais.

-Quoi ?

-Tu as bien dû remarquer la façon dont il te regarde, affirma Paul.

-Non, je n'ai pas vu, il est mon frère ici Paul, je ne le vois pas comme ça.

-Le repas est prêt, cria Ma Roana dans la pièce d'à côté.

Paul et Victoire se levèrent pour rejoindre la pièce principale. Paul en profita pour donner un petit coup d'épaule à Victoire, et il lui sourit. Elle lui rendit son sourire et ils s'assirent à table. Sur celle-ci, trois bols étaient posés. C'était une soupe épaisse dans laquelle plusieurs gros morceaux de légumes avaient été cuits. Il y avait également des boulettes faites à partir d'une sorte de farine et d'eau que Victoire avait déjà goûtées. Ce n'était pas la première fois que Ma Roana cuisinait ce plat, et il était un des favoris de Victoire. Sa mère d'accueil savait parfaitement utiliser les différentes épices qu'elle possédait, ce qui rendait chaque plat extraordinairement savoureux. Ma Roana récita une petite prière que Paul et Victoire répétèrent en chuchotant. Puis, ils mangèrent à grandes cuillères la soupe.

-Qu'as-tu dessiné Ma ? demanda Victoire.

Ma Roana sourit, apparemment heureuse que la question fût posée, et se leva pour aller chercher son travail.

-Ce n'est pas encore terminé, dit Ma Roana tout en déposant l'œuvre sur la table.

Le dessin n'était en effet pas achevé. Il manquait les couleurs qui donneraient de la vivacité à la création. Victoire reconnut cependant immédiatement les deux personnes qui étaient représentées sur l'esquisse. C'était Paul et elle. Ils se tenaient par les épaules, et ils étaient plus rayonnants que jamais. Les deux personnages étaient liés d'une très grande complicité, cela se sentait à travers les traits. Victoire fut touchée que Ma Roana les voit ainsi.

-C'est vraiment très beau Ma, dit Victoire avec émotion.

-Oui, je trouve aussi, confirma Paul.

-Merci, je suis heureuse que ça vous plaise, rétorqua-t-elle. J'ai à présent un dessin de tous mes enfants. Cette pluie n'est finalement pas mal tombée ; elle m'a permis de prendre du temps pour moi.

Plusieurs coups de tonnerre retentirent. Ma Roana était inquiète. Elle fronça les sourcils ce qui lui donna un air apeuré. Peut-être qu'elle s'inquiétait pour Liam qui était à l'extérieur sous ce temps. Peut-être qu'elle s'inquiétait pour le village qui pourrait payer les frais de ce déluge. Dans tous les cas, elle était une personne qui se préoccupait beaucoup des choses et des gens. Quand ils eurent terminé de manger, Paul et Victoire retournèrent dans la chambre. Ils jetèrent un coup d'œil dehors. Il faisait toujours aussi sombre. Un éclair blanc transperça le ciel. Puis un autre. La pluie ne cessait pas. Dans la maison, il faisait plus froid que d'ordinaire.

-Et si on allumait des lampes ? Il commence à faire sombre, proposa Victoire.

Ils allumèrent donc des lampes et s'allongèrent sur le lit de Victoire. Ils restèrent ainsi un moment sans parler. Puis, Paul se rapprocha, effleura la main de Victoire, et la prit. Ils ne se regardèrent pas. Victoire le laissa faire quand il vint l'enlacer et se placer en cuillère derrière elle. Elle appréciait ce contact et cette chaleur. Elle avait terriblement besoin de cette affection. De quelqu'un qui la serre fort. De bras chauds qui l'étreignent. La lampe s'éteignit soudain. Ils restèrent quelques minutes ainsi avant que Paul vint simplement coller ses lèvres chaudes contre les siennes. Il caressa sa langue avec la sienne. Le contact ne dura que quelques secondes, mais il suscita beaucoup d'effet. Ils s'endormirent ainsi, collés l'un à l'autre. Pour la première fois, Victoire eut une nuit sans rêve. 

Tahuta, le secret d'une îleWhere stories live. Discover now