Chapitre 46

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Les mois passèrent. Les souvenirs de sa vie sur l'île étaient toujours très présents pour Victoire. Elle pensait à Talia, Ma Roana, mais aussi à Liam qui ne s'y trouvait plus. Elle essayait de les éloigner en se projetant vers le futur. Elle s'était inscrite en médecine pour l'année qui suivrait. Pour cette année c'était trop tard, mais elle ne la voyait pas comme une année gâchée, elle avait tant appris... Pour les mois qui lui restaient avant le début de l'année scolaire suivante, elle avait décidé de travailler et faire du bénévolat. Pour le bénévolat, elle avait choisi une petite épicerie solidaire, où elle consacrait quelques heures chaque semaine. L'association vendait à moindre coût des denrées aux personnes en situation de précarité. Tous les membres étaient bénévoles. Elle s'occupait aussi des livraisons à vélo pour ceux n'ayant pas la possibilité de se déplacer. Son travail rémunéré était dans un hôtel, elle s'occupait de la réception et du service. Son bilinguisme avait été apprécié, c'est ce qui lui avait principalement valu d'être embauchée. Un jour qu'elle revenait justement de son travail, après un service tardif, elle trouva une lettre sur son lit. L'un de ses parents voyant qu'elle était adressée à son nom avait dû la poser à cet endroit. Ils étaient couchés depuis un certain temps et elle n'eut pas la possibilité de confirmer cette hypothèse. Elle s'étonna de l'écriture peu habile qui était inscrite à l'endroit de l'adresse. Comment le facteur avait-il fait pour déchiffrer ? On lisait à peine 1 rue des Pyes, 69330 Meyzieu, FRANCE. Certaines lettres étaient tracées à l'envers, comme si on les lisait dans un miroir. La lettre était quand même arrivée. Elle l'ouvrit soigneusement, comme une chose précieuse. Elle sortit délicatement le papier qui se trouvait dans l'enveloppe. Cette dernière était un peu abimée, on sentait qu'elle avait fait du chemin pour arriver jusque-là. Quand elle fut face à la lettre dépliée, elle identifia tout de suite la langue dans laquelle elle avait été rédigée. C'était de l'anglais. Elle traduisit mentalement le contenu :

« Victoire,

J'espère tout d'abord ne pas me tromper dans l'orthographie de votre prénom. Il faut excuser le vieil anglais septuagénaire que je suis. J'écris en compagnie de votre ami Liam, qui semble avoir quelques difficultés avec la tâche et qui a sollicité mon aide. Il parle quelques mots d'anglais mais semble étranger. Ainsi, il a été difficile de communiquer avec lui. Son physique m'a laissé penser qu'il vient d'un petit peuple des îles, je me trompe ? Enfin, de nos jours, il vaut mieux ne pas trop juger au physique, il ne se révèle pas toujours fidèle. Je n'ai cependant pas eu la chance de comprendre où exactement. Il m'a néanmoins dit que vous comprendriez si je vous écrivais en anglais, ce qui m'en voit ravi car j'aurais eu grand peine à écrire dans votre dialecte. Il m'a demandé de vous communiquer quelques informations. Tout d'abord, il m'a dit qu'il n'avait pas terminé son voyage, qu'il cherchait encore des réponses. Je ne sais pas ce que votre ami cherche, mais il cherche ardemment, il m'a dit venir de Mascate alors qu'il se trouve actuellement dans un petit village à proximité de Dhahran en Arabie Saoudite où je suis en vacances avec ma femme puisqu'elle y est originaire. Il m'a également signalé qu'il comptait vous revoir, une fois qu'il aurait trouvé. Les réponses je suppose ? Attendez-vous donc à recevoir de la visite en France car ce garçon manifeste beaucoup d'attachement à votre égard. Il a investi beaucoup d'énergie pour communiquer avec vous. Il aura mis du temps à ce que j'ai cru comprendre mais il a eu de la chance de tomber sur moi, je suis plus qu'apte à comprendre ce que c'est d'être étranger dans un pays qui nous est inconnu. Je crois qu'il aimerait que je vous dise qu'il vous aime, la barrière de la langue crée certaines incompréhensions, mais pas celle-là. Je suis bien certain que vous aimeriez l'entendre de lui, mais c'est ici que se limite mon aide. Ma foi, j'espère que vous recevrez cette lettre. Avec gentillesse. Gérald Becket »

Victoire serra la lettre contre son cœur et pleura. Cette lettre, c'était un miracle qu'elle fût arrivée jusqu'à elle. C'était un miracle que Liam eût mémorisé chacun des graphismes qu'elle avait tracés et qui ne lui évoquaient pourtant rien, sur son bras alors qu'ils se séparaient. Elle lui avait laissé son adresse. Elle l'avait inscrite au stylo rapidement lors de leur séparation. Au cas où. Au cas où il aurait été perdu. Mais ce ne serait pas une fois perdu qu'il viendrait, mais justement quand il saurait où aller. Quand il aura eu les réponses. Elle l'attendrait.

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⏰ Last updated: Apr 14, 2019 ⏰

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Tahuta, le secret d'une îleWhere stories live. Discover now