Chapitre 18

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-Comment m'as-tu convaincu de travailler sur le bateau le matin déjà ?

-Tu sais très bien que le soir je travaille tard, je n'aurais plus le temps, et je ne veux pas que tu travailles sans moi. Tu t'investis déjà assez pour Paul et moi comme ça. Et puis tes horaires semblent plus flexibles.

-Comment ça plus flexibles ? demanda Liam de sa voix de stentor. Je travaille moi aussi.

-Que fais-tu exactement ?

-J'observe.

-Comment ça ? questionna Victoire en inclinant inconsciemment sa tête de quarante-cinq degrés à la manière d'un petit animal dubitatif.

-Je t'expliquerai. Plus tard...

Victoire ne chercha pas à en savoir plus. Elle faisait attention à chacune de ses paroles avec Liam. Elle le trouvait toujours aussi impressionnant que le premier jour où elle l'avait aperçu. Pourtant, il n'était pas du genre à faire de l'esbroufe. Mais c'était comme ça, il inspirait le respect rien que par sa constitution. Encore quelques semaines, et le bateau serait achevé, lui avait-il dit. Quelques semaines à travailler une heure au lever du jour comme ils le faisaient, et Paul et elle pourraient prendre la mer. Ils n'en avaient pas encore parlé, la finalisation du bateau leur avait semblé tellement loin. Mais maintenant, ça devenait concret. Quand Victoire reposa son instrument dans le sable pour partir comme elle le faisait habituellement, Liam l'interpella.

-Tu as quelques minutes devant toi ?

-Eh... oui.

-J'ai quelque chose à te montrer.

Liam se leva du bord du rocher qui lui servait de siège. Victoire le préférait assis. Quand il était debout, il la surplombait de deux têtes, et cela ne l'aidait pas à se sentir à l'aise en sa présence. De plus, la démarche n'était pas coutumière. A quoi Liam pensait-il ? Une fois d'aplomb sur ses deux pieds, Liam frotta sa tunique pour en enlever le sable. Il regarda au loin et les premiers rayons du soleil vinrent lui caresser le visage. Puis, sans un mot, il se mit en mouvement. Victoire marcha sur ses pas. Et à l'instar de Victoire, Maurice suivit le colosse également. Les yeux de Victoire le regardèrent se mouvoir avec prestesse un moment sur terre, l'autre dans les hauteurs des arbres, à mesure que Liam s'enfonçait dans la forêt et s'écartait de la platitude de la plage. Victoire était-elle la seule chose qui semblait clocher dans ce paysage ? Elle, et sa petite taille, sa complexion peu avantageuse pour l'environnement. Elle avait beau mettre beaucoup de volonté pour marcher à la hauteur de Liam, ses pas étaient trop larges pour qu'elle puisse suivre son rythme. Elle ne s'étonnait plus de son manque de considération. Toute autre personne que lui se serait inquiétée de savoir si elle se sentait à l'aise avec la vitesse, si elle marchait, au moins, bien sur ses pas. Mais lui non. Elle avait presque envie de s'arrêter et de lui dire : « Non finalement, je n'ai pas de temps à t'accorder, une prochaine fois peut-être ». Ce qui signifierait, « jamais, mais MOI j'ai au moins la décence d'être polie et de mettre les formes. ». De toute façon, elle n'aurait pas su le dire. Les formes n'existaient pas en Tahut. On disait les choses comme on les pensait, ce qui rendait l'âpreté de Liam davantage excusable. Liam s'arrêta, ce qui permit à Victoire de se positionner enfin à sa hauteur. Elle ne se sentait pas encore l'égale de l'homme, mais ça allait déjà un peu mieux dans son égo. Devant elle se trouvait une petite source. Elle avait déjà vu cet endroit. Elle s'était déjà trouvée ici. Avec Liam. Pourquoi l'avait-il ramenée ici ? De sa poche, Liam sortit un petit objet en bois. Il le glissa entre ses deux lèvres et souffla très légèrement. Un son long et térébrant s'en échappa. Puis, il recommença. Sa tête ne bougeait pas, mais ses yeux guettaient les alentours. Soudain, des pas, écrasants pour la flore du sol, se firent entendre. Maurice pencha la tête comme Victoire l'avait fait moins d'une heure plus tôt. Il se questionnait sur la provenance de ces bruits de pas et semblait sur le qui vive, prêt à se percher dans un arbre en cas de danger. Quand le bœuf sauvage apparut derrière les quelques arbres en premier plan et qu'il s'approcha, Maurice bondit se réfugier sur une branche. La bête vint jusqu'à Liam sans crainte. Celui-ci glissa sa main dans les poils de son toupet et l'animal se délecta de la caresse.

Tahuta, le secret d'une îleWhere stories live. Discover now