Chapitre 22

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Les premiers rayons du soleil étaient les plus agréables. Il faisait presque frais quand ceux-ci ne venaient pas caresser délicatement la peau nue des bras et du visage. Victoire embrassa Ma Roana avant de s'éloigner de la maison. Aussitôt le chemin de la plage pris, il fallut qu'elle repensât à ce qu'elle allait dire à Liam. Ca lui avait trotté dans la tête toute la nuit. Incapable de maîtriser ce flot de pensées, elle avait eu beaucoup de mal à s'endormir. Comme chaque matin, Victoire sentit l'humidité lui chatouiller les jambes et les pieds. Quelques gouttes tombaient des arbres de façon stillatoire et l'arrosaient par la même occasion. Indifférente, Victoire marchait au milieu des osmondes humidifiées par l'aiguail. Elle bayait aux corneilles et observait les petits rongeurs qui se mouvaient dans les arbres. Les oiseaux chantaient des mélodies pénétrantes. Certains semblaient se répondre. Elle se laissa bercer par leurs trilles. A chaque fois, elle se trouvait transportée dans la forêt de son enfance. Celle où ses parents et elle allaient souvent se promener le weekend quand elle était petite. Elle se revoyait aux côtés de son père en train d'observer les insectes. Ils s'arrêtaient parfois sur le chemin, se mettaient accroupis, et analysaient attentivement l'activité grouillante des plus petits. Victoire regardait alors ce spectacle avec des yeux émerveillés. Ceux d'une enfant de cinq ans encore ingénue. Peut-être que ces moments-là avaient participé au fait qu'elle devînt une personne attentive aux choses et aux gens qui l'entouraient. Elle remercia ses parents en pensée avec un petit pincement au cœur. Quand Victoire commença à apercevoir la plage à travers les arbres, elle revint à la réalité. Elle savait que Liam serait déjà présent sur les lieux, et elle appréhendait la rencontre. Au même moment, il lui vint à l'esprit qu'elle avait complètement oublié d'avertir Paul qu'ils ne travaillaient plus sur le bateau en fin de journée. S'il se rendait à l'endroit habituel ; là où ils travaillaient tous les trois depuis quelques mois, le garçon allait s'étonner de ne voir personne. Victoire se dit qu'elle l'en informerait dans la journée. Tout en avançant, elle se remémora les formules qu'elle avait trouvées cette nuit dans un état de semi-conscience. Qu'est-ce que c'était déjà ? Plein de choses lui étaient venues en tête, mais toutes ces choses avaient apparemment déserté son encéphale. Quand Victoire poussa la dernière branche qui la maintenait dans la forêt, un flot de lumière se déversa. L'absence d'obstacles qui la séparaient du soleil était agréable. Ses yeux se plissèrent et ses pupilles se rétractèrent instinctivement lorsqu'elle parcourut du regard le paysage lumineux qui s'étendait devant elle. Elle avait beau le contempler tous les matins, elle ne s'en lassait pas. La mer était splendide. La nuit, Victoire n'aurait pas aimé s'en approcher, elle paraissait aussi mystérieuse que dangereuse. Mais le matin, elle était apaisante et fredonnait des refrains dont les vagues étaient les solistes. Victoire s'approcha de la zone où se trouvait le bateau. Elle apercevait Liam au loin, la tête baissée vers son travail. Elle espéra qu'il ne la relevât pas immédiatement. Non pas pour l'effet de surprise, mais surtout parce que cela lui permettait de se préparer psychologiquement avant d'être confrontée au regard contempteur du jeune homme. Elle essaya de paraître décontractée, passa sa main dans ses cheveux, et marcha d'un pas qui se voulait assuré. Plutôt que de regarder Liam, elle se concentra sur le bateau, cet objet scaphoïde, simple et massif qui avait l'air achevé bien que quelques détails manquassent pour qu'il le soit. Celui-ci atteint, Victoire dit simplement bonjour et de manière routinière continua le travail de la veille. Liam lui répondit sans un regard pour elle. Sa voix était neutre et n'exprimait ni colère, ni bienveillance, mais de l'éternelle indifférence. Victoire attendit d'avoir assez de courage pour ouvrir la discussion. Le silence perdurait et ce n'est pas Liam qui dirait quoi que ce soit pour détendre l'atmosphère. Pourtant, pour une fois, Victoire avait l'impression qu'il n'était pas indifférent à ce silence. Lui aussi semblait sentir que l'absence de parole laissait planer certaines choses. Etant donné les conditions dans lesquelles ils s'étaient quittés la vieille...

Tahuta, le secret d'une îleWhere stories live. Discover now