Chapitre 37

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Cette branche qui craqua, et dont le résonnement vint se mêler aux mélodies animales, l'alerta. C'était une nuit de pleine nuit. Il faisait frais. Le vent qui s'engouffrait dans les branches renforçait un frisson à chaque fois qu'il venait toucher les parties nues de sa peau. Quand la présence de l'individu se manifesta, c'est tout son corps qui se figea. Malgré le faisceau de lumière que projetait la lune, il ne pouvait distinguer quoi que ce fût. Les maisons et les arbres qui figuraient là, en silence, et dont on ne distinguait que les contours, donnaient vie à des formes inquiétantes. Le mutisme qui caractérisait ces formes contrastait avec les bruits angoissants de la nuit. Mais il produisait le même effet. Et cette prudence excessive qu'on vouait à la nuit ne faisait qu'amplifier le malaise. Comme un animal qui cherche à se camoufler en se mêlant à la nature, il fit de son corps un tronc et tous ses muscles se paralysèrent. Il n'avait pas été vu, mais lui voyait l'individu s'avancer pas à pas, silencieusement. Ce dernier essayait de limiter l'infime bruissement que chacun de ses pas créait. Ils auraient pu être imperceptibles et se mêler à la nuit si Liam n'avait pas eu l'ouïe aussi fine. L'homme se rapprochait d'ailleurs de plus en plus. Pas de lui, mais du bateau. A chacun des pas de l'individu, il se disait qu'il avait eu raison de prendre cette initiative. Elle ne serait pas vaine. Loin de là.

-Qu'est-ce que tu fais ici Raben ?

Raben ne sursauta pas quand il entendit la voix de Liam sortir de nulle part. N'avait-il aucune peur ? Il tourna simplement la tête avec curiosité en direction des mots qu'il avait perçus. Liam devina un sourire railleur se dessiner sur son visage. Il eut envie de frapper l'homme de toutes ses forces mais refoula cette impulsion. Il n'avait jamais exécré plus qui que ce fût. Pas même le Chef.

-Je te retourne la question, répondit-il en devinant les contours de son interlocuteur.

-Tu n'as rien à faire ici, tu le sais.

Dix pas séparaient les deux hommes. Cette distance, chacun d'eux brûlait de l'annuler.

-Et toi, c'est pour ta petite chérie que tu es encore éveillé ou parce que je te cause des cauchemars ?

Liam ne se laissa en apparence pas déstabilisé par cette remarque. Pourtant, elle le perturba. Raben était donc partout ? Il avait pu les observer tout en échappant à sa vigilance ?

-Tu devrais partir.

-Non, répondit-il avec un ton qui exprimait l'absurdité qu'il avait trouvée dans les paroles de son interlocuteur.

-Ce n'était pas une question, dit Liam tout en avançant d'un pas déterminé vers l'ex fils de la famille de la Buse.

Il ne se laissa pas le temps de réfléchir, il entoura de sa main de géant le cou de ce dernier avant que celui-ci n'eût le temps de faire quoi que ce fût tant l'action était soudaine. Face à ce geste, Raben eut une réaction tout à fait inadéquate. Il se mit à rire. Un rire qui évoquait la folie. Cela n'eut pour effet que d'énerver davantage Liam qui serra un peu plus le cou de son ennemi. Sa mâchoire se crispa. Il revit pleurer Victoire pour cette vie qui avait été enlevée, ses larmes de douleur couler sans interruption. Il finit cependant par se raisonner et relâcha légèrement la tension autour de cette gorge à l'intérieur de laquelle un sang de meurtrier coulait.

-Je vais être bien clair. Je ne veux plus te voir traîner dans les parages. Si j'apprends que tu as ne serait-ce mis qu'un pas dans la zone qui t'est interdite : c'est à dire où tu es susceptible de croiser une personne humaine, je te tue. C'est bien compris ? Je n'aurais aucun état d'âme. Je n'ai aucune pitié pour les personnes comme toi.

Le rire de Raben s'éteignit là où la menace de Liam avait commencé. Il l'écouta avec une expression de terreur qui illustrait son lunatisme et de cette manière toute sa folie. Contrairement à ce qu'il avait dit, Liam ressentit de la pitié pour lui. Il se dit que quelque chose chez lui ne fonctionnait réellement pas comme tout le monde. Il était différent du vieux sorcier banni qui malgré son sadisme exacerbé faisait preuve d'une grande intelligence. Dégouté par cet être, il lâcha sa prise. Raben se massa le cou et partit d'une démarche animale, à la manière d'une bête qui fuirait dans les bosquets en entendant se réveiller le chasseur. 

Tahuta, le secret d'une îleNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ