13. Nouveau monde

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Deux équipes de veille se relayèrent pour étudier les images et données provenant de nos multiples senseurs. Nous avions choisi d'appeler la géante gazeuse autour de laquelle orbitait Éden : « Luna », car elle jouerait le rôle de « lune » dans notre nouveau firmament.

Deux autres planètes accompagnaient notre étoile dans sa course. La première ressemblait vaguement à Mars, mais en plus grand. La deuxième en était fort éloignée. Il s'agissait également d'une géante gazeuse. Mais elle possédait un gigantesque anneau et était légèrement plus petite que la nôtre. Nous les avions respectivement appelées « Arès » et « Cronos », qui représentaient les équivalents de Mars et de Saturne dans l'ancienne mythologie grecque.

Quant à Luna (dénomination que nous avions, après de longues discussions, préférée à « Zeus ») son orbite durait environ six de nos anciens mois. Ce qui deviendrait la longueur de nos nouvelles années, venant ainsi doubler notre longévité ! Nous avions, de ce fait, tous une chance de devenir centenaires dans ce nouveau monde qui venait de nous accueillir !

La trajectoire d'Éden s'avéra bien plus complexe que celle de la Terre du fait des orbites qu'elle effectuait autour de sa géante gazeuse possédant une dizaine d'autres lunes, toutes plus petites que celle sur laquelle nous avions décidé de nous installer.

Comme la plupart des lunes orbitant autour d'une planète de masse importante, Éden présentait toujours la même face à Luna, tournant autour d'elle en une trentaine d'heures... qui deviendraient ainsi la durée de nos nouvelles journées !

Cette conjoncture particulière nous avait poussés à préférer une installation sur la face qui se présentait à Luna en raison de l'important écart de température qui existait entre les journées et les nuits sur son autre face. Notre décision nous permettrait ainsi de jouir de journées tempérées et des nuits chaudes et claires, grâce à l'énergie solaire réfléchie par Luna.

Le seul petit désavantage qu'entraînait cette décision était qu'une éclipse diurne viendrait nous plonger dans l'obscurité en milieu de journée. Mais celle-ci ne durerait que trois bonnes heures et, en tenant compte de nos nouveaux jours de trente heures, cette petite sieste forcée s'avérerait plutôt la bienvenue !

Tout cela ne faisait que rajouter du piment au fantastique spectacle dont jouissait cette face par rapport à l'autre, qui ne voyait jamais Luna. De nombreuses zones d'installation possible y avaient déjà été identifiées. Certaines nous paraissaient très prometteuses. Mais il nous faudrait les étudier dans les moindres détails, afin d'identifier la plus propice d'entre elles.

Après deux semaines de nombreuses et interminables séances de simulations virtuelles et d'analyses des différents résultats de nos observations, nous choisîmes enfin l'emplacement qui nous semblait idéal. Il s'agissait d'un plateau surélevé, entouré de hautes montagnes à l'Est et bordé d'une énorme falaise à l'Ouest, surplombant l'océan.

Éden pourrait être comparée à Europa ou à Ganymède, orbitant autour d'une planète semblable à Jupiter, mais bien plus proche de notre Soleil... ce qui aurait permis à leurs surfaces glacées de se transformer en océan. Mais aucun signe de vie animale n'avait encore été décelé par nos sondes.

Cela me semblait impossible ! Un astre, jouissant d'une telle quantité d'eau, d'une végétation si luxuriante et d'un climat à ce point propice à l'apparition de la vie, ne pouvait abriter que des espèces végétales !

Quel était donc le mystère qui se cachait derrière cette nouvelle énigme ? Était-il de nature à mettre en danger notre survie sur ce monde inconnu ? Nous n'avions pourtant décelé aucune bactérie, aucun micro-organisme capable de causer l'anéantissement de toute espèce animale, dans les échantillons d'atmosphère analysés.

Éden aurait-elle pu être comparée à notre Terre lors de sa période de vie végétale ? Celle que l'on appelait le Primaire, le « troisième jour » de sa création comme me l'avait décrit le Maître ? Cette période qui vit apparaître nos premiers continents ainsi que de nombreuses sortes de végétations sur une Terre inondée par des millénaires de pluies incessantes ; il y avait de cela un demi-milliard d'années.

Mais nous n'avions pas la moindre intention d'attendre l'apparition de la vie animale, à savoir encore plusieurs centaines de millions d'années, avant d'entamer l'exploration de notre nouveau monde !

Il était donc possible que les seules formes de vie que nous allions découvrir ici ne soient que divers organismes microscopiques, ou au mieux : certains petits mollusques à corps mou abrité, ou non, par une coquille !

Mais ces considérations pessimistes n'arrivèrent pas à ébranler notre enthousiasme. Les résultats de nos analyses s'étant avérés suffisamment positifs, nous avions, d'un commun accord, pris la décision d'entamer la prochaine étape de notre plan : notre descente dans son atmosphère !

Cette opération délicate avait été soigneusement préparée par notre ordinateur de bord. Nous l'avions surnommé « Noé » dans le but de faciliter nos contacts avec lui. C'est ainsi que nous ne parlions plus du TXL1138, mais bien de notre « Arche de la Nouvelle Chance », qui devint très rapidement lors de nos conversations, tout simplement : la « Nouvelle Chance »...

Nous nous étions, bien vite, rendu compte que l'exécution de notre mission eut été impossible sans l'aide de Noé. En effet, mes trois compagnons rescapés et moi-même aurions à piloter les quatre coupoles qui devraient impérativement se détacher du vaisseau pour venir se poser à la surface d'Éden. Seul Noé serait capable de mener ce dernier vers sa zone d'atterrissage, en respectant de façon précise la trajectoire qui nous permettrait de réussir cette manœuvre, excessivement délicate. Personne d'autre à notre bord n'avait suivi une formation lui permettant de piloter un tel engin spatial !

Mis à part nos quatre chérubins, les autres membres de notre communauté resteraient embarqués à bord de la Nouvelle Chance durant cette manœuvre aussi dangereuse que complexe. Les coupoles n'auraient qu'à suivre leur enfant respectif qui inspecterait l'état de la surface environnante afin d'y choisir l'endroit le plus propice à leur installation. Notre vaisseau attendrait qu'elles se soient définitivement posées, fixées les unes aux autres, pour enfin venir s'installer à leurs côtés...

Soudain, Marie vint mettre fin à notre belle euphorie...

— Non... Nous ne pouvons pas exécuter ce plan ! s'écria-t-elle. Le fait que nous n'ayons encore découvert aucune vie animale m'intrigue fortement. Nous ne sommes pas à l'abri d'une substance chimique ou d'un virus inconnu qui risquerait de tuer les enfants lorsqu'ils sortiront de leur coupole. Nous ne pouvons nous permettre de mettre leurs vies en danger. Vous savez pertinemment que, sans eux, les chances d'avenir de notre communauté seraient réduites à néant.. Quelle fin stupide, après avoir passé tant d'années à espérer tout pouvoir recommencer ici !

Homo Sum 2 : l'éveil de l'humanité (Episode 2 : Révélation)Where stories live. Discover now