17. Les oiseaux

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Ce fut alors que la plus belle surprise de toute mon épopée se présenta à moi... Des dizaines de volatiles, aux formes étranges et d'une couleur blanche éclatante, sortirent des arbres, comme m'accueillir en ce nouveau monde. Ils semblaient vouloir m'accompagner.

Des larmes de joie vinrent brouiller cette vision féerique qui m'annonçait que nous ne serions pas seuls dans notre nouveau monde. Celui-ci devait, comme je l'avais toujours supposé, être habité par de nombreuses autres formes de vie. Cette nouvelle me rassura également quant au fait que l'atmosphère d'Éden devait sans doute être respirable...

Les merveilleux oiseaux blancs continuèrent à me suivre. Ils manœuvraient avec une agilité extraordinaire, passant, de temps à autre, entre les suspentes de mon parachute. Je les admirais en prenant plaisir à tenter d'accompagner leurs pirouettes. J'effectuai une série de virages serrés, comme si j'avais voulu les engager en combat aérien !

Les sensations que je ressentis lors de mon écolage de pilote de chasse me revinrent en mémoire. Je me retrouvai bientôt flottant au milieu d'une masse blanche et floue à cause des larmes qu'avait fait apparaître la joie que j'éprouvais en cet instant inoubliable...

Je me rendis soudain compte que mon horizon était devenu entièrement bleu et plat. J'entamai un long virage afin de ne plus perdre trop d'altitude et de m'orienter par rapport à ma zone d'atterrissage... lorsqu'un gigantesque mur de roche apparut en face de moi !

Je m'étais laissé descendre plus bas que le plateau en jouant avec les oiseaux... Je me trouvais au-dessus de l'océan, face à cette énorme falaise parsemée, çà et là, de nombreuses cascades. Ces dernières faisaient jaillir une brume blanchâtre au pied de leurs imposantes colonnes d'eau, hautes de plusieurs centaines de mètres.

En regardant plus attentivement vers le bas je vis qu'il n'y avait aucune plage sous mes pieds. Les lames de l'océan venaient directement s'écraser contre les rochers, ne laissant aucun endroit disponible à un éventuel atterrissage de fortune... hormis cette immensité bleue, dont les hautes vagues étaient provoquées par une forte brise du large.

Ce fut alors que je réalisai pleinement la situation dramatique dans laquelle mon excès d'enthousiasme, ainsi que ma légendaire stupidité, m'avaient entraîné. J'allais être englouti au fond des eaux d'Éden ! Je n'aurais plus aucune possibilité de rejoindre la terre ferme... et de ce fait, certainement pas non plus le sommet de la falaise.

C'était pourtant de là que j'aurais dû entrer en contact avec mes compagnons, pour leur annoncer la bonne nouvelle ! Mon scaphandre ne me permettrait pas de nager vers les rochers. Et la hauteur des vagues me faisait réaliser que, même si j'arrivais à me poser au pied de l'énorme mur qui me faisait face, je ne pourrais m'y accrocher pour tenter de l'escalader sans être inexorablement emporté par la houle.

Il n'y avait que moi pour commettre une telle idiotie ! Il m'était impossible d'envoyer un ultime message au vaisseau. Celui-ci devait être de l'autre côté de la planète. Ils allaient sans doute en conclure que son atmosphère toxique m'avait rendu incapable d'accomplir ma mission...

Je devais absolument trouver le moyen de rejoindre le plateau qui s'éloignait lentement au-dessus de moi, au fur et à mesure que je descendais vers la surface de l'eau. Mon attention se fixa sur les étranges oiseaux qui m'avaient accompagné jusqu'ici. Ils venaient de quitter mon sillage pour se diriger vers les flancs escarpés de la falaise.

Ils se laissaient planer le long des courants ascendants, provoqués par la rencontre du vent du large et de ce mur de roche qu'ils longeaient à présent. Celui-ci n'offrait qu'une seule possibilité à l'énorme masse d'air qui venait s'y écraser : monter vers le haut de la falaise pour pouvoir y continuer sa course !

Je décidai de les suivre, en faisant confiance à leur expérience, afin de tenter de remonter progressivement vers la surface du plateau... La finesse de mon parachute me permit de ne pas perdre trop d'altitude en venant longer les rochers, tout en effectuant quelques demi-tours serrés à chaque fois que j'y rencontrais une forte ascendance.

C'est ainsi qu'après quelques virages je me rendis compte que je ne descendais plus. Je me retrouvai bientôt entouré d'une nuée de volatiles qui me guidèrent très rapidement vers le sommet de la falaise.

Mes mystérieux compagnons disparurent aussi subitement qu'ils étaient arrivés. Mais je n'eus plus le temps d'y penser. J'étais émerveillé par cet énorme plateau qui m'apparaissait à nouveau sous forme d'un paysage d'une beauté quasi miraculeuse. Et j'étais bien décidé à m'y poser au plus vite !

Une petite clairière verdoyante s'étendait au bord du précipice. Celle-ci me sembla être l'endroit idéal pour mettre fin à ce vol qui avait déjà bien trop duré... Je fis mon approche vers la mer, face au vent, comme mon entraînement de pilote me l'avait appris ; sans pour cela me diriger à l'intérieur des terres. Mon expérience me laissait présumer que de violents courants d'air rabattants devaient y créer de dangereuses turbulences. Celles-ci seraient certainement capables de transformer mon parachute en vulgaire chiffon si je venais à m'y aventurer.

Je terminai enfin mon vol, en plaquant ma voilure au sol, dès que mes pieds s'y furent posés, pour ne pas me laisser entraîner sur plusieurs mètres par le vent. La pesanteur d'Éden me fit trébucher sous mon propre poids, cette sensation de lourdeur que j'avais totalement oubliée me cloua irrémédiablement par terre. Je restai ainsi allongé quelques longs instants sur cette herbe, que j'éprouvais tant de plaisir à sentir sous moi !

Je me retournai péniblement après m'être libéré de mes suspentes grâce aux mousquetons prévus à cet effet. J'étais littéralement écrasé par cette gravité à laquelle j'aurais à me réhabituer. J'en profitai pour me reposer quelques instants en regardant les mystérieux volatiles réapparus, comme par enchantement, juste au-dessus de moi ! Ils ne se doutaient sans doute pas qu'ils venaient de me faire vivre les émotions les plus exaltantes de mon existence.

Ils étaient si beaux, si élégants. Leurs ailes me rappelaient celles de ces êtres chers qui allaient bientôt venir me rejoindre en cet endroit idyllique. Certains d'entre eux vinrent m'observer de plus près, en vol stationnaire, utilisant la vitesse du vent pour se rapprocher lentement de moi.

Ils ne ressemblaient à aucune espèce terrestre, bien que j'eus l'impression de les avoir déjà vus quelque part. Ils semblaient extrêmement intrigués par l'étrange créature que je devais être à leurs yeux. Mais il me fallut vite oublier ces nouveaux compagnons aux talents d'illusionnistes, capables d'apparaître et de disparaître à volonté, pour accomplir la prochaine étape de ma mission...

Je me débarrassai rapidement de mes gants, profitant d'avoir les mains libres pour caresser cette herbe qui me sembla si douce. J'ouvris ensuite, non sans peine, la verrière de mon casque en y laissant s'engouffrer l'atmosphère d'Éden. Son odeur était similaire à celle de l'oxygène de mon scaphandre. Je ne remarquai aucune différence, hormis la senteur caractéristique de la végétation qui m'entourait et celle, encore plus forte, de l'iode marin !

J'aspirai quelques bouffées plus profondes, non sans appréhension, dans le but d'augmenter les effets de cet air frais sur mon métabolisme. Celui-ci pénétra mes poumons et ensuite mon sang venant irriguer mon cerveau en lui procurant l'oxygène vital à son bon fonctionnement. Il ne me restait plus qu'à patienter quelques minutes pour analyser les réactions de mon organisme. 

Homo Sum 2 : l'éveil de l'humanité (Episode 2 : Révélation)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant