Homo Sum 2 : l'éveil de l'humanité (Episode 2 : Révélation)

50. Le deuxième anneau

Le Chef de patrouille utilisa la frégate afin de simuler le relief qu'ils allaient bientôt rencontrer. Il frôla sa structure, jouant avec ses anneaux, comme s'il s'agissait d'énormes montagnes russes ! L'Amiral se retint de le réprimander. Elle se rendit rapidement compte qu'elle pouvait les laisser s'amuser un peu, sans risquer qu'ils viennent endommager son vaisseau.

En jetant un coup d'œil vers la deuxième coupole, elle comprit que les travailleurs assignés à la construction du nouvel anneau, ainsi que les pilotes de sa formation, allaient sans doute également remarquer les taches de sang qui s'y étaient accumulées. Il était grand temps d'annoncer la terrible nouvelle à son équipage...

Dès qu'ils furent rentrés de mission, elle convoqua le Second dans son bureau. Elle avait besoin de parler de tout cela avec quelqu'un en qui elle avait entière confiance. Elle lui offrit une rasade de ce liquide miracle, découvert par ses techniciens, en entamant la conversation :

— Comment s'est passée votre journée ?

— Très instructif, Amiral. Nous avons reçu pas mal d'informations concernant le relief de la lune des Indésirables. Ses petits continents semblent escarpés et leur végétation est parfois très dense. Il nous faudra larguer nos hommes à proximité des installations des évadés car il leur sera impossible de parcourir une grande distance dans un tel terrain.

— Et mon aiguille... l'avez-vous enfin découverte ?

— Pas encore, notre seconde salve ne s'écrasera aux quatre coins de cette lune que demain. Nous espérons, grâce à elle, avoir la chance de les repérer. Sinon il nous faudra attendre les résultats de celles qui pourront se stabiliser en orbite. Notre vitesse sera suffisamment réduite d'ici une semaine pour que nous puissions enfin les lancer.

— Une semaine, c'est bien long... Espérons que la chance soit avec nous ! Je meurs d'envie de rencontrer ces mystérieux Indésirables. J'ai également décidé de faire preuve d'une honnêteté totale envers notre équipage. Je vais leur annoncer, de vive voix, ce que nous avons découvert dans notre deuxième coupole !

Le Second faillit recracher le liquide qu'il venait d'ingurgiter en entendant cette nouvelle. Il mit quelques secondes à s'en remettre avant de répondre :

— J'espère que vous savez ce que vous faites... Nous allons semer le trouble dans leurs esprits !

— J'estime qu'ils ont le droit d'entendre la vérité. Et je préfère la leur annoncer moi-même, plutôt qu'ils ne l'apprennent de façon détournée. Certains d'entre eux doivent déjà avoir remarqué les taches de sang qui la tapissent. Je ne veux pas être prise au dépourvu !

Le Second comprit et acquiesça, tout en sirotant son verre de plus belle. Il resta pensif en attendant que l'Amiral exprime le fond de ses pensées... ce qu'elle ne tarda pas à faire après avoir, à son tour, ingurgité quelques gorgées de leur boisson miracle :

— Je n'ai pas du tout l'intention de larguer cette coupole sur un monde vierge. Je sais que cela me met en contradiction avec les ordres de la Fédération ! Ce sera à moi, et uniquement à moi, que reviendra la responsabilité de cette décision... Je ne vais pas ouvrir de referendum. Et je m'attends à ce que l'entièreté de notre équipage me suive, comme un seul homme !

— Clair Éther ! conclut le Second en se versant un dernier verre.

— Clair Éther, répondit l'Amiral, tout en faisant de même...

Lorsqu'elle fut enfin seule, elle se débarrassa de son uniforme pour se diriger vers la petite sphère de réalité virtuelle qui équipait sa cabine. Elle l'activa, après s'y être installée confortablement.

Des visions idylliques commencèrent à saturer son esprit, et ses sens, par l'entremise de la petite bille virtuelle qu'elle venait d'introduire dans son implant frontal. Elle se retrouva couchée sur une plage déserte aux côtés d'un jeune homme, d'une vingtaine d'années, qui devait avoir été son compagnon...

Ils s'enlacèrent tendrement dans le sable, pendant que les vagues venaient s'échouer à leurs pieds. Lorsque leurs ébats prirent fin, ils se regardèrent longuement dans les yeux. Elle ouvrit la bouche pour tenter de lui adresser la parole... mais se souvint que cela lui était devenu impossible.

Elle arrêta brusquement la simulation en faisant apparaître le menu principal. D'un lent mouvement de la main, elle sélectionna la fonction d'effacement du programme. Elle approcha son doigt de la touche virtuelle de confirmation avec hésitation... pour finalement annuler sa commande, en éteignant la sphère, avant de s'y assoupir.

Non loin de là, dans leur cabine, les quatre pilotes spatio-temporels n'arrivaient, comme à leur habitude, pas à trouver le sommeil. Leur longue discussion durait déjà depuis quelque temps lorsque la fille osa enfin aborder le sujet qu'ils redoutaient :

— Qu'allons-nous faire si nos Lémuriens ne s'adressent pas à l'Amiral durant notre prochain saut ? Je me souviens de ma toute première excursion, d'à peine quelques minutes, dans l'hyperespace ; il ne s'y est rien passé ! Croyez-vous que cela soit dû à sa courte durée ?

— Qui sait ? répondit l'aîné. Personne ne peut en être certain.

— Ne pourrais-tu pas essayer de convaincre le professeur de nous faire effectuer un saut légèrement plus long ? demanda-t-elle... Juste pour mettre toutes les chances de notre côté.

— Facile à dire... tu sais comme l'Amiral est pressée de rencontrer les Indésirables.

— Je t'en supplie, insista-t-elle. Juste quelques heures... pas plus !

— Cela ne répond pas à ta véritable question, rétorqua l'indiscipliné. Tu voulais savoir ce que nous ferions si l'Amiral décidait, malgré tout, de les capturer et de les ramener vers la Fédération, pas vrai ?

— C'est bien simple, conclut l'aîné... et que ce soit clair entre nous : nous obéirons à ses ordres, quels qu'ils soient !

Cette dernière remarque leur fit comprendre qu'il n'avait toujours pas changé d'avis. Personne n'osa insister, de peur de s'attirer les foudres de leur nouveau Commandant d'escadrille...